Enregistré live dans le fief de la clique d’Anticon, sans doute autant pour donner à ces compositions étranges et mélangeuses un surcroit d’intensité et de spontanéité que par défi, ce premier album solo du multi-instrumentiste de 13 & God et Subtle depuis l’accident de la route qui l’a laissé partiellement paralysé en 2005 lors d’une tournée de ces derniers s’ouvre sur une mise en garde ("Don’t take your physical abilities for granted, for you can lose them, with a snap of the neck") aux itérations malmenées jusqu’à la déstructuration la plus complète : la profession de foi, en somme, d’un insatiable explorateur sonique qui aura refusé de laisser ses limitations physiques freiner sa créativité.

Électronique hantée (Soulpsang), kosmische musik polyrythmique infusée à l’abstract hip-hop et notamment aux arythmies alambiquées de DJ Shadow ou de son copain Jel (Krafteno), spleen gothique aux harmonies dronesques (Memory), cut-up post-techno percussif à la Matmos ou Matthew Herbert des débuts (For the Angels) ou musique concrète tourmentée (les 10 minutes d’horreur cosmique hallucinée de Treading Water, construit notamment sur des samples manipulés d’une interview sur la douleur physique et la perte de motricité, d’appareils de chirurgie et d’un fauteuil roulant électrique devenu fidèle compagnon), autant d’atmosphères et d’influences mêlées qui se succèdent sur Live In Oakland, autant de plages équilibristes et mutantes qui ne laissent en rien ressentir le fait que, privé de l’usage individuel de ses doigts, le Californien doive désormais user de logiciels et de machines spécialement adaptés pour composer et pour jouer.

Un pied de nez au destin, mais surtout un grand disque d’aventurier de l’expérimentation tous azimuts qui ne tombe jamais dans l’abscons.