En douze ans de carrière et pas moins de huit albums, les américains de Windsor For The Derby font presque déjà figure de vétérans au sein de la scène indé américaine. Il faut dire que les pensionnaires du label Secretly Canadian n’ont jamais vraiment connu un succès à la hauteur de leur talent, qui leur aurait permis de sortir de l’anonymat dans lequel ils semblent confinés pour l’éternité. Tout juste la présence du fantastique The Melody Of The Fallen Tree (probablement leur plus grand morceau, assemblage lymphatique de post-rock et de house minimaliste) sur la B.O. du Marie-Antoinette de Sofia Coppola, leur offrit un petit coup de projecteur qui restera malheureusement sans suite.

Bien que difficile d’accès, les disques de Windsor For The Derby contiennent pourtant chacun un morceau qui aurait pu faire figure de petit tube en puissance. Awkwardness (sur The Emotional Rescue LP ) ou Black Coats (sur We Fight Til Death ) avaient ainsi l’allure des meilleurs singles de New Order, en parvenant à cette mystérieuse alchimie qui consiste à injecter une bonne dose de mélancolie dans des chansons taillées pour le dancefloor. Avec cette voix à la timidité maladive qui faiblit systématiquement sur la dernière syllabe et des mélodies à peine suggérées, Windsor For The Derby nous a toujours évoqué un Belle & Sebastian qui aurait bloqué sur les disques de Factory Records. Ignorant Interpol, Editors et consorts, Dan Matz et Jason McNeeley, têtes pensantes du groupe et derniers membres fondateurs rescapés, continuent à faire de la new wave comme si Ian Curtis n’avait jamais existé.
La rythmique martiale de l’introductif Let Go fait ainsi trembler les murs comme ceux des Bains Douches en leur temps avant que l’imparable Maladies, en écho au Sensitive de The Field Mice, ne réconcilie les guitares noisy avec les pistes de danse. Avec How We Lost, la musique de Windsor For The Derby fait ainsi un bond dans le temps pour retomber en 1986, en plein milieu du mouvement C86 durant lequel quelques groupes anglais alors inconnus, soutenus par le NME, donnaient naissance à un shoegazing embryonnaire. Sur Fallen Of The Earth ou Hold On, les guitares sont comme étouffées, juste là pour recouvrir une voix qui refuse de se faire entendre. A l’image de la pochette du disque, la lumière arrive enfin à filtrer dans la musique des texans, il y a même des choeurs un peu béats et alanguis qu’on aurait plutôt entendus chez n’importe quel groupe de sunshine pop. Dans le capharnaüm bruitiste de What We Want surgit même la plus belle partie de mélodica entendue depuis Love Vigilantes.

La musique de Windsor For The Derby est à l’image de ces multiples détails qui parsèment leurs morceaux : effacée et discrète, elle n’en est que plus précieuse. How We Lost vient aujourd’hui rejoindre sur l’étagère ses prédécesseurs avec la même sensation de se constituer un jardin secret, un petit trésor de mélancolie inestimable.

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