Révérence d’un géant de la soul.

Isaac Hayes s’est éteint dimanche après-midi, chez lui à Memphis, le fief du label Stax auquel son nom restera à jamais associé. Il avait 65 ans.

Après avoir co-signé avec David Porter quelques-uns des plus grands succès du duo Sam & Dave alors très populaire et co-produit les chef-d’oeuvres d’Otis Redding, Otis Blue, The Soul Album et Dictionary Of Soul, ce géant en devenir, déjà trop grand pour demeurer plus longtemps dans l’ombre, connaîtra lui-même le succès en solo dès 1969 avec son deuxième album, l’extraordinaire Hot Buttered Soul composé d’à peine quatre chansons dont la plus longue dure près de 20 minutes.

Dès lors, l’ampleur de ses épopées romantiques aux crescendos ambitieux, un goût prononcé pour les constructions narratives et les arrangements lyriques ainsi bien sûr que sa voix profonde, majestueuse et feutrée de grand félin alliant douceur et puissance feront de lui un soulman atypique et pourtant emblématique d’une époque où la démesure pouvait parfois accoucher du meilleur.

Ce sera assurément le cas pour Hayes, auteur jusqu’au milieu des années 70 d’une demi-douzaine de sommets ( ...To Be Continued, The Isaac Hayes Movement, Joy, Chocolate Chip ...) qui ouvriront à la soul des horizons impensables à l’époque, explorés vingt ans plus tard par le trip-hop ou même le hip-hop.

Massive Attack, Portishead, Tricky, Chuck D de Public Enemy ou encore le Wu-Tang Clan feront ainsi partie des musiciens à sampler ou inviter sur l’un de leurs albums ce véritable visionnaire dès le milieu des années 90, réhabilitant au passage une oeuvre à laquelle l’Histoire, souvent injuste, n’avait pas jugé bon d’accorder l’importance qu’elle méritait.

Le remake de Shaft par John Singleton en 2000 contribuera également à ce retour au premier plan, en prouvant s’il était besoin que le fameux thème oscarisé en 72 de ce film emblématique de la Blaxploitation avait conservé toute sa fraîcheur, et surtout en permettant indirectement de redécouvrir deux autres scores autrement plus mémorables de l’Américain, Three Tough Guys (dont le morceau Run Fay Run sera utilisé par Tarantino pour Kill Bill en 2003) et Truck Turner, ce dernier marquant également en 1974 les débuts d’une prolifique carrière d’acteur pour Isaac Hayes qui apparaîtra notamment dans New York 1997 de John Carpenter en 1981 et en caméo dans un certain nombre de séries télévisées.

Isaac Hayes dirigeant et interprétant le thème de Shaft au Jazz Festival de Montreux en 2005.

Mais c’est surtout la série animée South Park qui avait apporté dès 1997 une seconde jeunesse au chanteur, interprète vocal du personnage de Chef et de ses hymnes salaces jusqu’à sa récente défection pour cause supposée de conflit d’intérêt avec ses deux auteurs, Isaac Hayes étant en effet devenu depuis 1995 un adepte particulièrement actif de l’Eglise de Scientologie que Trey Parker et Matt Stone prenaient de plus en plus régulièrement pour cible.

Affaibli par une crise cardiaque début 2006, Isaac Hayes n’en préparait pas moins un nouvel album, son premier depuis l’anecdotique Branded sorti en 1995. Il apparaîtra en novembre prochain dans Soul Men, une comédie inspirée de l’histoire du label Stax dans laquelle il venait d’interpréter son propre rôle.

News - 13.08.2008 par RabbitInYourHeadlights