Compilation - Falling Down II
La deuxième compilation Falling Down a le bon goût de s’éloigner des chemins balisés par Neurosis et consorts.
CD 1
1. Across Tundras - Final Breath Over Venom Falls
2. Monachus - Februari
3. White Hills - Heads on Fire
4. Ocoai - La Main Electrique
5. Farflung - R-Complex
6. Impure Wilhelmina - Cold Fever
7. Time To Burn - Elena Djinn
8. Gnaw Their Tongues - We Breathe Hate and Spit Fire From Our Mouths
9. The Poisoned Glass - Silent Vigil
10. Kalvria - .N
11. U.S.Christmas - Lazarus (Live)
12. Kingdom - Ruina. Where Men Go to Die
13. Kalkh-In(Joy) Erode - Xwck
CD 2
1. Kongh - Thunders Collide
2. Tesa - Untitled
3. Omega Massif - Am Abgrund
4. Kodiak - By the Sea
5. When Icarus Falls - Nyx
6. The Ocean - Asslickers, Inc.
7. Kehlvin - Who By Fire
8. Jucifer - Marianas
9. Ufomammut - Astrodronaut
10. God Is An Astronaut - Shining Trough
11. Solyaris - Mirage
12. Taint - Black Rain (Live)
13. Mumakil - Dawn of Slugs
On retenait de Falling Down première du nom une double impression de cohérence et d’incroyable richesse. Ses 3 CD débordaient de découvertes pour qui souhaitait explorer le monde d’un métal alternatif alliant la lourdeur (et parfois la violence) propre au genre métallique à des explorations instrumentales héritées du post-rock.
Du coup, lorsque fut annoncée la préparation d’un deuxième volet, on pouvait craindre que le propos ne se soit épuisé. On n’avait certes pas fait le tour de tous les groupes de barbichus grondants éclos dans le sillage de Neurosis, mais justement, on n’en avait aucune envie : Thibaut Jacquin et Yann Locret, les producteurs du monstre, avaient sérieusement écrémé, ne gardant que le meilleur (exception faite bien sûr des groupes qui, pour des raisons diverses, n’avaient pas souhaité ou pas pu participer). Que restait-il, dès lors, à dire qui ne relève pas de la répétition ?
Ce serait mal connaître les deux lascars. S’il est une qualité que l’on peut leur reconnaître, c’est qu’ils ne sont pas du genre à rester les deux pieds dans le même sabot. Falling Down II reprend donc les choses là où le I les avait laissées, mais en élargissant le propos. Il ne s’agit pas tant de "ratisser large" que de savoir regarder plus loin que le bout des godasses de Scott Kelly.
De ce point de vue, le pari est gagné car, dès le début du premier CD (la compil’ en compte deux), on sort du terrain balisé "postcore" et on n’y reviendra pas avant un moment. C’est Across Tundras qui ouvre le bal, un groupe connu pour pratiquer un "americana métal" hanté, à la Earth dernière manière.
Le choix est audacieux : là où Falling Down accrochait d’emblée l’auditeur avec un titre musclé de Kylesa, sa suite commence l’air de rien, avec voix claire et guitares idem. Pour tout avouer, on se dit d’abord qu’on va s’emmerder. Mais Across Tundras développe son propos avec intelligence et introduit, après deux minutes et demie d’arpèges méditatives, un riff qui se grave illico dans la tête.
La suite du premier CD réserve son lot de surprises. Du rituel d’invocation des Grands Anciens de Monachus au trip dissonant et malsain de Gnaw Their Tongues, toutes les nuances sont explorées, y compris le réjouissant rock’n’roll garage de White Hills qui sent bon la pédale fuzz et les amplis à lampes : pour le coup, on est plus proche de Jimi Hendrix que du métal, "post" ou non.
On réservera une mention spéciale à Ocoai, qui nous avait emballés sur le premier volume avec le superbe Manifestant. Ils reviennent ici avec La Main Electrique et... surprise, on croirait presque un autre groupe tant leur son a évolué. Plus d’assurance certainement, plus d’aisance technique sans doute, plus de... tout : le post-rock élégant et nuancé a laissé la place à un heavy metal progressif, complexe et audacieux, n’hésitant pas à convoquer orgue et cuivres pour relever la sauce. Une vraie métamorphose et au final, un moment assez jouissif pour peu qu’on ne soit pas allergique à ce style.
On retiendra du reste de ce premier CD l’énergie de Farflung, les trouvailles harmoniques d’Impure Wilhelmina, la hargne de Time To Burn... Le flambeau du post-rock instrumental sombre est brandi ici avec élégance mais peu d’ambition par les Belges de Kingdom.
On n’adhère qu’à moitié au délire schizo de Kalvria, très "bande-son d’une scène de cauchemar" : ça fonctionnerait sans doute mieux avec des images. Dans un registre similaire, les Français de Kalkh-In(joy) Erode sont favorisés par la place de leur morceau en clôture du disque.
Quant aux très attendus The Poisoned Glass, nouvellement formés par Stuart Dahlquist (Asva, Sunn O))), Burning Witch) et Edgy 59 (Burning Witch), ils produisent ici... un drone-doom à la Sunn O))) / Burning Witch. Pas vraiment de surprise de ce côté-là.
On pourrait dire que le deuxième CD est celui des superstars : Jucifer y voisine avec The Ocean et Ufomammut avec Taint (dont le nouvel EP fait les délices de la presse spécialisée). Autant le dire tout de suite, ce n’est pas forcément de ces poids lourds que viennent les meilleures surprises.
C’est ici aussi que devait apparaître The Dillinger Escape Plan, finalement forfait. Disons-le toute suite : c’est une bonne chose à mon avis, pour trois raisons.
Premièrement, le potentiel commercial de DEP étant ce qu’il est, leur morceau ne serait probablement pas resté inédit longtemps.
Ensuite, l’autre locomotive de la compil’, The Ocean, se charge ici de nous servir du Dillinger tout craché, et pas celui qui fait mal au cerveau, du Dillinger du XXIe siècle, jusqu’au refrain (black) bubblegum fédérateur : la similitude est franchement saisissante. On n’a donc rien perdu.
Mieux encore, on y gagne, car la reprise par Kehlvin du Who By Fire de Leonard Cohen, ajoutée à l’ultime minute pour boucler le tracklisting, est tout simplement superbe.
Ce sont les métallurgistes Suédois de Kongh qui ouvrent ce deuxième disque avec leur doom puissant. Shadows of the Shapeless, leur album de l’an dernier, est recommandé aux amateurs.
Leur contribution plombée est suivie de ce que je ne peux pas m’empêcher de voir comme le "tunnel post-métal" de la compilation : un quatrain Tesa / Omega Massif / Kodiak / When Icarus Falls qui renoue avec les fondamentaux du courant musical en question. Des morceaux relativement longs, entre lourdeur métallique et constructions instrumentales travaillées, avec ou sans chant, excellemment exécutés mais sans grande surprise. Un peu plus loin, СОЛЯРИС (Solyaris) tirera son épingle du jeu instrumental avec un captivant Mirage de près de 9 minutes : beaucoup de classe chez ces Lyonnais.
Seuls les grindeux de Mumakil, qui ferment le ban avec une minute quarante-deux de sauvagerie, empêchent mes chers Jucifer d’offrir le titre le plus court de ce CD, avec 3 petites minutes de douceur dans un monde de violence : la voix suave d’Amber Valentine plane sur un lit de guitare accordée plus bas que terre. On pouvait compter sur le duo nomade pour transcender les genres, ils inventent ici le doom angélique. Court mais délicieux.
Cet interlude cotonneux introduit idéalement le doom psyché d’Ufomammut : on croit encore entendre flotter la voix d’Amber dans leur intro balayée par un vent d’outre-monde. Le trip continue avec God Is An Astronaut qui tisse avec beaucoup de délicatesse une ambiance laiteuse et éthérée.
СОЛЯРИС (voir plus haut) assure idéalement la transition entre la séquence atmo et le retour à un son plus abrasif. Malgré sa superbe conclusion, le morceau live de Taint ne suffira pas à nous convaincre que leur couronne de nouveaux princes du heavy métal prog soit méritée ; on s’en ira donc écouter All Bees to the Sea. Et c’est bien comme ça : des compilations comme Falling Down ne serviraient à rien si elles ne nous incitaient pas à aller prêter l’oreille aux disques des artistes qu’elles présentent. Ce ne sont pas des best-of ou des anthologies "définitives", ce sont au contraire des avant-goûts, des portes ouvertes sur des univers qu’il ne tient qu’à nous d’explorer.
Pour commander la compilation, une seule adresse : www.myspace.com/fallingdowncompilation
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