Il fallait quand-même finir par le dire un jour ou l’autre, outre le booklet de 20 pages et le DVD de vidéos et d’extraits live qui eussent rendu à eux seuls l’objet indispensable, les deux premiers CD d’inédits, de reprises (de Duke Ellington à Yo La Tengo en passant par Joy Division) et de remixes (dont deux par Autechre, déjà édités en single néanmoins) du coffret A Lazarus Taxon auraient pu remplir sans problème un Millions Now Living Will Never Die et deux Standards.

Le titre parle de lui-même, qui fait référence à des lignées d’espèces animales ou végétales "disparues" - du moins à notre connaissance - à un certain point de l’évolution puis réapparues comme par miracle quelques centaines ou milliers d’années plus tard, "ressuscitées" telles Lazare dans le Nouveau Testament. Et ici tout ou presque avait disparu en effet, puisque même l’album de remixes Rhythms, Resolutions & Clusters, initialement paru en 1995 et présenté dans son intégralité et en version remastérisée sur le troisième CD (avec en clôture le fameux remixe de Cornpone Brunch signé Mike Watt des Minutemen, livré trop tard à l’époque pour figurer au tracklisting), était devenu un véritable objet de collection, introuvable faute de réédition tout comme la plupart des singles du groupe. Un album à part entière, certes court (37 minutes à peine) et inégal mais indispensable à tout fan qui se respecte ne serait-ce que pour témoigner du pas de géant effectué par le groupe entre ses deux premiers albums, conditionné à n’en pas douter par ces huit relectures ouvrant au jazz et à l’ambient comme au dub ou même au hip-hop le mélange de rock atmosphérique et de blues marécageux de l’éponyme Tortoise sorti l’année précédente.

D’autres morceaux néanmoins, et notamment l’extraodinaire Gamera d’ouverture déjà présent en bonus avec deux autres titres de cette compilation sur les éditions non américaines de Millions..., seront déjà connus des inconditionnels de la bande à John McEntire, mais pour la plupart des autres, et même en ayant collectionné les singles sus-cités depuis Mosquito en 1993, il s’agira bien de découvertes et quelles découvertes !

Une bonne occasion de se replonger dans la grande époque du quintette chicagoan, qui fut peut-être entre 1998 et 2001 le groupe le plus aventureux et assurément l’un des plus passionnants de la planète avec pour point d’orgue l’inépuisable TNT. Electro nourrie au free-jazz, "post-rock-tronica" aux allures de rythm & blues martien (cf. le fabuleux Sexual For Elizabeth), abstract-folk martelé au vibraphone, on retrouve ici toute la singularité et le génie d’une formation qui enterrait déjà le post-rock avant même sa démocratisation, faisant d’une hybridation toujours plus poussée entre musiques synthétiques et organiques sa marque de fabrique et ce jusque sur le formidable The Brave And The Bold, album de reprises americana en roue libre paru en 2006 avec le prince Will Oldham en vocaliste charismatique.