Earth - Angels of Darkness, Demons of Light II

Deuxième volet dAngels Of Darkness, Demons Of Light, II poursuit la voie de l’effeuillage consciencieux du corps de Earth. Après s’être attaqué à la peau, aux muscles puis à son squelette, Dylan Carlson taille encore et encore, enlève tout le superflu. Et surprise, même quand il ne reste plus rien, on trouve paradoxalement encore beaucoup de choses.

1. Sigil of Brass
2. His Teeth Did Brightly Shine
3. Multiplicity of Doors
4. The Corascene Dog
5. The Rakehell

date de sortie : 14-02-2012 Label : Southern Lord

Angels Of Darkness, Demons Of Light II sort presque un an jour pour jour après son prédécesseur qui porte le même nom à un chiffre près. Le line-up et le producteur (Stuart Hallerman) sont identiques. L’album a été enregistré au même moment que sa première partie et l’artwork a cette fois-ci encore été confié aux bons soins de Stacey Rozich. D’ailleurs Dylan Carlson voulait une sortie en septembre 2011, mais Southern Lord a préféré attendre l’année 2012 avant de le mettre sur le marché en nous annonçant un album largement plus improvisé avec davantage de percussions et, nous promet-on, « une direction inattendue qui verra le groupe explorer une veine moins sombre ». En même temps, le précédent opus devait nous étonner car « puisant son inspiration dans le groupe touareg nord-africain Tinariwen  » et on restait, quand même, très loin de la world music. Alors qu’en est-il de celui-ci ? Vraie rupture ? Frère jumeau du précédent ? Aucun des deux mon capitaine, Earth poursuit la voie de Angels Of Darkness, Demons Of Light I en allant simplement beaucoup plus loin et si on peut sans problème envisager l’écoute de l’un sans avoir posé son oreille sur l’autre, on peut également écouter les deux, l’un après l’autre, sans ressentir la moindre impression de répétition.

Parce qu’après écoute de Angels Of Darkness, Demons Of Light II, il semble que l’évolution entamée par le groupe de Dylan Carlson depuis Hex : Or Printing In The Infernal Method ait atteint son terme. L’étiquette drone/doom des débuts est aujourd’hui totalement inadaptée, la musique de Earth œuvrant clairement du côté d’une folk americana contemplative et cinématique.
Alors que fait-on ? On vous ressort la chronique du premier volet ? Franchement, à l’issue d’une première écoute distraite, l’envie reste forte : celle d’évoquer les grands espaces ou encore les drones majestueux du violoncelle accompagnant idéalement les méandres graciles esquissés par la guitare du bout des cordes, celle de pointer également le rythme si particulier des morceaux, leur pulsation plus lente que lente, comme si une seule et unique note était jouée plusieurs minutes durant, jusqu’à ce qu’elle soit inscrite profondément dans le cerveau. Bref, tout ce dont nous avions déjà parlé lors du décorticage du premier volet. Mais voilà, grosse erreur : on n’écoute pas un disque de Earth d’une oreille distraite. Au risque de laisser une multitude de détails, textures, agencements sur le bord du chemin tant la palette sonore du groupe s’avère riche et profonde. Mieux vaut être attentif pour saisir complètement tout ce que le groupe a à offrir, laisser sa musique si singulière remplir et submerger lentement les synapses. Jusqu’à ce qu’elle remplisse tout l’espace.

Photographie © Sarah Barrick

Parce qu’à bien y regarder, les deux volets du diptyque ne sont pas si jumeaux que ça. Et alors que l’on pensait quAngels Of Darkness, Demons Of Light I était le point d’orgue, l’aboutissement de la veine instrumentale intimiste et minimaliste de Earth, à l’issue de l’écoute attentive de ce second volet, on se rend bien compte à quel point on s’était fourvoyé. La musique du groupe s’est encore affinée. Ce qui s’avère être un sacré exploit. Or avec quels mots décrire l’épure de l’épure, la plus fine pellicule qui précède le néant ? Le vide ? Certainement pas ! Il se passe bien trop de choses ici pour réduire le tout à rien. Plus épuré donc et plus vicieux aussi : les quelques touches de chaleur distillées par ces magnifiques mélopées lancinantes ne sont là que pour mieux mettre en relief les profondeurs de lassitude que recèle la folk ténébreuse, froide et novatrice de Dylan Carlson et ses sbires. Certes, on retrouve avec grand plaisir le violoncelle de Lori Goldston, lui qui avait amené un souffle assez inédit aux compositions du groupe, mais pour autant, ses interventions ne sont plus tout à fait les mêmes : il suffit d’écouter His Teeth Did Brightly Shine pour s’en convaincre, de pizz en divagations déglinguées, il enrobe toujours les chemins tracés par la guitare mais d’une manière bien plus abstraite. Et va même jusqu’à devancer celle-ci sur Waltz (A Multiplicity Of Doors), frôlant l’improvisation. Pour le reste, Angels Of Darkness, Demons Of Light II s’avère un peu plus lent, un peu plus évocateur à moins qu’il n’en soit rien car après tout, de la même manière que l’on ne sait jamais trop quand on passe d’un morceau à l’autre, il en va de même pour ses disques : Earth maîtrise parfaitement l’art du changement à combustion lente. On pense être quelque part alors que l’on est déjà ailleurs et c’est bien ce que l’on aime dans sa musique.

Earth est entré dans la grande famille des groupes cultes il y a quelque temps déjà, Angels Of Darkness, Demons Of Light II achève de légitimer Dylan Carlson comme membre à part entière du Panthéon des génies vivants de l’underground. Et réussit à nous plonger dans des abîmes de perplexité : on sait très bien à quoi ressemblera son prochain opus sans en avoir la moindre idée.

Grand !

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