The Horrors - Skying

Retour sur un surprenant outsider de notre bilan 2011, élu sixième au classement par les votants du Forum Indie Rock.

1. Changing the Rain Voir la vidéo The Horrors - Changing The Rain
2. You Said
3. I Can See Through You Voir la vidéo The Horrors - I Can See Through You
4. Endless Blue
5. Dive In
6. Still Life Voir la vidéo The Horrors - Still Life‬
7. Wild Eyed
8. Moving Further Away
9. Monica Gems
10. Oceans Burning

date de sortie : 11-07-2011 Label : XL Recordings

Depuis le début, tout sonne faux chez les Anglais de The Horrors, un premier album efficace mais anecdotique plagiant allégrement les Cramps, agrémenté d’un décorum de cirque invoquant l’Angleterre victorienne et les frasques de Jack l’éventreur. Puis sur le second effort, un virage à 180 degrés en quête de reconnaissance indé ou l’on retrouve les fantômes de Joy Division, My Bloody Valentine ou encore Can. Le coup est parfait, succès critique et publique sont au rendez-vous, surtout que le groupe s’assure les services de Geoff Barrow de Portishead en caution de luxe.

Mais le problème dans cette machine trop bien huilée est que Primary Colors était l’un des grands albums de 2009. Tels des nécromanciens avec un sens aigu de la magie noire, les Horrors conçoivent un monstre de Frankenstein à leur image, constitué des cadavres encore chauds de leurs idoles des 80’s. Contrairement à leurs confrères qui se contentent de copier leurs illustres aînés avec vulgarité et sans talent, Primary Colors faisait office de véritable laboratoire « métapop », d’une relecture subjective des influences du groupe qui débouchait sur un son propre, entre guitares abrasives, romantisme et Krautrock.

Skying, alors que certains crient déjà à l’opportunisme, s’inscrit dans la droite lignée d’un travail commencé dès le premier album, une relecture postmoderne de 30 ans de pop. Voici donc, après le punk et le post-punk, nos Anglais vers les rivages plus légers de la new-wave et de la musique baggy de « Madchester ». Si Primary Colors était une ode à la face sombre des 80’s, Skying regarde vers les cieux ensoleillés des clubbers de l’Hacienda. Après la dépression, la drogue et la fête (bien que l’album rappelle plus un lendemain de cuite). On perçoit les horizons de la brit-pop qui s’invite déjà pour un quatrième album.


You Said et ses rythmiques tropicales ou les cuivres lointains de Wild Eyed nous font penser à une descente fantasmée à Ibiza tandis que le single Still Life se la joue U2 sous amphèts. Endless Blue se permet une longue intro aérienne limite new age avant d’entrer dans le vif du sujet de la plus belle manière. La grande force de l’album est d’utiliser des éléments a priori caricaturaux et datés (le synthé dudit You Said ou de I Can See Through You) mais pour en extraire une sorte une vision éthérée d’une époque fantasmée. Mal à l’aise dans son époque, le groupe, plutôt qu’un énième revival, préfère distiller des fragments fugitifs et sensitifs d’un vécu fantasmé à la place de gimmicks trop entendus. Difficile ici de dégager une chanson plus que l’autre : Skying n’abandonne pas le format album pour la course au single, bras de fer au mp3, aucun morceau phare ne se dégage. D’une grande cohérence, l’album fonctionne comme une invitation à l’onirisme et au romantisme exalté, comme l’annonce fièrement Faris Badwan dans Still Life : « When you wake up, you will find me. »


Le tort serait d’opposer à l’album la froideur et la mélancolie de Primary Colors, car le traitement reste le même, guitares shoegaze, mélodies embrumées, synthés amples. Les deux albums se répondent, le sombre Sea Within A Sea fait place à son jumeau lumineux, Moving Further Away, nouvelle chevauchée Krautrock qui pousse aux confins de ce qu’on pourrait appeler un « néo-psychédélisme », se basant autant sur la répétition hautement hallucinatoire de la structure du morceau que son effet paramnésique et haptique.

Véritable travail d’orfèvre, Skying ne cherche jamais à utiliser ses effets à des fins putassières ; le son a beau être très caractéristique (voire fantasmé) d’une époque, l’album reste la plupart du temps en mid-tempo, le groupe ne cherchant jamais à utiliser sa science du recyclage à des fins nostalgiques, mais plutôt à transcender l’idée même d’une musique qui plus que l’immédiateté vise plutôt le sublime voire le spirituel. The Horrors ne s’en cachent pas, autrement pourquoi avoir choisi Skying comme titre ? Il suffit d’écouter le dernier morceau pour s’en convaincre, Oceans Burning, longue marche élégiaque et psychédélique, nappée d’une mélancolie délétère, tirant sa force d’une sorte d’abstraction sonore avec des guitares fuzz qui s’entremêlent, le tout emmené par la voix magnifique de Faris Badwan, qui n’a jamais aussi bien chanté que sur cet album, assumant complètement son côté crooner gothique. La fin du morceau, grandiose et déchirante, emmène l’auditeur vers la contemplation et le sacré.

Aussi pop que théorique, profane que religieux, Skying est un manifeste pour un nouveau psychédélisme, recherchant la transe, non plus par la drogue, mais par une volonté claire d’assumer un héritage, l’assimiler pour ensuite le transcender. Atemporelle, la musique de The Horrors n’a plus besoin de se justifier auprès de ses détracteurs.


L’album en écoute intégrale :

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