Chicken Feed - Finding Jim

Nourri au grain et élevé en plein air, Chicken Feed s’est fait la malle pour nous pondre en plein vol un oeuf en or massif : Finding Jim, défiant les lois de la gravité, est parti vers l’espace au lieu de redescendre.

1. I Can See It In You
2. Why You Have To Sell My Soul ?
3. This Is Love
4. Realisation
5. Turn Around
6. Another John
7. I’m Not Asking
8. Skyleidascope
9. He Came From Pluto
10. Sifting For Gold
11. Straight Lines

date de sortie : 13-06-2006 Label : Blue Eye Records

Sorti en juin dernier en Angleterre via son label maison Blue Eye Records, ce premier album de Chicken Feed mettra peut-être longtemps à se frayer un chemin vers les projecteurs de la presse musicale pour parvenir officiellement jusqu’à nous, et finalement ça n’est peut-être pas plus mal. Car les albums les plus précieux sont souvent ceux qui n’ont pas un impact immédiat, ceux que le bouche-à-oreille des premiers fans transis finissent par transformer en objets de culte. Et à n’en pas douter, celui-ci n’y coupera pas.

Finding Jim est avant tout le projet musical de Michael Boddy, alias Chief Chick. Son nom vous est inconnu ? Normal. Mais pour autant le bonhomme ne sort pas de nulle part. Ingénieur du son pour Roxy Music, Billy Bragg ou The Fall notamment, il avait même participé à un single de ces derniers en tant que claviériste et assuré les choeurs. Depuis, il s’est finalement décidé à passer à la vitesse supérieure, et au vu du résultat on ne peut que l’en féliciter.

Enregistré et produit par ses soins dans un petit studio londonien, son album navigue avec bonheur, et parfois mélancolie, entre acoustique, électrique et électronique, convoquant aussi bien la pop planante de Spiritualized que les beats organiques de Massive Attack, les guitares abrasives de My Bloody Valentine et la house élégante de Gus Gus, le tout avec l’esprit mélangeur et décalé de feu The Beta Band. Mais le melting-pot qui en résulte n’en demeure pas moins un véritable concentré de fraîcheur musicale, à la fois parfaitement homogène du point de vue sonore et très varié dans ses compositions.

On est touché d’emblée par le single I Can See It In You, véritable classique instantané. Démarrant comme un douce chanson pop-folk bucolique, elle s’ouvre rapidement à l’électricité et convoque des choeurs traffiqués dont l’éclairage céleste donne soudain à la musique une dimension cosmique que l’on retrouvera sur la plupart des morceaux de l’abum. Un break psychédélique vient nous rappeler les plus belles heures de Primal Scream, tandis que Chief Chick chante d’une voix passant de la douce inquiétude au profond apaisement, sur un phrasé presque hip-hop à la manière du Beta Band justement.

Turn Around renouera plus tard sur un mode plus funky avec cette joliesse qui ne saurait cacher de profonds regrets, mais pour le moment un premier virage surprenant nous attend, l’album enchaînant sur un Why You Have To Sell My Soul ? qui pourrait s’apparenter à du clubbing noisy. On pense à Whitey, ou encore à Depeche Mode, notamment par le chant qui rappelle ici celui de Dave Gahan. Puis c’est This Is Love, et ses percussions cristallines, qui nous emmène très haut dans le ciel tel une chanson des Spacemen 3 ou de Spiritualized mais armée d’une basse digne du Mezzanine de Massive Attack, avant de nous faire redescendre au rythme de la montée en puissance de ses guitares appuyées par un clavier psyché.

Avec Realisation, c’est l’électro de Gus Gus qui est passée au crible des guitares saturées de My Bloody Valentine, et après Turn Around, donc, on se dit qu’Another John, sommet instrumental acoustique et spatial à la reverb éblouissante, aurait pu figurer sans mal sur un album de Radiohead première période ou de Spiritualized. On pense encore à ces derniers en découvrant I’m Not Asking, petit chef-d’oeuvre de pop planante où reverb et couches de guitares cristallines s’effacent pour laisser place à l’electronica d’un refrain lumineux, avant de revenir couvrir le ciel de quelques nuages bientôt percés à nouveau par un clavier déréglé à la Dave Fridmann.

Skyleidascope pousse encore plus loin le métissage, se colorant de sonorités dub et hispaniques tandis que pointe la mélancolie de cordes puis de choeurs en accord avec le chant de Chief Chick, alors que la pop électro-acoustique sur rythmique hip-hop du second instrumental, He Came From Pluto, se teinte de beatbox et de sonorités hawaïennes. Puis c’est l’influence bristolienne de Mike Boddy, dont le précédent et excellent groupe Delilah’s Gold sentait bon le Portishead folk-rock bigarré, qui reparaît le temps d’un Sifting For Gold mêlant avec bonheur pop céleste et clavier psyché à un post-dub dans la lignée du BlowBack de Tricky.

Mais le voyage exploratoire auquel nous convie Chief Chick n’aura jamais été aussi évocateur que lors de son final d’anthologie, digne des plus beaux moments de Ladies And Gentlemen We Are Floating In Space . Straight Lines, tel un deltaplane qui se transformerait en navette aux couleurs de l’arc-en-ciel en direction du paradis (artificiel ?), nous fait survoler en guise de grands espaces les souvenirs d’une vie passée laissée derrière soi. "Shine... shine on you..." Des coeurs célestes nous rappellent que l’homme, jusque dans ses revers les plus douloureux, demeure un être de lumière qui ne demande qu’à briller envers et contre tout. Le Gainsbourg de Melody Nelson et son Cargo culte ne sont pas loin...

Alors, ce Finding Jim , un album qu’on aimerait voir rester confidentiel, objet de culte à chérir en secret ? Oui, quelques mois peut-être... mais pour mieux le voir inonder de lumière la grisaille de son Angleterre natale, et peut-être influencer à son tour de jeunes musiciens lassés du garage-rock et du punk nourri au dancefloor. Et capables comme Chief Chick de rêver à nouveau et de nous faire rêver...

Pour en savoir plus sur Chicken Feed, découvrir Finding Jim via quatre extraits de choix ou visionner le joli clip de I Can See It In You, rendez-vous sur myspace : http://www.myspace.com/chickenfeed1
La vidéo est également disponible sur le site de Blue Eye Records, par l’intermédiaire duquel il est aussi possible de se procurer l’album via iTunes : http://www.blueeyerecords.co.uk/chickenfeed.htm

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