Qui de la poule ou de Delilah’s Gold... ?

...les deux bien sûr ! Entre le superbe premier album du quintette trip-folk londonien enterré vivant dans la profusion des sorties du mois de septembre dont on a toujours pas fini de faire faire le tour, et notre poulet préféré au travail sur un troisième opus particulièrement attendu par votre serviteur, il ne pouvait y avoir de moment plus opportun pour questionner, même succinctement, la charmante Natalie Vincini (anciennement Natalie Valentine sur myspace, où l’on peut toujours entendre les très belles versions originales d’Ellie May et Where The Wind Blows, repris avec Delilah’s Gold) et son mentor et metteur en son Michael Boddy (aka Chicken Feed), qui nous a fait l’immense plaisir de jouer le jeu de l’interview malgré un emploi du temps surchargé.

Indie Rock Mag : Splitté après la sortie d’un premier EP en 2005, votre groupe Delilah’s Gold s’est reformé en fin d’année dernière avec un nouveau line-up, et un premier album A Night At The Circus est sorti le 1er septembre. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette trajectoire quelque peu atypique ?

Mike : Après la sortie du EP il y avait des tensions dans le groupe, et Natalie et moi avions besoin de repartir à zéro pour trouver un son légèrement plus brut et organique.

Indie Rock Mag : Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ? Quel a été le déclic qui vous a amenés à former Delilah’s Gold pour conjuguer vos talents ?

Mike : Natalie me servait des bières au pub en face de chez moi, et elle m’a traqué jusqu’à ce que j’écoute son CD de démos. Notre amour de la bonne musique et du vin rouge a fait le reste et nous a donné envie de monter un groupe.

Indie Rock Mag : Comment définiriez-vous, en quelques mots, l’univers de Delilah’s Gold ?

Natalie : Le monde de Delilah’s Gold est glamour, sincère, morose et cinématique.

Indie Rock Mag : Vous avez choisi pour premier single Electric Love, un morceau très influencé par la bossa-nova et nettement moins torturé que la plupart des chansons que l’on avait pu entendre jusqu’ici sur myspace. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Mike : Nous sentions qu’Electric Love était suffisamment accessible et enlevé pour faire office de premier single, et on n’arrivait simplement pas à tomber d’accord sur une autre chanson.

Indie Rock Mag : Quelques questions à Natalie. Vous chantez un couplet en français sur Changes : un amour pour les sonorités de notre langue ou y a-t-il derrière ce choix une raison plus personnelle ?...

Natalie : J’ai vécu à Aix-en-Provence pendant un an et je suis tombée amoureuse d’un garçon là-bas qui m’a brisé le coeur, donc j’imagine que c’est pour ça que j’ai tenu à écrire l’outro en français. Mais je pense aussi que la langue française chantée est très belle.

Indie Rock Mag : Comment se passe le travail de composition et d’enregistrement avec Mike ? Comment conjuguez-vous vos envies musicales ?

Natalie : Nous formons un assez bon duo et celui qui tient encore debout après la troisième bouteille de vin est celui qui prend les décisions.

Indie Rock Mag : Au tour de Mike. Vous étiez déjà ingénieur du son avant de vous lancer dans l’enregistrement de vos propres morceaux. Quel a été le déclencheur qui vous a fait sauter le pas ?

Mike : J’ai toujours écrit ma propre musique mais je devais travailler en tant qu’ingénieur du son pour m’établir dans le métier. J’ai appris des choses en enregistrant les autres que j’ai eu l’occasion d’appliquer dans mon propre travail et vice-versa.

Indie Rock Mag : Y a-t-il eu un groupe en particulier qui vous a donné envie de composer à votre tour ?

Mike : Ce sont les Stone Roses et Spiritualized qui m’ont inspiré l’envie de prendre un stylo et une guitare.

Indie Rock Mag : Sur Inside The Machine, le deuxième album de votre projet solo Chicken Feed paru l’an dernier, des sonorités dub et trip-hop se mêlent à la guitare acoustique pour donner quelque chose d’inédit, une forme de pop particulièrement atmosphérique et métissée qui surprend également par la profondeur de son habillage sonore. Le "son de Bristol", est-ce quelque chose qui vous fascine ? On sentait déjà poindre l’influence de Massive Attack sur certains morceaux de Finding Jim, est-ce un groupe important pour vous sur le plan de la composition ?

Mike : J’ai vécu à Bristol durant cette période séminale qui vit émerger Portishead, Massive Attack et Tricky, et tu ne peux qu’être influencé par le son de ce dub qu’on jouait dans les rues à l’époque.

Indie Rock Mag : Dans le même ordre d’idées, le premier EP de Delilah’s Gold imposait immédiatement un rapprochement avec Portishead, jusque dans le chant. Natalie, était-ce une forme de mimétisme délibéré ?

Natalie : Ça n’a jamais été intentionnel de sonner comme Portishead et bien que notre musique ait en commun cette veine maussade et atmosphérique, c’est juste un style qui nous venu naturellement, et les chansons sont nées comme ça.

Indie Rock Mag : Mike, comment se déroulent les concerts de Chicken Feed ? Avez-vous des musiciens additionnels sur scène ou y réinterprétez-vous vos morceaux de façon plus dépouillée ?

Mike : Quand Chicken Feed se produit en concert, je suis accompagné par les mêmes musiciens qui jouent avec Delilah’s Gold, mais c’est le groupe qui est le principal sujet d’attention pour le moment en matière de scène.

Indie Rock Mag : Comme on le disait plus haut, Inside The Machine possède des textures sonores particulièrement travaillées. On pense également à Autechre sur certains morceaux de l’album, et en général la production emprunte beaucoup à l’électronica et à l’ambient, ce qui donne une profondeur de champ toute particulière à vos chansons. Vous sentez-vous proche de cet univers-là, et de certains musiciens du label Warp notamment ?

Mike : J’adore des groupes comme Grizzly Bear et Battles qui sont chez Warp, et j’en ai sans doute incorporé des éléments pour A Night At The Circus, en particulier sur Into The Dust et Tears.

Indie Rock Mag : Par ailleurs, on vous sait fan du Beta Band, ce groupe écossais bricoleur dont la folie douce et les expérimentations barrées ont tenté de remodeler au travers d’une poignée d’albums toujours pas reconnus à leur juste valeur le visage parfois trop lisse de la pop britannique. Qu’avez-vous pensé du premier album des Aliens (groupe formé de trois ex-Beta Band dont le second opus Luna est justement sorti peu après votre album) passé quasiment inaperçu chez nous en 2007 ?

Mike : Je suis un fan absolu du morceau Robot Man, mais le reste de l’album n’a pas tenu les promesses de ce single à mon avis. Par contre en ce moment je suis à fond dans Black Affair, le nouveau projet de Steve Mason.

Indie Rock Mag : Vous avez récemment produit le nouvel EP du trio londonien Le Tetsuo, et enregistré le premier album du nouveau projet d’Andy MacKay (NdlR : l’ancien saxophoniste de Roxy Music). Du power-post-punk déjanté, du post-rock nourri au jazz et à l’ambient, y a-t-il quelque chose de commun à ces deux projets qui ait motivé votre choix d’y prendre part derrière les manettes ? Vous connaissiez déjà Andy MacKay via votre travail avec Roxy Music, mais pour Le Tetsuo, ce sont eux qui vous ont contacté ?

Mike : C’est en effet Le Tetsuo qui m’ont contacté pour enregistrer leur premier EP, et j’ai senti qu’ils avaient tout comme le projet d’Andy MacKay une certaine dimension expérimentale qui m’a attiré.

Indie Rock Mag : A ce propos, avez-vous la chance de toujours pouvoir concilier vos envies de producteur et d’autres impératifs plus alimentaires ?

Mike : Par chance, j’ai trouvé chaussure à mon pied quand Bryan Ferry s’est intéressé à moi et m’a introduit auprès d’une scène de musiciens vraiment intéressants avec lesquels j’ai continué de travailler.

Indie Rock Mag : On parlait d’Andy MacKay, il joue justement du saxo sur le morceau Valentine de Delilah’s Gold. Les collaborations sont-elles faciles à gérer pour vous ? Et par ailleurs, comment se déroule le travail de groupe au sein de Delilah’s Gold ? Chacun apporte-t-il sa petite pierre aux compos ou demeurez-vous tous les deux les "têtes pensantes" du projet ?

Mike : Andy a vraiment aimé le style du morceau et a voulu jouer dessus, donc on a sauté sur l’occasion. On est vraiment chanceux de pouvoir travailler avec de fantastiques musiciens qui apportent tous une touche particulière au tableau.

Indie Rock Mag : Vous venez également de lancer une page myspace consacrée à vos remixes, signés Chicken Feed, pour un certain nombre d’artistes d’horizons divers, réputés (Bryan Ferry, James Yorkston, Billy Bragg...) ou émergents comme Hazel Mills [NdlR : pianiste des Metaphors, le nouveau groupe d’Andy MacKay], Yat-Kha, Quiero Club...). Remodeler la musique des autres pour y apposer votre marque personnelle, est-ce plus difficile que de composer vos propres morceaux ?

Mike : Là encore j’ai été vraiment chanceux de travailler avec des artistes tels que James Yorkston et Billy Bragg, c’est un peu comme s’ils faisaient le plus gros du boulot et du coup c’est plutôt amusant qu’autre chose de remixer leurs morceaux.

Indie Rock Mag : Deux démos instrumentales aux accents ambient, l’une électro-acoustique [NdlR : remplacée tout récemment par un superbe remix dream-pop de Holy Pictures, extrait du nouvel album de David Holmes] et l’autre plus rythmique et minimale aux allures de David Bowie remixé par Mr. Oizo (We’re In Fashion) sont apparues dernièrement sur le myspace de Chicken Feed. Un troisième album serait-il sur les rails ? Doit-on s’attendre à quelque chose de radicalement différent ? Une petite info en exclu pour terminer cette interview en beauté ?

Mike : J’ai écrit un troisième album qui est en effet totalement différent, de la folktronica plus vrillée, et le disque est tout près d’être terminé. C’est en majeure partie instrumental, mais il y a tout de même quelques chanteurs invités...

Indie Rock Mag : Pour finir, vous qui habitez Londres, auriez-vous des coups de coeur récents à nous faire partager pour des groupes de la capitale dont la réputation n’aurait pas encore traversé la Manche ?

Mike : Natalie organise actuellement un petit festival dénommé Winterwell, ils ont eu quelques groupes épatants programmés cette année. James Yuill a été mon préféré, et nos vieux amis de Revere étaient géniaux également.

Sinon, j’ai remixé récemment un groupe du nom de Dark Captain Light Captain que je trouve très bon, surtout en concert, et The Shortwave Set que j’ai également remixés font de la super pop psychédélique.


Un grand merci à Mike et Natalie pour leur disponibilité.
Delilah’s Gold sur myspace : www.myspace.com/delilahsgold


Interviews - 17.11.2008 par RabbitInYourHeadlights


Le streaming du jour #615 : Burnt Out On Re-Entry - 'The Blue City EP'

Perdu de vue depuis son essai italo-disco en compagnie de Natalie Valentine, sa comparse au sein de feu Delilah’s Gold, Michael Boddy revient aux influences trip-hop et dub repérées sur l’album Inside The Machine de son projet Chicken Feed par l’intermédiaire de ce premier EP de Burnt Out On Re-Entry, trip électro-hindou sous psychotropes à la (...)



Chroniques // 11 novembre 2007
Chicken Feed

Bien que départie sur Inside The Machine de ses guitares noisy-pop au profit d’influences dub ou trip-hop, la pop électro-acoustique de Chicken Feed plane toujours aussi haut.