Hou, alors là, avant même de poser le CD sur la platine, ça partait mal. Le dossier de presse me provoquait méchamment. "Pixel est un groupe de rock / chanson française". Il me regardait d’un oeil mauvais, le dossier, là. Il me chauffait sur un point sensible. Haaaaaaa, la chanson française... pas à moi, pitié.

Alors j’ai lu jusqu’au bout avant de mettre la chaîne hifi en route, et le reste m’a (un peu) rassuré. C’était juste que le dossier gouaillait, voilà, ha ha ha. Mais je n’allais pas me laisser faire comme ça, moi. Oh non. Pas moi. Pas avec de la "chanson française".

Et puis une heure plus tard, au round 12, j’ai jeté l’éponge, le disque m’avait mis KO aux poings. Bon dieu, j’ai rien vu venir. Ca a comméncé avec des violons, des paroles mi-désabusées mi-poétiques, plein de jolies mélodies, et puis à un moment j’ai même cru entendre une valse ou quelque chose comme ça, et puis du glockenspiel et du mélodica (ça je me souviens, c’était sur "Une pause"), un morceau ou deux qui m’ont diablement fait penser à du Mendelson en moins dépressif ("Escapade"), de longs passages instrumentaux un peu en freelance avec des cordes assez tendus ("Un ange passe"), d’un truc un peu reggae qui m’a fait redresser la tête et mettre quelques coups ("Tête en l’air", franchement pas ce qu’il y a de mieux sur l’album), du psychédélisme bon ton et un peu barré dans l’espace ("Les guerriers du sommeil"), de la pop délicate au clavecin ("A l’abri") et peut-être même un truc un peu klezmer mais là je me souviens plus, je devais être affaibli. Au moment où je flanchais passait "Arabesque", un très long titre avec de beaux arrangements de cordes.

Alors bien sûr je me suis reposé, j’ai réfléchi. Comment est-ce qu’il était possible qu’un disque qui s’auto-estampillait dans une catégorie haïe de votre serviteur ait pu me mettre à genoux, hein ? Bon, c’est simple, une stratégie classique, on m’avait menti.

Inutile donc d’aller chercher une quelconque parenté avec les ténors de la chanson française, amis de la java et de l’accordéon, passez votre tour ! Amis de la variétoche à deux balles, fuyez ces lieux ! L’univers de Pixel est très particulier, et très difficile à décrire. La première référence qui m’est venue à l’esprit est, comme je l’ai cité plus haut, Mendelson. Parfois le chant de Nassib m’y fait parfois étrangement penser. Mais là où les gars de Mendelson se complaisent dans l’autodestruction et la dépression profonde, lui est plus en recherche poétique, en partance, quelque part entre deux eaux, pas très bien mais en train de remonter tout de même. Et il faut dire (et c’est tout à leur crédit !) que les ambiances musicales sont bien plus variées, en particulier grâce à une rythmique un peu mouvante et efficace, et de nombreux arrangements basés sur les guitares acoustiques, les claviers simples (mélodica, glockenspiel...) et les cordes (violon et violoncelle) toujours utilisées de façon précise, et concise, pas pour remplir l’espace mais bien pour ajouter du poignant aux titres.

Au résultat, un bon album, très agréable, intelligent, aux textes splendides et réfléchis (et c’est rare...) et qui se paye le luxe d’être intelligent. Je vais donc retourner panser mes plaies et je promets que je ne me laisserai plus jamais avoir par un press-book, car les press-books, comme les chroniques, d’ailleurs, sont des traîtres qui vous prennent par surprise.

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