Top albums - avril 2012
Introspection, catharsis et rêveries sous psychotropes au programme de ce nouveau bilan qui décortique pour vous huit incontournables du printemps, son et images à l’appui.
1. Spiritualized - Sweet Heart Sweet Light
Au risque de choquer, quel bon choix que cet octogone comme pochette de Sweet Heart Sweet Light ! Minimaliste mais symbolique, ce polygone à 8 cotés possède 4 diagonales de même mesure, comme autant de grands écarts présents sur ce 7ème opus de Spiritualized.
D’abord, une première diagonale entre hédonisme et rédemption, on sent encore les effluves psychotropes sur certaines compositions de Jason Pierce mais le rendu global évoque plutôt une espèce de grâce absolue, une plénitude. Et on arrive à la deuxième diagonale entre l’extase et la souffrance. Jason Pierce a connu les deux et on le ressent par exemple à l’écoute de l’enchaînement parfait d’un Headin’ For The Top Now avec Freedom. Deux morceaux diamétralement opposés, quelque part entre la substance du Velvet Underground, la perfection pop des Flaming Lips et la mélancolie de Sparklehorse, voilà une autre diagonale. Une élégance pop avec des chœurs et des orchestrations sublimes, presque Spectoriens, mais les guitares larsenisantes et les envies psychédéliques ne sont jamais loin chez Spiritualized (Hey Jane, I Am What I Am ou Get What You Deserve). Enfin la 4ème diagonale, celle qui réunit un certain classicisme gracieux et une créativité sans bornes, So Long You Pretty Thing qui clôture l’album en est le parfait et passionnant exemple, un morceau à tiroirs de presque 8 minutes commençant avec presque rien et se finissant avec presque tout.
Sweet Heart Sweet Light est un immense album parce que finalement toutes ces diagonales se rejoignent en un point, le barycentre de la vie mouvementée d’un génie, Jason Pierce !
(Spoutnik)
2. Bersarin Quartett - II
< avis express >
Disque fleuve, fleuve d’émotions fait disque, ce deuxième opus de faux quartette de Münster témoigne d’une ambition cinématographique peu commune, Thomas Bücker et ses deux compères accouchant d’une véritable BO imaginaire dont les nappes analogiques au spleen romantique évoquent tour à tour les rêveries post-classiques de leur compatriote allemand Marsen Jules, la mélancolie futuriste de Blade Runner (le fabuleux Zum Greifen Nah) voire le lyrisme en suspension des derniers albums de John Barry (Nichts Ist Wie Vorher).
Aussi dense que minimaliste, II dissout les frontières entre musique orchestrale et ambient synthétique, distillant ici quelques accords de piano lorgnant sur le jazz (Perlen, Honig Oder Untergang), là des cascades de beats glitchy et hypnotiques (Alles Ist Ein Wunder) ou plus loin les plaintes d’un violoncelle déchirant (Keine Angst) pour mettre en exergue le profond sentiment de solitude flirtant parfois avec l’abîme (Rot Und Schwarz) qui irrigue ces compositions à la fois sensibles et imposantes.
(RabbitInYourHeadlights)
3. Lower Dens - Nootropics
Avec ce deuxième album, Lower Dens se retrouve étonnamment en pleine lumière, tandis que l’ambiance de Nootropics se révèle clairement sombre et inquiétante. Les nootropiques sont considérées comme des drogues ou des médicaments améliorant ou stimulant la pensée. On ne vous fait pas de dessin, cet album est un véritable labyrinthe sonore et psychique qui déambule entre rêveries enjôleuses et torpeurs anxiogènes, un long et lent cheminement à la fois hypnotique et captivant.
Plus concrètement, l’univers de Lower Dens se trouve être au croisement de Beach House, la voix androgyne de Jana Hunter n’y étant pas pour rien, et de Deerhunter, dont le groupe assurait justement la première partie l’année dernière. Mélange de dream pop, de krautrock à tendance cold wave et d’échappées noisy pop, l’album dévoile des titres évidents et efficaces tels que Brains, single entêtant à la rythmique tendue et martiale à la façon d’Electrelane, mais également des morceaux plus expérimentaux et aventureux comme In The End Is The Beginning en guise de clôture mais également de sommet.
Finalement, cet opus est une œuvre fascinante et étrange dont on ne comprend toujours pas les effets addictifs qu’elle peut ou pourrait provoquer sur son auditeur.
(darko)
4. Chapelier Fou - Invisible
< chronique >
Louis Warynski a pris l’habitude de se cacher, depuis quelques années, sous le pseudonyme de Chapelier Fou. Et si 613, son premier essai, se perdait parfois en voulant explorer des horizons trop éloignés les uns des autres, avec Invisible le Messin corrige cet écueil.
On perçoit dès le Shunde’s Bronx initial que l’alternance, et parfois même la superposition, entre les bidouillages électroniques et des passages plus classiques où le violon fait des merveilles, donne de l’ampleur à ces nouvelles compositions.
L’évolution remarquable du labyrinthique Cyclope & Othello figure parmi les grosses réussites de l’album. Le xylophone puis le violon se répondent sur les premières minutes d’un morceau qui va finalement décoller et s’affirmer jusqu’à s’achever sur une note très électronique rappelant le We Carry On de Portishead. Quant au Moth, Flame final, il se nourrit de la participation de Matt Elliott pour explorer alternativement l’univers de ce dernier sous cette étiquette et sous celle de The Third Eye Foundation.
(Elnorton)
5. JK Flesh - Posthuman
Justin K. Broadrick dépoussière son pseudo de l’époque Techno Animal et ressort quelques vieux fantômes du placard. Si l’album peut sembler familier aux fans de l’Anglais, on n’est pas vraiment dans la lignée aérienne de Jesu, et pas non plus dans les œuvres métissées de The Blood Of Heroes. Indubitablement on lorgnerait plus vers l’aridité de certains Godflesh.
Posthuman est un monolithe sonore tellement complexe qu’il est impossible de le décrire en quelques lignes, un nid de vipères, une masse grouillante de rythmiques synthétiques, de basses assassines et de guitares destructrices. Claustrophobes s’abstenir.
(nono)
5. Patrick Watson - Adventures In Your Own Backyard
Depuis Just Another Ordinary Day jusqu’à Wooden Arms, avec évidemment entre les deux le joyau pop qu’est Close To Paradise, le Montréalais Patrick Watson a façonné un univers évolutif dans une même ambition d’onirisme. Aujourd’hui, Patrick Watson a choisi le dépouillement du piano qu’il maîtrise - croyez-en l’expérience des concerts - de manière insolente. Pour cela, il écarte de sa signature The Wooden Arms, qui apparaissaient comme l’alibi au rythme des percussions sur le dernier album qui portait leur nom, et les quatre membres du groupe suivent en procession la mélodie légère pianotée de bout en bout par celui qui en est aussi le chanteur.
Patrick Watson distille à nouveau sur Adventures In Your Own Backyard le thème du rêve à la fois un peu absurde, doux et minutieux. Par des arrangements gracieux, le groupe canadien tisse ainsi une fresque enchanteresse et lumineuse, à l’image de la pochette. Quand résonnent les morceaux les plus charmants de l’album, dont on pourra citer Lighthouse ou Morning Sheets, c’est de cette toile souple et délicate comme la soie que se drape l’esprit apaisé : Aventures In Your Own Backyard se révèle au fil des écoutes marier au charme des traditions passéistes la chaleur de rêves intemporels.
(Appaloosa)
7. Dictaphone - Poems From A Rooftop
Aspirer à la poésie, à la beauté et à la paix des corps et des esprits lorsque cette dernière ne peut advenir que dans le sang et les larmes, rêver de concilier modernité et traditions alors que la première semble être vouée à demeurer la victime collatérale de l’extrémisme des secondes, c’est tout le douloureux paradoxe que parvient à cristalliser le duo allemand au gré des errances mélancoliques de ce troisième opus en dix ans.
Inspirée par les protestations post-électorales iraniennes de 2009, la musique de Dictaphone est ici juchée sur les cimes à l’image des opposants au régime conservateur à tendance autocratique de Mahmoud Ahmadinejad qui montaient alors sur les toits pour y réciter des poèmes (l’un d’eux étant samplé sur le titre éponyme) et crier leur révolte à l’abri des tirs à balles réelles de la milice. Mais pour le duo transfuge du label City Centre Offices, ces cimes sont celles du jazz et du glitch qu’Oliver Doerell et Roger Doering transfigurent par leurs subtils foisonnements micro-ambient et autres arrangements de clarinette marqués par les traditions moyen-orientales, les cordes lancinantes du nouveau venu Alexander Stolze apportant la touche finale à cet édifice aussi poignant qu’élégant.
Moins abstrait que M.=addiction, plus sombre que Vertigo II, Poems From A Rooftop atteint des sommets d’onirisme poétique et d’émotion contenue, gagnant paradoxalement en profondeur dans ses plus pesants silences et ses plus troublants interstices.
(RabbitInYourHeadlights)
8. Gravenhurst - The Ghost In Daylight
Cinq ans que l’on n’avait pas entendu Nick Talbot. Cinq ans déjà que l’homme qui se cache derrière Gravenhurst nous avait impressionnés avec ses envies de shoegazing sur The Western Lands. Aujourd’hui, il revient et nous surprend de nouveau mais cette fois par un retour aux sources (période Flashlight Seasons), une folk classieuse et raffinée avec une simple guitare acoustique, des cordes discrètes et élégantes sans oublier quelques belles envolées électriques, même si elles se révèlent assez rares (The Prize est notamment de toute beauté). Apaisé, sincère, émouvant, il n’a peut-être jamais aussi bien chanté et on devine The Ghost In Daylight être l’esprit de feu Elliott Smith, une sacrée référence. Délicate et nostalgique, la musique de Gravenhurst se dévoile ainsi lentement et prudemment, la meilleure façon de faire durer le plaisir.
(darko)
Et pour participer au prochain vote, c’est comme toujours sur le FIR que ça se passe.
Gravenhurst sur IRM - Myspace - Site Officiel
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