Le streaming du jour #399 : Gareth Davis & Frances-Marie Uitti - ’Gramercy’
Sous leurs allures d’austères errances contemporaines, les sept instrumentaux de Gramercy, complétés de deux inédits en version vinyle, ne dérogent en rien à l’esthétique ténébreuse et anxiogène du label norvégien Miasmah, et à son ambition de puiser dans l’héritage savant ou acousmatique les ferments d’un dark ambient à la fois instinctif et sophistiqué.
Au violoncelle, la Chicagoanne d’origine Finlandaise Frances-Marie Uitti, connue pour son approche peu orthodoxe de l’instrument dont elle est capable de tirer notamment par son usage simultané de deux archets une infinité d’harmonies singulières et le plus souvent atonales. Une technique antinaturelle et résolument déstabilisante pour l’auditeur qui l’aura menée à explorer en 30 ans de carrière discographique plus de 75 gammes au gré de ses propres compositions ou d’interprétations très personnelles de pièces signées John Cage ou Morton Feldman.
A la clarinette, l’Anglais Gareth Davis basé à Amsterdam depuis qu’il y fricote avec le génial Machinefabriek, lui dont on avait notamment pu entendre les basses fréquences grondantes et autres impros discordantes sur les inquiétants Drape en 2010 puis Grower l’année suivante, entre deux reprises capiteuses de standards jazz et des collaborations avec les frères Kleefstra ou le guitariste californien Steven R. Smith.
L’une vient donc d’une musique contemporaine plus "théorique" encore qualifiée par certains de "savante", l’autre d’une scène ambient tout aussi aventureuse et pourtant moins révérée par les musicologues - ce dont on ne peut d’ailleurs que se féliciter - ce qui n’empêche nullement Frances-Marie Uitti d’avoir œuvré au côté du sculpteur sonore Stephen Vitiello (compagnon d’armes du même Machinefabriek) ou encore du multi-instrumentiste Elliott Sharpe, vétéran d’une expérimentation sans frontière qui invitait justement Gareth Davis l’an dernier à croiser le fer sur le jazzy Canephora.
Autant dire que ces deux-là étaient faits pour se rencontrer et que le duo fonctionne à merveille dans le registre angoissant de ce Gramercy, le romantisme désespéré du lancinant pas-de-deux d’ouverture 2 am ayant tôt fait de basculer dans un dialogue fébrile d’improvisations atonales (Felt) pour finalement s’engager dans les méandres d’un drone lugubre dont la tension cinématique oscille entre progressions feutrées (Smoke), fulgurances oppressantes (le final de l’immersif Detour) et silences lourds de menace (Cold Call). Captivant.
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