Patronne du label Siren Wire qui nous proposera bientôt le nouvel album de la pianiste Delphine Dora - entendue en début d’année au côté d’Half Asleep sur le théâtral et non moins habité You’re Not Mad, You’re Just Lonely  -, Susan Matthews ne manifeste pas vraiment le même genre de délicatesse sur son dernier album solo, petit chef-d’oeuvre de no wave schizophrénique et tourmentée conseillé notamment aux admirateurs d’Evangelista.

Dédié à un certain Laurence Kain, Tales From The Forbidden Garden est basé sur les expérimentations de ce guitariste ou plus exactement sur une série de jams enregistrés sur cassette juste avant sa mort et que la Galloise sample et malmène de toutes les manières imaginables au fil de ces 10 titres aussi fulgurants qu’irréductibles.

No wave disions-nous, et donc par définition inclassable mais on ne manquera pas de distinguer sur l’album de gros morceaux de dub abrasif (Who Speaks For Truth ?), d’indus forcenée (The Middle Road), d’ambient discordante (Flinch, Recoil), de drone doom angoissé (Wretched Mess) voire même de black metal sur le cauchemardesque Chokeback où la poétesse noise se mue en prêtresse satanique entre deux flots d’incantations ésotériques - spectrales et entremêlées sur Zenith ou plus tribales et hypnotiques sur un Skin Layers Scars aux allures de rituel vaudou.

Autant dire que du larsen étouffant d’In Your Eyes aux errances rampantes d’Almost As Already, le portrait écorché et anxieux que la musicienne a crûment choisi pour servir de pochette au successeur du fantomatique Alone In The Midnight Ocean ne pourrait mieux illustrer la brutale ambivalence d’un album résolument mortifère, où rage et fragilité s’entrelacent jusqu’à la folie.