Le streaming du jour #970 : Twin Pricks - ’This Might Be The Last Time You’ll Ever Hear From Me’

De prime abord,This Might Be The Last Time You’ll Ever Hear From Us, premier long format du duo messin Twin Pricks n’a l’air de rien. On passe certes un agréable moment à son écoute puis on le range avant d’aller fureter ailleurs. Mais il possède un je-ne-sais-quoi qui pousse à réitérer l’écoute. Un petit truc indéfinissable qui accroche lentement et infiniment. On se retrouve ainsi à l’écouter souvent pour tenter d’en percer le mystère mais surtout parce qu’on s’y sent bien. Pourtant, encore une fois, rien de bien nouveau là-dedans, rien qui n’ait déjà été entendu avant et souvent mais rien à faire : il efface les comparaisons et les références, vide le réseau de sa moelle pour l’habiter complètement.

Sont-ce ses imperfections qui font mouche ? Indubitablement. Ses voix parfois fragiles et à côté (l’introduction casse-gueule de Landmine par exemple), ses arrangements de temps en temps par trop suggestifs (à l’image d’un Vice tire-larmes et légèrement démonstratif) mettent en exergue tout le reste : la justesse des compositions, la maîtrise instrumentale, la grande sincérité qui hante cet album vivant et jubilatoire. Comme souvent, on finit par adorer ces imperfections. Elles montrent que Twin Pricks n’est pas une réunion de robots contrôlant parfaitement leurs trajectoires. Il y a de l’humain derrière ce disque, de la chair et du sang, des nerfs et du muscle, une foultitude de neurones et nombre d’accidents qui lézardent les façades ripolinées pour en extraire de grosses parcelles de vie. Si This Might Be The Last Time You’ll Ever Hear From Us touche à ce point, c’est avant tout parce qu’il nous ressemble.

Est-ce aussi sa grande variété qui contribue à le maintenir aux alentours de la platine ? Assurément. C’est qu’il est bien difficile de dire de quoi il s’agit : entre indie et rock, passant de l’emo à l’électro, Twin Pricks mélange tout ce beau bordel, trace quelques segments improbables reliant des sommets connexes mais qui ne se confondent pas en y adjoignant quelques gouttes de maths et de soul blanc-bec pour lier le tout. On y entend des bouts de Grandaddy, des poussières de Karate ou d’Hot Water Music qui renvoient le disque deux décennies en arrière mais aussi une grande liberté qui le pousse plutôt vers l’avant, un œil sur le rétroviseur et l’autre regardant loin devant. Un cauchemar pour astigmate sans doute mais qui offre l’avantage de sonner familier et singulier à la fois, un peu la combinaison merveilleuse. Des titres qui adhèrent au cerveau, à la pelle, de Rollercoast The Holocaust au titre éponyme, de Dying To Live à l’introduction très This Charming Man au violon vrillé du resserré Smile, on se fait avoir plus d’une fois : on fredonne, on dodeline de la tête, on prend son pied.

Du coup, on s’en va fureter du côté des deux premiers EP et c’est plutôt une bonne idée puisque la comparaison permet de mesurer le bond en avant que constitue This Might Be The Last Time You’ll Ever Hear From Us. Les gemmes étaient certes déjà présents mais plus bruts et sans doute moins ciselés. Il faut dire que le duo originel voit deux No Drum No Moog lui prêter renfort et ainsi deux fois plus nombreux, tout ce beau monde peut laisser libre cours à son imagination et sa créativité. Geoffrey Lolli et Florian Schall ont beau avoir un passé hardcore/metal commun, celui-ci ne transparaît aucunement aujourd’hui si ce n’est peut-être dans les inflexions acerbes et véloces qui parsèment le disque, tous ces petits emballements qui entretiennent la tension. Pour le reste, la mélancolie ténue qui se dégage de cette collection de titres accapare elle aussi et même si les compositions se suffisent majoritairement à elles-mêmes, l’ambiance générale finit de placer This Might Be The Last Time You’ll Ever Hear From Us dans une dimension toute personnelle. Il y a une certaine mise à nue à l’œuvre ici, une vraie prise de risque, un petit quelque chose qui fait toute la différence.

Objectivement, on l’a déjà dit, rien de bien nouveau mais on sait bien que la musique n’a que faire du pragmatique. Souvent l’essentiel se trouve ailleurs et cet essentiel-là, appelons-le pourquoi pas supplément d’âme, Twin Pricks, indubitablement, l’a.


Streaming du jour - 21.12.2013 par leoluce
... et plus si affinités ...
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