Comité d’écoute IRM - session #4 : Dirge, Drive-By Truckers, Ought, Jon Porras & Totorro
Ça n’est pas parce qu’on n’en avait pas encore parlé qu’on n’a rien à en dire : chaque semaine, les rédacteurs d’IRM confrontent leurs points de vue sur 5 albums de l’actualité récente.
Mieux que la NSA, le "Comité d’écoute IRM" vous renseigne !
leoluce : Dirge poursuit les explorations entamées lors d’Elysian Magnetic Fields, son opus précédent. Exit les morceaux interminables, le groupe resserre son propos et trouve dans la concision de quoi se concentrer sur les textures et l’atmosphère. Toujours plus massif et subtil, maintenant parfaitement équilibré, il se rapproche d’une forme d’épure qui lui sied joliment. Un très bel album.
Elnorton : La voix, lorgnant clairement sur le métal, est rédhibitoire. Je ne peux retirer aucun plaisir de l’écoute d’Hyperion. Dommage, car musicalement, cela aurait peut-être pu me plaire. En effet, à l’instar de la deuxième partie de Floe, j’adhère davantage dès lors que les chœurs, plus mesurés, prennent le relais.
nono : Les Parisiens de Dirge font du Post-core depuis 1994, c’est-à-dire bien avant que ce style ne trouve un public hexagonal. Hyperion a l’efficacité rageuse et impitoyable née de cette expérience. Chaque morceau, chaque riff sanglant, chaque déflagration sonore, est comme une décharge de gégène, comme une titanesque gifle.
Rabbit : C’est lent, massif, vicié, et si effectivement les beuglantes rauques old school ne sont pas le point fort du disque en ce qui me concerne, elles ne sont pas rébarbatives au point de gâcher la puissance intrinsèque de cet univers musical assez plombé mais pas forcément dénué d’espoir (cf. les chorus éthérés presque trop "pop" de Floe ou Venus Claws).
Le Crapaud : Ce métal balourd aux voix d’outre-tombe et aux refrains parfois timidement chantés (un peu Deftones...) n’est vraiment pas ma tasse de sang. Les parties instrumentales pourraient être intéressantes si elles n’étaient pas si lambines et interminables. L’incursion d’une voix féminine kitsch à souhait (Venus Claws) finit de gâcher le tableau.
Riton : La première écoute à sa sortie ne m’avait que peu convaincu, et pourtant j’adorais le précédent. L’exercice du comité d’écoute aura eu le mérite de me faire changer d’avis et me rappeler qu’en dépit de certaines fautes de goût (le chant et les choeurs maniérés de certains passages peu nécessaires à mon sens), le groupe est totalement puissant, massif, et probablement l’un des meilleurs représentants du post-metal en France.
nono : Retour en très très grande forme des Drive-by Truckers. Exit les élans pop des dernières productions, English Oceans renoue avec la rage mélancolique de leurs premières années. Une galette 100% alt. Southern Rock qui a le goût et l’odeur du tord-boyau qu’on écluse pour oublier.
Elnorton : English Oceans débute avec un titre plutôt poussif sur lequel la voix très "oldie" me repousse plus qu’elle ne me captive. Je me dis alors que ce n’est pas pour moi, mais j’insiste. Par la suite, les Drive-By Truckers déroulent un rock pas vraiment original mais clairement efficace.
Rabbit : Forcément, les Drive-By Truckers commencent à ressembler à Patterson Hood avec un backing band mais les départs successifs des membres historiques de la formation d’Athens n’ont rien entamé d’un songwriting taillé dans le roc(k) et trempé dans l’alt-country, à la fois rugueux, efficace et sensible.
leoluce : Drive-By Truckers, ça sent la gnôle et la sueur. Ça montre une stature de gros ours patibulaire cachant un sensibilité insoupçonnée. Sa musique parfaitement résumée par son patronyme. Sur cette nouvelle livraison, le groupe recouvre les crocs de sa jeunesse et donne un bon coup de fouet à sa mixture sudiste qui ronronnait légèrement ces derniers temps. Excellent.
Le Crapaud : Du rock’n’roll baignant dans son jus, la botte frappant la mesure, le talon encrassé de boue... rien de très neuf, voire une odeur de vieux, qui doit s’accentuer si on soulève le stetson... La formule est pertinente dans sa version intimiste (Made Up English Ocean, First Air Of Automn) où le rapport à la voix et au sens est plus direct (on se rappelle les regrettés Johnny Cash et Vic Chesnutt).
Riton : Comme une envie de dépoussiérer les éperons et de rejoindre les potes au saloon ! Passé les clichés d’une alt country un brin classique si l’oreille est distraite, la formation americana parmi celles que je connais le moins amène de vrais moments poignants et sensibles (comme le coup de cœur de Grand Canyon) à faire verser sa larme au cowboy. Puis on se rappelle qu’on vit dans le Nord-Pas-de-Calais...
UnderTheScum : Un album de southern rock certes classique mais qui évite habillement les clichés du genre. La sincérité et la sensibilité, s’exprimant aussi bien par la voix de Mike Cooley (à laquelle va ma préférence) que par celle de Patterson Hood, compensent parfaitement la forte odeur de cuir de certains titres. Une belle diversité qui s’apprécie d’autant plus au fil des écoutes.
Elnorton : Une première écoute assez décevante. Toutefois, après quelques réécoutes, j’ai pu percevoir le caractère addictif de ce disque réalisant à merveille la synthèse entre le post-rock cher au label Constellation, le punk et le noise rock de Sonic Youth tout en y incorporant certains éléments presque folk, principalement en milieu d’album. Sans être particulièrement difficile d’accès, il n’est pas impossible qu’une paire d’écoutes soit nécessaire pour s’approprier ces petits hymnes emplis de rage.
Rabbit : Un paire d’écoutes c’est déjà plus que je ne pourrai supporter de ces chansons qui parviennent à sonner hystériques même dans leurs moments les plus posés. La faute à un chant affreusement maniéré qui rend les morceaux les plus noisy-pop quasi inécoutables pour qui l’idée d’un croisement entre les Talking Heads et Gang of Four en 2014 fait déjà fuir d’emblée... n’ayant jamais apprécié plus que de raison les deux groupes en question, vous aurez compris que c’est mon cas !
leoluce : Je pourrais arguer que les morceaux d’Ought sont objectivement bien ficelés et qu’ils montrent leur lot de références de bon goût (déjà énumérées précédemment auxquelles on pourrait aussi rajouter, de loin, le Fugazi de The Argument), qu’ils peuvent même faire preuve d’originalité (principalement dans la voix tordue de leur chanteur). Hélas, on sait bien que musique et objectivité n’ont jamais fait bon ménage. Je pourrais dire que je suis resté hermétique à More Than Any Other Day. Mais à la vérité, c’est pire que ça : j’ai scruté ma montre tout du long et si j’attendais bien quelque chose de ce disque soporifique, c’est qu’il s’arrête rapidement. Un gros bof.
Le Crapaud : Mes camarades ont tout dit des reproches qu’on peut faire à la toute jeune formation de Montréal : une rock ultra référencé, moyennement original, les minauderies du chanteur qui irritent à la longue... Mais il y a une certaine efficacité dans leurs crescendos épiques, et un son analogique cru qui nous met au plus près du jeu et des instruments, dont on ne peut leur faire grief. Un ensemble qui, quoi qu’il en soit, ne fait pas tache dans l’excellent catalogue Constellation.
Riton : J’ai écouté une première fois l’album en faisant la vaisselle, ce fut assez plaisant. Je l’ai écouté une deuxième fois plus activement, ce fut assez ennuyeux. Sans conclure que Ought est plus intéressant l’évier rempli, ils peinent tout simplement à devenir agréables.
nono : Le complice d’Evan Caminiti au sein de Barn Owl, nous offre ici un élégant mélange de drone et d’électro. Un album tout en finesse, au fort pouvoir évocateur mélancolique, qui évite avec beaucoup de justesse l’écueil de tomber dans l’affliction. Light Divide est un album naturellement raffiné, envoûtant et d’une densité stupéfiante.
Rabbit : Dans l’absolu l’album serait pas mal du tout mais je ne peux m’empêcher d’être déçu de la part de Porras par ce drone synthétique unidimensionnel aux pulsations cardiaques héritées du side project DVVLLXNS en moins bon. Où sont passées l’abyssale profondeur de champ, l’ambivalence crépusculaire du génial Black Mesa et des meilleurs Barn Owl ?
Elnorton : Un album d’ambient hypnotique fort agréable qui comporte quelques sommets délectables tels que l’envoûtant Recollection. Une bonne pioche, donc, qui mérite, et c’est inhérent au genre, une écoute au casque pour en apprécier tous les détails.
UnderTheScum : Sans être mauvais je n’ai pas réussi à rentrer dans cet album, sans doute la faute à un manque de profondeur. Je suis resté sur le tarmac, en spectateur où je pouvais voir de l’extérieur les qualités de composition mais sans jamais les ressentir de l’intérieur. D’autant plus dommageable pour de l’ambient/drone.
Elnorton : Le post-rock des Rennais de Totorro est riche et incorpore des éléments issus d’autres genres musicaux. On pense parfois à Tortoise lorsque des éléments jazzy s’invitent, mais c’est davantage à American Football, influence revendiquée, ou Moji Moji que l’on pense au regard de la répétition d’ondulations en mode mineur.
nono : Un mélange de post-rock et de math rock qui pourrait être intéressant s’il n’était dilué par d’infâmes relents pop. Un peu comme si Kyo venait de découvrir Shellac et GY !BE.
Rabbit : Sans aller jusqu’à parler de racolage FM c’est clair que le math-rock vaguement post-rockeux des Rennais noie sa belle énergie et son capital sympathie dans la facilité d’une recette déjà entendu 500 fois en mieux, et appliquée sans chercher à creuser une atmosphère digne de ce nom. Dommage.
leoluce : J’en pense plus ou moins la même chose que le More Than Other Day d’Ought évoqué plus haut.
Le Crapaud : Je prends vos "relents pop" et vos "facilité d’une recette déjà entendu 500 fois" et me les colle là où tu penses pour apprécier de façon confortable cet album jouissif aux vignettes mélodiques sautillantes, ses incursions saturées efficaces, et surtout, son jeu de batterie précis et sacrément bien balancé. Totorro fait honneur à la scène math-rock française et rend hommage au post rock nord-américain, merci pour eux !
UnderTheScum : Tout juste un an après le très bon Tennis des Nantais de Papaye, c’est au tour des Rennais de Totorro de nous offrir ce Home Alone non moins rafraîchissant. Du post-rock instrumental aux accents math, toutefois moins speed et énervé que leur homologue breton, avec des "relents pop" qui ne sont pas pour me déplaire.
Riton : De moins en moins passionné par la scène post/math-rock française (soit un genre où tout, du meilleur au pire, a déjà été fait), Totorro n’arrange pas vraiment les choses : ses sonorités guillerettes, sa fâcheuse tendance à essayer de faire danser, et une atmosphère à mon goût trop inoffensive. Dans le genre, mais de l’autre côté de l’Atlantique, je préfère retourner écouter Kidcrash.
Drive-By Truckers sur IRM - Myspace
Dirge sur IRM - Myspace
Jon Porras sur IRM - Site Officiel - Myspace
Totorro sur IRM
Ought sur IRM
- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- One Far West - Heliacal Risings
- Feeling Flying - Spirit Level
- Glacis - This Darkness From Which We Cannot Run
- Glåsbird - Fenscapes
- EUS & How To Disappear Completely - Remaining Light
- Roger Robinson - Heavy Vibes
- John Thomas Remington - Pavements EP
- EUS - Vergel
- Seefeel - Squared Roots EP
- Eli Tha Don & Hot Take - Ghetto Beethoven
- Masayoshi Fujita - Migratory
- EUS & How To Disappear Completely - Remaining Light
- The Sombre - Like a dream without light
- 2024 à la loupe (par Rabbit) - 24 chansons
- 154 fRANKLIN - MOODCUT