Le streaming du jour #1426 : Lambchop - ’FLOTUS’

On a déjà pu lire beaucoup un peu partout sur ce 12e opus de Lambchop à paraître vendredi prochain, de ses références politiques pro-Hillary - bien que le titre, initialement acronyme de First Lady of the United States, se lise également For Love Often Turns Us Still en hommage à l’épouse politicienne de Kurt Wagner (l’album lui est dédié) - à ses influences venues du hip-hop pour hipsters qu’on abhorre par ici - Kendrick, Kanye, ce genre. Mais heureusement loin des unes comme des autres, FLOTUS donne surtout l’impression de flotter : loin au-dessus de la masse des folkeux infoutus de se renouveler d’un iota, hors de portée surtout des adeptes lambda d’un autotune qui n’avait jamais sonné aussi humain.

Tout avait commencé il y a quelques mois par The Hustle, où pianotages impressionnistes, polyrythmies électro-organiques (cf. ce sublime lâcher-prise beats/batterie à 6’30), reflux dronesques, vents discrets et synthés délicats orchestraient un chassé-croisé aussi hypnotique qu’élégant sur 18 minutes d’un canevas mouvant sans équivalent dans la disco des Nashvillois. Autant dire qu’on attendait beaucoup des 10 autres titres de ce FLOTUS 4 ans après un Mr. M freiné dans ses élans par quelques resucées violoneuses trop ouvertement classiques et rétro (tout est bon chez Lambchop mais celui-là en l’occurrence n’avait ni la magie baroque ni le souffle Motown de Nixon), non sans une certaine appréhension toutefois en apprenant qu’à l’exception de ce morceau, l’album serait gavé... d’autotune (ou plutôt de son équivalent hardware, le TC-Helicon Voicelive 2, piqué à Shabazz Palaces).

Inquiétude balayée d’entrée par In Care of 8675309 (après The Hustle, on vous laisse repérer les clins d’œil des titres aux goûts musicaux de madame, ça remonte aux charts ricains des 75-85 en gros), sorte de ballade dylanienne fleuve sur fond de synthés planants où la retenue du vocoder frappe d’abord par la touchante fragilité qui s’en dégage. Ça ne ressemble à rien de connu et à l’image des mixtures americana/électro-ambient d’un Dan Bejar sur les EPs de Destroyer d’il y a quelques années (ici puis ), ça fonctionne merveilleusement. Il en sera de même pour l’association du piano lacunaire et de la section rythmique syncopée d’un Directions to the Can dont l’intitulé facétieux et les lyrics opaques trouvent un écho dans les digressions glitch qui en triturent le spleen abstrait, et à l’exception d’un NIV dégoulinant un brin à trop flirter avec la synth-pop des années 80, la suite ne se départira jamais de ce bel équilibre entre expérimentations ludiques d’électronicien ingénu et classe atemporelle de songwriter folk au sommet de son inspiration.

Du R&B rétro-futuriste de JFK à la chillwave cuivrée du fabuleux Writer digne du meilleur d’Helado Negro, en passant par l’épure downtempo en suspension de Howe ou la cavalcade électro/disco aux basses rondelettes d’un Relatives #2 évoquant de loin les débuts de nos Phoenix hexagonaux, Lambchop ne cesse de surprendre par la fraîcheur presque naïve de son processus de réinvention et même lorsque le vocoder déborde un peu (la soul blanche d’Old Masters, l’électro-jazz d’Harbour Country ou le gospel post-James Blake du morceau-titre sont tous trois vocalement sur le fil du bon goût...), le chant de Wagner évite au moins de rebuter par trop d’effets ostentatoires à l’inverse par exemple de Bon Iver sur son récent 22, A Million, inventif pour certains, inécoutable pour les autres.

Après les tentatives manquées de Sufjan et de ses suiveurs, FLOTUS donne ainsi une raison supplémentaire de se réjouir : même les musiques les plus boisées/soulful peuvent digitaliser leur ADN jusqu’à la moelle et en sortir grandies.


(en avant-première via Slate)


Streaming du jour - 29.10.2016 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
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