Le streaming du jour #1490 : Papier Tigre - ’The Screw’

On ne peut pas passer sa vie en vacances. Et ça, Papier Tigre l’a bien compris. En marge du passionnant projet expérimental La Colonie De Vacances qui les voit collaborer avec Electric Electric, Pneu et Marvin dans le cadre de concerts en quadriphonie où chacune des formations occupe une longueur de la salle et se répond dans un capharnaüm auditif délectable.

Une expérience qui ne peut toutefois pas se suffire à elle-même. Parallèlement, les Nantais ont donc poursuivi leur œuvre discographique en accouchant fin avril 2016 d’un quatrième disque intitulé The Screw. La réputation du combo étant désormais faite, l’heure n’est plus à la surprise et pourtant cet opus regorge de merveilleuses trouvailles sonores.

N’allons cependant pas trop vite en besogne, The Screw est loin d’être un disque parfait, et c’est en ce sens que l’on s’en délectera, puisqu’il incarne le fait que Papier Tigre est un groupe résolument humain refusant la complaisance. Plus encore qu’aux richesses du genre précité, le groupe s’intéresse surtout à ses propres failles, ses névroses et ses manquements divers.

Ainsi, il n’est pas rare, quand émergent une bonne idée, un riff tranchant, une évidente alchimie entre guitares et batterie ou une incursion vocale délectable, de voir le groupe se saborder lui-même en la suspendant unilatéralement. Ce sabordage n’est toutefois qu’une façade, étant entendu qu’il y a là trop de bonnes idées pour se permettre le luxe de se répéter, à l’exception peut-être d’un A Matter of Minutes qui, pendant plus de neuf minutes, expérimente une noise bruitiste et radicale sur laquelle la batterie jouera avec les nerfs de l’auditeur le plus fragile ou, c’est au choix, le moins rôdé à ce type d’expériences.

Le trio n’aime pas ce qui est lisse, et The Screw est en ce sens son album le plus hétérogène. Pas le moins cohérent pour autant. S’il débute pied au plancher avec un The Other Me résolument math-rock, ce quatrième disque intègre des éléments plus « pop » qui peuvent néanmoins se marier avec des percussions martiales dans un mélange détonnant (Mood Trials, And There Were Some Lonely Hands ou Naming Names), former ce qui pourrait presque ressembler à un single (Heebie Jeebies et son riff accrocheur à la Queens of the Stone Age), se rapprocher d’un rock indé à tendance lo-fi (In The Right Place) voire même se doter d’accents slacker dans le chant (Pajamas).

En somme, The Screw intègre davantage de nuances et d’imprévisibilité dans les structures, multiplie les contre-pieds et s’avère néanmoins plus accessible que ses prédécesseurs. Papier Tigre s’est fait la main sur scène, c’est évident, et digère habilement tout ce qu’il en a retiré : un sens de l’écoute et de l’empathie, une maîtrise des temps et une radicalité qui n’a rien d’une attitude mais répond à une véritable démarche. On en redemande mais en attendant, avec de telles compositions, il est urgent d’appréhender de quelle manière le trio les défend sur scène.


Streaming du jour - 15.02.2017 par Elnorton
... et plus si affinités ...
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