Gorillaz - Humanz
Dans nos colonnes, l’habitude est plutôt à l’éloge qu’à la satire. En effet, à quoi bon perdre du temps à enterrer les ambitions artistiques d’un disque qui ne nous a pas convaincus ? Sans doute à pas grand-chose. Mais la déception justifie parfois des postures aussi inhabituelles que le ton et l’usage de la lettre ouverte dont le destinataire privilégié ne prendra jamais connaissance.
1. Intro : I Switched My Robot Off
2. Ascension (feat. Vince Staples)
3. Strobelite (feat. Peven Everett)
4. Saturnz Barz (feat. Popcaan)
5. Momentz (feat. De La Soul)
6. Interlude : The Non-conformist Oath
7. Submission (feat. Danny Brown & Kelela)
8. Charger (feat. Grace Jones)
9. Interlude : Elevator Going Up
10. Andromeda (feat. D.R.A.M.)
11. Busted and Blue
12. Interlude : Talk Radio
13. Carnival (feat. Anthony Hamilton)
14. Let Me Out (feat. Mavis Staples & Pusha T)
15. Interlude : Penthouse
16. Sex Murder Party (feat. Jamie Principle & Zebra Katz)
17. She’s My Collar (feat. Kali Uchis)
18. Interlude : The Elephant
19. Hallelujah Money (feat. Benjamin Clementine)
20. We Got The Power (feat. Jehnny Beth)
Cher Damon, après nous avoir gratifiés de disques aussi indispensables que Parklife, la trilogie allant de l’éponyme de Blur à Think Tank, et des deux premiers Gorillaz, tu t’étais laissé tenter par la facilité avec un Plastic Beach moins ambitieux, draguant parfois trop ouvertement les pieds de ton public, plutôt que leurs neurones.
Mais il ne s’agissait là que d’une trêve puisque, après un The Fall dispensable mais loin d’être honteux, à l’instar de l’aventure The Good, The Bad & The Queen quelques années plus tôt, tu avais renoué avec le génie sur ton sensationnel album solo intitulé Everyday Robots. Et, quoi qu’en disent les plus aigris des vieux fans de Blur, The Magic Whip était un vrai bon disque, pas tout à fait au niveau des trois précédents, mais plus marquant qu’un Modern Life Is Rubbish, par exemple. Et puis, il faut bien avouer que, avec un peu plus de recul, Plastic Beach prenait une certaine ampleur si bien qu’on en oubliait presque les excès.
Que du positif, donc. De quoi nous faire attendre de pied ferme la nouvelle mouture de Gorillaz. Et si les avis divergeaient au sein de notre salle de rédaction concernant ce Hallelujah Money sur lequel s’invitait Benjamin Clementine, ils étaient en revanche unanimes pour regretter l’orientation des quatre titres livrés en pâture il y a quelques semaines. Et franchement, t’entendre demander à tes musiciens de faire "du Earth, Wind And Fire version 2017”, ça laissait déjà pour le moins circonspect.
Damon, il y a à peu près autant d’âme dans les vingt titres du disque que dans ses illustrations en image de synthèse. Des déstructurations électroniques poussives d’un Momentz que De La Soul ne parvient pas à transcender aux affreux vocoders de Popcaan sur un Saturnz Barz aussi taillé pour les radios les plus aguicheuses que le Carnival qui laisse trop de place à Anthony Hamilton et l’instrumentation obséquieuse qui l’accompagne, il n’y a non seulement rien à retenir, mais l’on a presque envie de vomir tant la gêne est présente. Et franchement, l’emphase sectaire de ce The Non-Conformist Oath dont l’incantation ressemble surtout à l’appel d’un gourou était-elle vraiment nécessaire ?
Cet ensemble est tellement insipide que l’on aurait presque envie de défendre la cheap-dance d’Andromeda, sur laquelle tu as au moins fait apparaître quelques lignes mélodiques, certes noyées dans des arrangements putassiers. Même ce Busted And Blue sur lequel ta voix ne décolle jamais et aurait constitué un morceau mineur sur Plastic Beach, semble presque honorable du fait d’un relatif minimalisme qui nous épargne – du moins sur la première moitié – l’onanisme ambiant. Et enfin, même ce pourtant très candide We Got The Power crée une certaine émotion chez l’auditeur, peut-être parce qu’il vient enfin à bout du supplice, mais surtout car nous portons sur les incantations naïves de Jenny Beth (Savages), à base de « On a le pouvoir de s’aimer » en français dans le texte, le même regard gêné que lorsqu’il s’agit d’accepter un collier de nouilles produit par le petit frère.
Et s’il n’y avait que l’aspect putassier... Certains disques peuvent sortir avec les honneurs en renouant avec les synthés cheap des années 80, à l’instar du récent Sincerely Future Pollution de Timber Timbre. Mais c’est précisément parce qu’ils n’oublient pas de convoquer une certaine émotion, en s’appuyant sur des bases mélodiques, des variations rythmiques et une emphase contrôlée. Humanz ne parvient jamais à faire émerger d’autres émotions que la gêne, l’agacement, l’ennui voire même la colère. Que la dernière icone à la mode cède à la tentation d’une production à base de guimauve, cela peut se défendre - à condition que l’on ne nous demande pas d’écouter son disque - mais de ta part, Damon, est-ce bien raisonnable ? Qu’avais-tu à gagner avec une telle sortie ? L’art du contre-pied ne peut pas se résumer à la livraison d’un tel gloubi-boulga lisse et tellement sans saveur que même nos plus bas instincts ne parviennent pas à être flattés.
Et l’on ne parle même pas de l’aspect patchwork du disque, dont l’objectif semble être de faire apparaître le plus grand nombre d’invités, quitte à ce que leurs contributions, comme celle de Noël Gallagher, soient parfaitement anecdotiques ou qu’elles tuent dans l’oeuf toute notion de cohérence d’ensemble.
Franchement, Damon, mis à part ce Let Me Out, presque sauvé par l’apparition de Mavis Staples, peut-on t’imaginer en train de prendre du plaisir en écoutant cette farce que tu nous as pondue ? Quoi qu’il en soit, ton exigeante discographie restera à jamais marquée par l’empreinte de cette sortie insipide et clairement honteuse, autour de laquelle seuls quelques adolescents habitués à écouter Fun Radio pourront se regrouper.
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