L’Overd00’s : 2005
L’overd00’s du Forum Indie Rock ici retranscrite par la rédaction est le fruit de deux mois passés par nos membres à dresser le bilan de la décennie qui vient de s’achever. Tout au long des semaines à venir, nous allons vous faire replonger dans le meilleur des années 2000, 11 articles qui viendront fleurir la Une du Mag, résultat d’une élection passionnante, éprouvante et agrémentée des choix tout à fait personnels de la rédaction. Souvenirs et découvertes garantis.
2005, une grande année pour notre webzine officiellement né le 7 décembre. Il est vrai que l’équipe de passionné(e)s en provenance du Forum Indie Rock se fréquentait déjà depuis plus d’un an, on est donc en territoire conquis d’avance. Pas si sûr d’ailleurs, on se surprend encore à trouver des chef-d’œuvres oubliés, des vidéos magiques, avant même de défricher dans les années pré-IRM. Vivement la suite.
65daysofstatic - One Time For All Time
S’il est un exercice musical difficile, c’est sans conteste celui de classer un groupe dans un seul genre cloisonné et codifié et ce n’est pas avec 65daysofstatic que cela va se simplifier. D’après le Myspace du groupe, on est face à de "l’alternatif / électronique", du "post-rock" selon la presse spécialisée et les amateurs - de toute façon, les 00’s, c’est aussi une overdose de post-tout (et n’importe quoi).
Mais alors ? Qu’en est-il en fin de compte de ce deuxième opus du combo de Sheffield ? Une rythmique percutante, une mélodie claire, le tout relevé par une nappe sonique, telle est effectivement la recette de base du post-rock. Mais celle-ci nécessite un bon tour de main pour être réussie ainsi qu’un ingrédient secret propre à chacun et il semble que 65daysofstatic en ait un efficace. Drove Through Ghosts To Get Here - qui porte bien son nom au demeurant - fait sans aucun doute partie des meilleurs morceaux du groupe, probablement l’ouverture la plus adéquate pour cet album d’autant que l’enchaînement avec Await Rescue est idéal. Cependant, il faut préciser que One Time For All Time tout comme les autres réalisations des Anglais est exclusivement composé de morceaux instrumentaux et cet aspect ne manquera d’en rebuter certains, les guitares saturées omniprésentes faisant d’abord craindre un album rapidement répétitif. Mais c’était heureusement sans compter la ligne mélodique, tantôt au piano, tantôt à la guitare, voire même à la basse, et qui joue ici le rôle d’un fil conducteur mouvant.
Tout cela fait de One Time For All Time un album indispensable de cette décennie passée, à moins bien sûr d’être allergique à la musique instrumentale.
(Spydermonkey)
A Silver Mt. Zion - Horses In The Sky
Le moins que l’on puisse dire est que ce Horses In The Sky est loin de faire l’unanimité parmi les amateurs d’A Silver Mt. Zion - ou plus exactement Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band pour ce quatrième opus. Le disque surprend en effet dès son entame en trois parties God Bless Our Dead Marines. D’une musique aux accents traditionnels au canon dissonant final en passant par un mouvement plus rock signant l’arrivée des guitares, force est de constater toutefois que la tension est toujours palpable. On pourrait se dire finalement, qu’après ce morceau, on a tout entendu et que l’album ne nous révélera rien de nouveau. D’autant plus que la suite directe reprend les ingrédients principaux du groupe, à savoir une longue montée en puissance autour d’un thème musical hanté. A partir de là, un choix s’impose pour l’auditeur : soit il résiste à l’envoûtement, soit il se laisse entraîner par cette tension souvent retenue mais d’autant plus oppressante. Et il faut savoir que dans cet état, il y restera jusqu’à la dernière note du disque même si, parfois, la pression se relâche comme sur Horses In The Sky, ballade folk sans prétention mais tellement efficace ! La suite est semblable à une berceuse cauchemardesque dans laquelle on se sait à l’abri grâce à notre statut de spectateur. Et si l’interlude lumineux Hang On To Each Other laisse entrevoir de l’espoir, c’est pour mieux introduire la quête illusoire de Ring Them Bells (Freedom Has Come And Gone), final poignant de Horses In The Sky.
Alors oui, Efrim Menuck se ferait recaler aux divers castings des télé-crochets. Et c’est tant mieux ! Des voix trop lisses feraient perdre une bonne part du charme de l’album qui finalement tient bien la route, pour celui qui accepte de se laisse conduire à travers les tourments d’A Silver Mt. Zion.
(Spydermonkey)
Andrew Bird - The Mysterious Production Of Eggs
Avec cet album appelant à la consécration, notre oiseau américain n’aura pas volé son surnom. Si celui-ci lui vient avant tout d’un raccourci un peu facile avec son patronyme, il faut avouer que la beauté de son sifflement et la grâce dont il fait ici preuve, participent à pousser la comparaison un peu plus loin. The Mysterious Production Of Eggs est un véritable festival de raffinement où le violon de notre artisan ensorceleur émerveille à chacune de ses apparitions. Tirant parti du maximum de potentiel de son instrument, Andrew Bird mêle nappes et délicieux pizzicati qui lui sont propres à un univers qui distille diverses influences tirant vers des sonorités moins occidentales ou sur le jazz, pour donner naissance à une identité musicale finalement reconnaissable entre mille. Cet album qui restera probablement le meilleur de sa discographie, force le respect en réunissant des compositions aussi remarquables que A Nervous Tic Motion of the Head to the Left, Fake Palindromes ou Banking on a Myth, et d’autres que notre volatile a pris soin de couver davantage, jusqu’à leur donner leur plus belle apparence : Sovay, Skin is, My, titres déjà présents sur le précédent Weathers Systems et retravaillés avec succès. Rarement décrié, cet album est un passage obligatoire pour tout bon amateur de musique folk qui se respecte.
(Pol)
Bronnt Industries Kapital - Virtute Et Industria
- Bronnt Industries Kapital - Virtute Et Industria
Néo-kraut rampant, électronica victorienne, ambient de purgatoire, fantômes du jazz ou IDM cinématique... on est loin de l’univers post-folk de Gravenhurst mais après le fabuleux Fire In Distant Buildings tirant sur l’hypnotisme épique du shoegaze c’est pourtant bien le Bristolien Nick Talbot que l’on retrouve aux manettes de ce projet cryptique né de l’imagination d’un certain Guy Bartell, resté ensuite seul aux commandes sur un deuxième opus réussi sans pour autant tomber dans les mêmes abysses de spleen malsain et de fascination morbide, influence new wave oblige.
(RabbitInYourHeadlights)
Celebration - Celebration
Il faut être sacrément maso pour s’aventurer à écrire sur ce premier album de Celebration. Certains y sont arrivés avec succès, moi je ne me sens pas l’âme d’un John B. Root. Même avec l’estampille véritable 4AD aux fesses, j’hésite encore. Même avec Katrina Ford au chant, la fille de qui déjà - Jim Morrison et Siouxsie Sioux ? - je peine à jouir.
Halte aux délires, enfin si j’y arrive. Animal, tribal, enragé, dansant, sauvage et sexuel, les mots ne manquent pourtant pas pour vous donner l’envie. Cet album est une tuerie des temps modernes, avec des claviers vintage, un groove psychédélique et sexuel, dérangeant et tripant à souhait. C’est un joyau rare (le second The Modern Tribe aussi) perché depuis 2005 au sommet de trop rares étagères. Osez braves gens, la bande de Baltimore ne plaira peut-être pas à tous, mais qu’elle puisse en emporter certains dans une communion parfaitement déjantée, j’en suis convaincu.
(caribou)
Dälek - Absence
De distorsions rouillées en vortex saturés, sans nul doute le plus sombre et angoissé des albums du duo new-jersien, nettement plus froid et claustro que son successeur Abandoned Language non moins abyssal et vénéneux mais tenté par les tourbillons sensoriels plus mélodiques du shoegaze et des arrangements acoustiques suintant la mélancolie d’un monde en ruines.
Tout en pics de tension maladive vrillés de drones industriels malaisants sur beats hip-hop métronomiques, l’écrin tranchant et parfois presque abstrait sculpté par le DJ Oktopus pour le flow sans illusion du MC Dälek ne nous ménagera pas un seul instant, plongeant au ralenti dans la spirale ténébreuse du manifeste Culture For Dollars pour culminer plus loin sur le déferlement tubesque du dévastateur Eyes To Form Shadows :
(RabbitInYourHeadlights)
The Decemberists - Picaresque
Dans la continuité des deux premiers albums du groupe au songwriting déjà épique et avant de sombrer dans les travers grandiloquents d’une ambition narrative démesurée, Colin Meloy atteignait des sommets d’évocation et d’intensité à faire pâlir de jalousie les Okkervil River et autres Neutral Milk Hotel en faisant ce qu’il sait faire de mieux, raconter des histoires avec ce sens du romanesque elliptique qu’on lui connait.
Des chansons sans lien apparent, mais habitées d’un même esprit anti-héroïque et désespéré, enchaînées par la fatalité et porteuses d’un regard moral désabusé. C’est ainsi paradoxalement en l’absence de toute ligne conductrice que les Decemberists auront construit avec l’appui du producteur Chris Walla (Death Cab For Cutie) leur œuvre la plus cohérente et aboutie à ce jour, autour de cette idée de récit picaresque à la fois réaliste, extravagant et souvent tragique dont les différents épisodes dispersés dans l’espace et le temps sans chronologie semblent avoir été vécus par un même protagoniste aux multiples existences.
Ou comment inventer le concept album en creux, en effaçant la frontière entre folklore et folk rock moderne, entre fable universelle et réminiscences toutes personnelles.
(RabbitInYourHeadlights)
Edan - Beauty And The Beat
"Prince Paul already used this loop, but I’ma keep it movin’, and put you up on the scoop !" Cette sentence crachée avec autant de morgue que de malice en ouverture de l’équilibriste I See Colors, recyclant avec brio et même une certaine féerie le sample en question dû au combo doo-wop/soul The Dells, donne le ton de ce troisième opus d’Edan :
Et qu’il s’agisse de l’excellente cassette Architecture qui marqua ses débuts dans l’underground en 94 ou du plus inégal Primitive Plus, premier véritable album longtemps attendu qui laissait entrevoir huit ans plus tard dans ses meilleurs moments le potentiel de l’Américain à conjuguer influences old school frontales mais irrévérencieuses et collages post-modernes virevoltants, rien ne nous avait véritablement préparés au maelström des couleurs charriées par Beauty And The Beat : celles des De La Soul des débuts et de la pop psyché des 60’s, de la blaxploitation et de la Motown, du Brésil et des Beastie Boys, des labels Def Jux et Stones Throw, du jazz et des giallos de Mario Bava. Résultat : un grand kaléidoscope virtuose et barré digne des Avalanches, la coolitude et la tension du hip-hop en prime.
(RabbitInYourHeadlights)
Elysian Fields - Bum Raps And Love Taps
Elysian Fields fait partie de ces groupes dont on sait, dès la première écoute, qu’ils nous accompagneront longtemps, peut-être même toujours.
En 1996 sort Bleed Your Cedar et on y rencontre alors pour la première fois la voix affolante de Jennifer Charles. Une voix à faire bander les morts. Mais, bien sûr, cette voix ne saurait suffire à résumer tout l’art délicat et mystérieux d’Elysian Fields. Pour preuve les splendides écrins qui l’accompagnent. Des morceaux profonds, subtils, à l’ossature légèrement expérimentale et aux accents jazz et blues, concoctés par son compagnon Oren Bloedow. C’est tout l’esprit de la Knitting Factory qui plane sur cette musique, les ombres tutélaires de John Lurie, Marc Ribot, John Zorn et consorts jamais trop éloignées. Une vraie claque.
Viendront ensuite d’autres grandes réussites, mais jamais tout à fait au niveau de ce premier essai. Jusqu’à ce Bum Raps & Love Taps en 2005. Et même s’il n’y a pas de grande révolution dans la formule de cette hydre new-yorkaise à deux têtes, il s’agit-là d’un disque de rupture (le couple ne l’est plus qu’artistiquement) qui se montre alors encore plus envoûtant, dépouillé et ténébreux qu’à l’habitude, une sorte de Bleed Your Cedar en plus désespéré. Un disque Janus, partagé entre une salve de premiers titres tranquillement abrasifs et des morceaux beaucoup plus intimistes. Un florilège de moments forts et dépressifs, qu’ils soient essentiellement acoustiques (When ou le morceau qui donne son titre à l’album) ou un peu plus électriques (les splendides Duel With Cudgels en référence à un tableau de Goya et Set The Grass On Fire), mais toujours portés par la voix sensuelle/sexuelle de Jennifer et les arrangements extrêmement léchés d’Oren. Un disque à siroter au milieu de la nuit en même temps que son whisky, bien calé dans un fauteuil au cuir élimé et le désespoir exacerbé, alors qu’on ne trouve pas le sommeil à cause de cette chienne de vie.
Splendide et suprêmement classe.
(leoluce)
Fog - 10th Avenue Freakout
A en juger par ce Can You Believe It ? à l’intensité contenue, le songwriting troublant et le jeu de guitare savamment contrasté d’Andrew Broder pourraient parfaitement se suffire à eux-mêmes. Et pourtant il ne s’agit là que d’une facette parmi bien d’autres du talent de l’âme de Fog, rompu à l’électro et à l’ambient comme au hip-hop instrumental ou au free jazz.
De l’abstract folky de l’éponyme enregistré en solo au formidable Ditherer accouché en groupe tel un monstre d’americana mutante nourri au jazz et au krautrock en passant par Ether Teeth et son électro-acoustique ample et feutrée digne de Talk Talk ou les hybridations pop du projet Hymie’s Basement bidouillé en compagnie de Yoni Wolf (leader de Why ?, que Broder et son bassiste Mark Erickson accompagneront sur scène à l’occasion d’une tournée française qui débutera ce mardi 23 mars à Lille), Fog aura gravi les sommets à maintes reprises mais peut-être pas d’aussi escarpés que ce 10th Avenue Freakout marquant son passage de Ninja Tune à Lex Records, où ce genre de compos lo-fi habitées par un chant enfin décomplexé se doublent d’arrangements électro schizophrènes et de digressions jazz, lorgnant tantôt sur une ambient fantomatique, tantôt sur un rock aventureux au lyrisme bancal entre deux ballades à l’épure lumineuse ou plus angoissée, avec une liberté de construction qui fait irrémédiablement penser dans l’esprit au Radiohead d’ Amnesiac ou Hail To The Thief.
Un mammouth que Broder aura sinon tué comme sur la pochette, pour le moins défié à un océan de distance et rejoint sur son piédestal dans le coeur des trop rares auditeurs à avoir su prêter l’attention qu’ils méritent à ces cinq albums aussi singuliers qu’ambitieux.
(RabbitInYourHeadlights)
Gorillaz - Demon Days
A peine remis de la déception du récent Plastic Beach, concept album désincarné aux chansons submergées par un gloubi-boulga de claviers anachroniques dont seuls Bobby Womack et Mark E. Smith de The Fall seront parvenus à s’extirper avec les honneurs, il fait bon se replonger dans ce Demon Days, sommet d’ambition d’un Damon Albarn qui deux ans après Think Tank laissait libre cours à ses envies mélangeuses pour transformer le projet cartoonesque de Jamie Hewlett en allégorie humaniste mais sans illusion, habitée par l’esprit du Village Green des Kinks et les voix d’une pléidade d’invités triés sur le volet (Shawn Ryder des Happy Mondays, De La Soul, Martina-Topley-Bird, Roots Manuva ou encore l’acteur Dennis Hopper).
Remplacé par un Danger Mouse sachant se faire discret mais particulièrement à l’aise dans ce genre de contrastes électro-acoustiques, c’est paradoxalement avec le départ du producteur Dan The Automator que le songwriting du leader de Blur désormais seul maître à bord s’épanouit chez Gorillaz, mariant synth-pop, envolées acoustiques, orchestrations baroques, groove électro/funk et featurings hip-hop au sein des multiples tiroirs de ces chansons cinématiques tiraillées entre espoir, mélancolie et ténèbres.
(RabbitInYourHeadlights)
Romain Humeau - L’Eternité de l’Instant
Pendant que les membres d’Eiffel se reposaient d’un enchaînement de deux albums studio et tournées de fort belle qualité, l’hyperactif Romain Humeau, lui, ne pouvait que très difficilement s’empêcher de continuer dans la foulée. Et il court vite l’animal ! Enflammé, enragé, possédé, autant d’adjectifs que l’on retrouve dans les titres des compositions de cette escapade solitaire et qui collent parfaitement à la peau d’un rockeur survolté. Et si certains diront probablement que l’homme ne se démarque pas assez du répertoire d’Eiffel, c’est probablement qu’il en est l’âme et l’essence même et qu’il ne pourrait en être autrement. Certaines autres mauvaises langues iraient ainsi jusqu’à affirmer que c’est libéré des contraintes inhérentes au collectif que le génie de Humeau parvient à s’exprimer dans toute sa grandeur. Et ceux-là n’auraient presque pas tort, car force est de constater que cet opus surclasse de loin les créations de la formation bordelaise. Il faut dire qu’au beau milieu des quelques tubes acérés à l’efficacité immédiate on trouve des surprises de taille dont Je M’En Irai Toujours, sorte de rock rappé au final éclaté et L’Eternité de l’Instant, lente progression dans les eaux d’un Noir Désir ressuscité, sont les plus beaux exemples. Et quand on voit à quel prix se vend cet album sur certaines plateformes bien connues, il n’y a plus à hésiter un seul instant (pour l’éternité).
(Pol)
Jack The Ripper- Ladies First
- Jack The Ripper- Ladies First
Il est fort probable que jusqu’à la fin de mes jours, je me poserai la question : qu’a-t-il manqué à Jack The Ripper pour devenir le groupe emblématique qu’il méritait d’être ? Est-ce les nombreuses références, de Nick Cave and The Bad Seeds aux ruelles sombres d’un Londres du 19ème siècle, les cabarets berlinois des années 20 en passant par les peintures de Juarez Machado, qui en ont effrayé plus d’un ? Est-ce un parisianisme certain qui les a cantonnés à ne se faire connaitre que des seuls initiés ? Ou est-ce la faute à un groupe hors du temps, pas soutenu par les bons promoteurs, à moins que tout ça ne soit qu’une simple volonté ?
Qu’importe après tout, car à l’heure où leurs CDs deviennent déjà des pièces de collection, où les souvenirs de leurs prestations live restent gravés dans les mémoires, on se plaît à dire qu’on les a découverts juste à temps, énorme merci à notre incontournable Forum Indie Rock. Chacun des albums du groupe vaut son pesant d’or, ce Ladies First ici couronné en est la preuve.
L’alchimie est parfaite, tellement parfaite que je ne connais personne qui ait su résister aux charmes de ce groupe baroque et rock à la fois. White Men In Black, I Was Born A Cancer, Hungerstrike At The Supermarket sont autant de titres qu’il vous faut écouter avant de mourir. Ainsi soit-il et advienne que pourra, pour ce groupe, pour son histoire, même si on rêve toujours d’un retour au grand complet de la formation.
(caribou)
The New Pornographers - Twin Cinema
Depuis la fin des années 1990, les New Pornographers sont une vraie bouffée d’air frais dans le paysage de l’indie-rock nord-américain. Formation à géométrie variable organisée autour du stakhanoviste Carl Newman, les canadiens, « super-groupe » de l’ombre par excellence forment une réunion de stars indé se réunissant à intervalles réguliers du côté de Vancouver. Pour ceux qui suivent l’affaire depuis longtemps, il faut savoir que l’ami Newman (ex-Superconductor et ex-Zumpano) est coutumier de ce genre de coup d’éclat même si la formation canadienne est de loin la plus réussie et la moins confidentielle du lot.
Car les New Pornographers sont bien plus qu’une simple réunion de talents. Autour de Newman, coordinateur, leader et producteur, on retrouve Dan Bejar aka Destroyer, dont il faut encore une fois souligner le génie de sa pop baroque et bricolée, et la grande Neko Case, dont les disques d’americana hantée auraient également mérité d’être salués ici. Pour faire fonctionner le tout, quelques travailleurs discrets, soit plusieurs other random Canadians pour reprendre les toujours très pertinents mots de Pitchfork, qui assurent avec une grande application les parties instrumentales.
Loin d’avoir le succès qu’elle mérite de ce côté de l’Atlantique, la power-pop sucrée des New Pornographers atteignait son apogée sur cet impeccable Twin Cinema. Bariolée, décalée, la musique produite par la joyeuse troupe n’a rien du trip de super-groupe tant l’homogénéité qui se dégage de l’ensemble rappelle celle d’une formation classique et cela même si les plus beaux coups d’éclat sont signés lorsque les talentueuses individualités de la bande s’expriment pleinement - les magnifiques Streets Of Fire et Broken Beards de Bejar ou l’incroyable crescendo du démentiel The Bleeding Heart Show signé Newman ici appuyé par la voix de Neko Case. Au meilleur de leur forme, les New Pornographers font penser à un Belle And Sebastian période Dear Catastrophe Waitress / The Life Pursuit en plus couillu, à des Decemberists ayant acquis un sens aigu de la dérision ou à des Shins moins naturellement talentueux pour les mélodies ensoleillées mais plus appliqués.
Plus apaisé, Challengers (2007) proposera également son lot de pépites (Challengers, My Right Versus Yours ou l’incroyable Myriad Harbour) à ajouter au tableau de chasse de l’incontestable plan fun de la décennie. Souriez, les New Pornographers reviennent Together en juin avec la participation de Zack Condon de Beirut ou encore Will Sheff d’Okkervil River. Alléluia.
(Casablancas)
Sigur Rós - Takk...
Après s’être attaqué plus frontalement au post-rock avec le célébré ( ) et ses plages élégiaques à dominance instrumentale touchées par une grâce intermittente entre deux passages plus languissants ou empesés, Sigur Rós renoue avec l’espoir et juste ce qu’il fallait de sensibilité pop avec ce quatrième opus porté par le souffle de ses arrangement lumineux et d’un songwriting plus fervent que jamais.
Délaissant régulièrement les nappes de guitares denses et autres élans rythmiques au profit d’un piano dont les accords limpides et désarmants nous emportent au-delà des nuages sur une route pavée de cordes souveraines, de cuivres passionnés et de chœurs célestes (cf. le merveilleux Hoppípolla en vidéo ci-dessous), Takk… ("merci" en islandais) célèbre à sa manière lyrique et généreuse le miracle de l’existence mais sans rien sacrifier de la subtilité ou de la profondeur des atmosphères d’un Ágætis Byrjun ni tomber dans le trop-plein ou la redite, à l’inverse de son décevant successeur Með suð í eyrum við spilum endalaust.
(RabbitInYourHeadlights)
Sleater-Kinney - The Woods
Dix ans se sont écoulés entre le premier LP de Sleater-Kinney et cet ultime album. Dix ans au cours desquels les rockeuses d’Olympia ont gagné leurs galons et même commencé à tutoyer un certain succès, notamment après la parution en 2002 du combatif One Beat. Une décennie, surtout, au cours de laquelle la musique du trio a lentement muté, du punk Riot Grrl au rock musclé illustré par One Beat et ce The Woods, leur unique album paru sur SubPop après des années de fidélité à Kill Rock Stars.
On aurait pu s’attendre, au vu du titre, à un disque sylvestre, mais la pochette donne une indication : les bois en question sont un décor, un trompe-l’œil. Pas question ici de promenades dans la forêt pour faire coucou aux petits écureuils. Poser The Woods (produit par Dave "je ne bosse pas que pour les Flaming Lips" Fridmann) sur la platine, c’est se prendre en pleine figure un son de guitare massif, appuyé par une Janet Weiss qui tape très, très fort.
Dès The Fox, c’est clair : l’ogre Sleater-Kinney a avalé Led Zep et digéré Hendrix. Ne craignant pas de se lancer dans des solos distendus et presque lysergiques, les filles se réapproprient 35 ans de heavy rock avec l’assurance de celles qui n’ont plus rien à prouver.
Si le groupe compte deux chanteuses, on ressort de l’album impressionné par la voix puissante, plus "cantatrice punk-rock" que jamais, de Corin Tucker. À la guitare Carrie Brownstein délaisse parfois les murs de feedback bluesy pour dérouler quelques arpèges, le temps d’un délicieux Modern Girl à l’harmonica mélancolique et au final sali au fuzz.
On pourrait tout citer ; on préfère encore vous laisser avec le colossal single Entertain, qui devrait suffire à vous convaincre que cet album est indispensable : le chant du cygne d’un groupe resté jusqu’au bout fidèle à ses convictions et d’une intransigeante indépendance. Puisqu’on vous dit que la femme est l’avenir de l’homme...
(jediroller)
Sufjan Stevens - Come On Feel The Illinoise
Sufjan Stevens est joueur... Avant Illinoise, il ne cherchait jamais la facilité, ses disques ayant l’habitude de dépasser religieusement les 70 minutes et les 20 pistes. Comment, sur une telle durée, était-il possible de ne pas lasser et d’aligner les morceaux de génie ? Allez, Sufjan, reprends-toi, un peu de sobriété, quatorze morceaux, cinquante minutes, et tu le pondras enfin ce chef-d’œuvre tant attendu. Un discours qu’on ne pouvait que défendre avant la sortie d’ Illinoise.
Mais voilà, en plus d’être joueur, Sufjan Stevens est du genre têtu.... Et pour cet Illinoise, c’est la bagatelle de 22 pistes s’étalant sur 74 minutes que nous propose notre ami natif du Michigan... Alors, on pose le disque sur la platine, un brin déconcerté par une œuvre que l’on imagine encore tantôt géniale, tantôt sans saveur... Et ça démarre sur les chapeaux de roue avec le piano mélodieux de Concerning The UFO Sighting.
Les titres s’enchaînent, le piano s’invite toujours de temps à autre, suppléé par la guitare, les arrangements électroniques et orchestraux ou cette touche d’originalité propre à l’Américain, le banjo, et certains sont déjà des sommets en puissance. On fait ici référence à Chicago, John Wayne Gacy Jr, Jacksonville, Casimir Pulaski Day, They Are Night Zombies ou encore le très touchant The Seer’s Tower. Mais surprise, là où le reste des morceaux pouvait rapidement lasser sur les albums précédents, ici, ce sentiment est absent.
De quoi en faire un chef-d’œuvre ? A vrai dire, non, pas dès la première écoute. Ce serait trop facile ! Mais on ne demande qu’à reposer le disque sur la platine... Et petit à petit, ces morceaux qui semblaient en retrait prennent tout leur sens, dévoilent tout leur charme, et l’album sa formidable cohérence. Comme tout véritable chef-d’œuvre, il faudra un nombre conséquents d’écoutes pour qu’ Illinoise se livre à nous, et faire l’effort d’apprivoiser ce disque pour qu’il nous emmène au septième ciel à chaque écoute.
Non, Sufjan Stevens n’est pas un génie. Des génies, on en rencontre chaque année. Lui est bien plus que cela...
(Elnorton)
Syd Matters - Someday We Will Foresee Obstacles
Fort d’un excellent premier album intime et par la force des choses plutôt minimaliste, Jonathan Morali revient entouré d’un groupe sous lequel se cache désormais la véritable identité de Syd Matters. L’univers cotonneux de notre Parisien barbu se tourne davantage vers le folk, un léger virage qui sera par la suite nettement plus prononcé sur le futur troisième opus, mais qui dans notre cas conserve la juste dose de bidouillages en tous genres qui façonnent notre plaisir permanent à écouter et réécouter les somptueuses compositions de ce fan affirmé de Radiohead. Distillant avec parcimonie les apports de flûtes, cuivres, bribes électroniques et autres inspirations bien trouvées, Jonathan Morali parvient mine de rien par le biais de quelques-uns des plus beaux morceaux entendus sur notre territoire à faire de cet album un prétendant au titre de meilleur album anglophone jamais composé par un artiste français. Cette honorable place occupée au terme de notre référendum témoigne du fort potentiel de ce Someday We Will Foresee Obstacles et devrait encourager tout non-initié amateur de douces mélodies, de psychédélisme contenu et d’atmosphères brumeuses à venir franchir le pas.
(Pol)
The Warlocks - Surgery
Surgery ne ressemble pas tout à fait aux précédents opus des Warlocks, les majestueux Rise And Fall et Phoenix. Certes, toujours les mêmes guitares abrasives, toujours la même rythmique plombée (une basse, deux batteries pour faire bonne mesure), mais aussi, et c’est nouveau, des mélodies presque pop et de curieux accents 50’s (Angels In Heaven, Angels In Hell) derrière l’impressionnant mur du son, les titres sont d’ailleurs bien plus courts, plus directement accessibles et aucun ne fait directement référence à la dope (et ça aussi, c’est plutôt nouveau). Ils apparaissent alors sur ce disque comme les amis américains en marche forcée sous la fournaise californienne des Jesus And Mary Chain.
Ce n’est évidemment pas tout à fait le bonheur pour Bobby Hecksher - mais sera-t-il seulement en mesure d’être heureux un jour ? - et ses acolytes (le splendide Suicide Note en fin d’album), mais on sent bien que sur Surgery le groupe a ouvert les fenêtres et laissé entrer un peu d’air pur dans ses constructions soniques jusqu’ici extrêmement claustrophobes. Les guitares s’enchevêtrent inextricablement et créent des déferlantes de bruit blanc, la basse emmène les compositions plus d’une fois au fond du gouffre et les deux batteries martiales conjuguées aux plaintes de Bobby Hecksher surgissent d’outre-tombe pour poser une atmosphère certes majoritairement inquiétante mais qui peut s’avérer également assez lumineuse sur certains titres (Gypsy Nightmare, Thursday’s Radiation). Les morceaux s’enchaînent rapidement, parfois patraques et lancinants ou au contraire parfaitement véloces au service d’un grand album psychédélique, imposant et prenant.
Deux ans plus tard, les Warlocks sortiront le magnifique Heavy Deavy Skull Lover sur lequel il ne subsistera plus que le noir, intense et absolu, les quelques rayons de soleil qui filtraient encore au travers du canevas de Surgery irrémédiablement chassés. Dès lors, profitez bien des quelques poussières d’optimisme qu’offre par moment ce beau disque torturé.
(leoluce)
Why ? - Elephant Eyelash
En 2003, Why ? publiait Oaklandazulasylum, un premier opus qui attestait du goût inédit jusqu’ici de Yoni Wolf, leader de la formation, pour le monde délicieux de l’orchestration pop, s’éloignant peu à peu des élucubrations hip-hop qui avaient été sa marque de fabrique sur ses disques solo. La formule était ensuite approfondie sur le très beau The Sanddollars EP et semblait bien avoir trouvé son équilibre sur cet Elephant Eyelash. Rétrospectivement, on se dit maintenant que cet équilibre sera plutôt atteint trois années plus tard sur Alopecia. Mais à l’écoute de cet album on sent très bien les possibilités futures qui s’offrent à Why ?.
Ce disque-là apparaît un peu comme le prototype d’ Alopecia. Un brouillon avec toutes ses imperfections et sans doute à ce titre est-il plus touchant que son successeur. Il contient les gemmes de quelque chose en devenir. Il donne à entendre une musique un peu déviante, encore mal assurée, bancale, un mélange inédit entre pop bucolique, folk champêtre et hip-hop urbain. Un disque kaléidoscope aux collages multiples, un disque à tiroirs partagé entre constructions subtiles (Speech Bubbles) et moments légèrement plus grandiloquents (Fall Saddles). A la fois trop hip-hop pour être complètement pop et trop pop pour être complètement hip-hop et finalement trop attiré par la campagne pour se contenter de n’être qu’urbain. Ce disque, c’est tout le paradoxe d’une fleur qui pousse au milieu de l’asphalte d’une cour de récréation. Les sommets sont nombreux : Crushed Bones en ouverture qui donne l’impression de la juxtaposition d’une multitude de morceaux en un seul, les mélodies imparables de The Hoofs, Rubber Traits, Sanddollars ou Gemini (Birthday Song), le côté aérien de Yo Yo Bye Bye et Waterfalls et puis... et encore... et l’on se rend compte finalement que l’on pourrait citer comme ça pratiquement tous les morceaux.
Elephant Eyelash, c’est donc une foule d’idées à chaque seconde, une véritable fourmilière fragile et touchante qui mérite à ce titre toute sa place au sein de ce bilan de la décennie.
(leoluce)
Andrew Bird sur IRM - Site Officiel - Myspace
Syd Matters sur IRM - Site Officiel - Myspace
The New Pornographers sur IRM - Site Officiel - Myspace
Jack The Ripper sur IRM - Site Officiel - Myspace
Sufjan Stevens sur IRM - Site Officiel - Bandcamp
Celebration sur IRM - Site Officiel - Myspace
Romain Humeau sur IRM - Site Officiel
Sigur Rós sur IRM - Site Officiel - Myspace
Sleater-Kinney sur IRM - Site Officiel - Myspace
Elysian Fields sur IRM - Site Officiel - Myspace
The Decemberists sur IRM - Site Officiel - Myspace
Gorillaz sur IRM - Site Officiel - Myspace
Why ? sur IRM - Myspace
65daysofstatic sur IRM - Myspace - Site Officiel
Dälek sur IRM - Site Officiel - Myspace
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