Jacek Doroszenko est un artiste complet, si bien qu’il n’envisage pas les textures sonores dont il est l’auteur sans un support visuel qu’il se charge lui-même de réaliser. Les atmosphères musicales, essentiellement bâties à partir de field recordings, répondent alors aux images dans une ambiance aussi mystique que délicate.

C’est néanmoins l’aspect le plus déstructuré qui émerge dans un premier temps sur Wide Grey, première réalisation du Polonais pour Eilean Rec. avec un sentiment d’apocalypse cosmique qui règne sur l’ambient menaçante d’un Iðavöllr dont les percussions syncopées renforcent le sentiment d’épouvante.

La fatalité ne constitue néanmoins pas la thématique principale de cette sixième sortie du musicien actif depuis 2011 et passé par des labels tels que Zoharum ou Audiobulb. Malgré quelques nappes soufflées en arrière-plan attribuant un caractère granuleux à l’ensemble, les parties au piano de Stream ou celles, plus claires encore car dénuées de soutien, de Be Right Back, convoquent une mélancolie gracieuse rappelant les variations minimalistes de Library Tapes.

Les field recordings oppressants ne restent néanmoins jamais trop longtemps à l’écart et Ålvik les ressuscite, entre cris d’oiseaux et ambiance industrielle, pour ce qui constitue l’un des sommets les plus poignants de ce disque dont les neuf morceaux ont été composés et enregistrés lors de résidences de l’artiste en Norvège et en Grèce. Et si le Polonais ne considère pas nécessairement ses compositions sonores viables sans le soutien des visuels sur lesquels il travaille, les expérimentations de Wide Grey sont suffisamment solides pour justifier une écoute indépendante. L’auditeur se chargera d’imaginer les animations visuelles qui pourraient sublimer ces nappes mélanco-dramatiques.