The Eye of Time + Ubaldo + Miles Oliver + Marc Standers - L’International (Paris)
le 8/12/2018
Un line-up mélangeur et aventureux, emmené par l’excellent The Eye of Time, pour braver la marée jaune
C’était samedi dernier dans la petite salle de concert en sous-sol de L’International. Les gilets jaunes n’avaient facilité la tâche à personne, lignes de métro bloquées, RER supprimés, j’arrive avec plus d’une heure de retard après un vrai parcours du combattant, heureusement Marc Standers vient à peine de commencer son set. Une nouvelle configuration en trio guitare/violoncelle/batterie qui ne lisse en rien la folk rêche et tourmentée des Parisiens, voix rauque et arrangements discrets soutenant la guitare sans l’enjoliver, c’est très chouette, avec un côté presque post-rock sur certains titres, on attend donc la suite sur disque après un Second(e)side prometteur l’an passé.
Puis vient Miles Oliver que je vois jouer pour la deuxième fois en quelques semaines après une excellente première partie pour Scout Niblett au Petit Bain. On retrouve donc dans une ambiance plus intimiste, face à une trentaine de spectateurs, les déjà classiques Nothing To Hide, Saturdaze, Spaceship ou encore Synth Mary - au clavier comme son nom l’indique - issus de son nouvel album Color Me sorti chez Atypeek Music le mois dernier.
Des histoires d’asocial qui rencontre l’amour et de marin perdu en mer (Are You Living Far ? et Seaside Report, du précédent opus I Miss Boredom) qui sonnent très personnelles, l’alternance des guitares électrique/acoustique et clavier, ballades introspectives et miniatures folk-rock plus intenses et rugueuses, et puis toujours cette belle voix grave dont la scansion qui m’évoque un Brian Molko sobre du temps où Placebo faisait partie de mes groupes de chevet (la comparaison s’arrête là bien évidemment, surtout qu’aujourd’hui, Placebo, hein... bon).
Ensuite, Ubaldo, espagnol en tournée par chez nous et auteur du récent Martinique Imaginaire au drone doux et dépaysant, s’installe à même le sol dans la pénombre du milieu de la salle, pédales au sol entourées de bougies qu’il allume tout en commençant à jouer, pour un set d’ambient à guitare minimaliste et onirique qui passe parfois difficilement du fait des saturations de la sono mais s’avère joliment métamorphe et déstructuré. Malheureusement, la performance est un peu gâchée à mi-parcours par l’un de ces clichés ambulants qui arpentent - en petit nombre, merci mon dieu - la plupart des concerts parisiens, un abruti fini qui choisit de s’installer à 50 centimètres d’Ubaldo pour bavarder dans le plus grand mépris de l’artiste et des spectateurs. Ce dernier l’interpelle un peu sèchement, l’intéressé lui répond très agressivement en anglais de faire son job, qu’il a payé sa place et que ça lui donne tous les droits, en gros, y compris celui de gâcher le spectacle au reste de l’audience visiblement. Le nabot finit quand même par fermer son clapet, ça aboie mais ça a peur de se faire griffer ces petites choses-là. Bref, tout est bien qui finit bien dans le petit monde des snobinards prétentieux de Paname.
Surtout que parallèlement, sur la scène pour gagner du temps, The Eye of Time prépare son matos, machines, violoncelle, guitare, et le concert que j’attendais démarre enfin, sur l’une de ces élégies cinématographiques dont le Caennais de l’écurie Denovali a le secret (Mass, extrait de Myth I : A last dance for the things we love) avant d’enchainer sur le post-rock tribal de l’épique Dreams are dead, but will be reborn with grounds, stones and ancient spells tiré du même album, et la dramaturgie gothique de To Rise Through Our Tears (du petit dernier Myth II : A Need to Survive qui a vu le jour cet été, toujours sur le label allemand).
Deux longs titres sur lesquels Marc Euvrie, également bassiste du combo hardcore Mort Mort Mort (anciennement Aussitôt Mort), joue de son pédalier magique pour empiler les boucles, beats, lamentations des cordes, trémolos de guitare et pianotages déliquescents au clavier. En fond de scène, des images en noir et blanc de bateau perdu en mer, de mineurs, de travailleurs d’usines, évoquent autant le poids d’existences malmenées que la fatalité. C’est superbe, hybride, charriant comme sur album une atmosphère de fin des temps, et la conclusion sur After Us / What am I less ? What took the road ?, l’un des sommets du premier album homonyme, voit culminer comme sur sillons ces tourments orchestrés au son d’un sample du Prélude en Mi mineur de Chopin au piano, avec en prime un crescendo de violoncelle à coller le frisson. Un grand moment en somme !
Comme à l’accoutumée, quelques photos supplémentaires de cette bien jolie soirée :
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