Okinawa Electric Girl Saya - Chastity

La prochaine Pharmakon ou Puce Mary serait-elle une ex pop star japonaise désillusionnée de 18 ans ?

1. Intro
2. 破壊セヨ!(Poet pt.1)
3. Red Noise
4. The Corner Of Hell
5. Vacuum
6. 空 (Poet pt.2)
7. Love Machine (feat. CRZKNY)
8. Black Rain
9. O.K.N.W (feat. 食品まつり a.k.a Foodman)
10. Saya Goes To The City
11. Bad Blood (feat. KENASON JAHSON)
12. 陽炎 Heat Haze
13. NEWS (feat. araki takara)
14. Dead Love Machine
15. てぃんさぐぬ花 (feat. soejima takuma)
16. 午後の憂鬱
17. Catastrophe

date de sortie : 15-05-2019 Label : Terminal Explosion

Ancienne "idol" du trio Tincy, projet marketé de l’île d’Okinawa au succès limité mais déjà bien barré, capable de l’électro-pop la plus racoleuse comme d’hommages décalés à John Cage (cette version filmée sur une plage venteuse du fameux 4’33 - dont la seule musique vient du bruit de l’audience ou de l’environnement, les instruments restant muets - préfigurant d’ailleurs le virage qui nous occupe ici), Okinawa Electric Girl Saya est réapparue en solo l’an dernier avec une poignée de sorties cassettes et CD-R (ce premier EP plein de grouillements et d’interférences notamment, paru sur un obscur label indonésien, Gerpfast, qui dans le genre nippon bruyant s’avère plutôt intéressant) et de vidéos live surprenantes, entre pop vocale, électro bruitiste, poésie, harsh noise et piano, instrument récurrent depuis le court format sus-mentionné avec son clin d’œil final à Satie.

Exit cependant les mélodies et autres psalmodies sur l’EP Mayhem que l’on vous dévoilait le mois dernier sur les réseaux, mais qui pêchait encore par quelques excès de grandiloquence et, entre deux tranches d’abrasion syncopée, un Promenade tech-house aux beats bling-bling et arrangements datés. Depuis, la jeune Japonaise à peine majeure a encore gagné en maturité et tandis que le 3-titres Sleep in the Desert lâché ces jours-ci rend hommage à Burroughs à grand renfort de cut-up, de prose onirique et d’abstractions gothiques, ce Chastity aussi cohérent que copieux impressionne autant par sa brutalité que par l’intelligence de sa construction, tempérant la véhémence de ses saillies harsh noise, électro indus ou power electronics par des incursions déclamées dans un silence pesant (Poet pt.1 et 2), un soupçon de piano atonal (l’intro de Black Rain) ou d’électronica alien toute en percus et nappes vocales à la Sabiwa (O.K.N.W), un peu de techno mais sombre et belliqueuse cette fois (Saya Goes To The City) ou même du jazz asiatisant piano/électronique, réminiscent de l’univers de Carnet de Voyage, sur le mélancolique てぃんさぐぬ花.


A l’annonce de sa sortie, on imaginait déjà derrière le titre de ce premier long format tout un univers de frustration inhérent au monde lycéen que Saya vient certainement tout juste de quitter, et si ce sentiment domine effectivement sur des titres dignes de l’extrémisme sonique d’un Crowhurst des débuts (du cataclysmique Red Noise aux deux courtes tempêtes finales en passant l’infernal Vacuum), l’état d’esprit de la musicienne et sa gourmandise mélangeuse s’avèrent bien plus complexes et subtils qu’il en serait d’une petite cousine caractérielle de Merzbow, et flirte plutôt avec le mal-être plus métissé de l’Australienne Uboa, tantôt post-indus (The Corner Of Hell, Bad Blood, Dead Love Machine), tantôt digital et déstructuré (l’énorme Love Machine, ou un NEWS au break piano/gémissements encore plus malaisant que les déluges cathartiques de stridences et larsens analogiques qui l’encadrent).

Quant à 陽炎 Heat Haze, il n’aurait pas dépareillé chez Ohm Resistance et à peine surpris (par son tempo légèrement plus marqué peut-être ?) de la part d’un Scorn avec ses beats rouleaux-compresseurs surplombés d’arrangements dystopiques et de pianotages perdus dans le néant : sans doute le plus beau signe avant-coureur d’une inspiration sans limite dont on a déjà hâte de découvrir les prochaines transgressions soniques.



Chroniques - 23.05.2019 par RabbitInYourHeadlights
 


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