Lingua Ignota + Shantidas - Espace B (Paris)
le 19/10/2019
Concerts cathartiques et coeurs suppliciés dans la crypte de l’Espace B
Magnifique soirée samedi dernier dans un Espace B sold out, quelques 150 personnes venues souffrir et reprendre espoir avec Lingua Ignota. En première partie, après les platines saupoudrées de bris de de verre de la Cantine de Belleville l’an dernier, Shantidas nous présente son fameux set "Requiem pour un caddie" avec charriot de supermarché sonorisé.
Sapé comme un survivant de l’apocalypse façon New York 1997, il use de tout un tas d’objets, de la barre de fer au cric en passant par le cran d’arrêt, pour maltraiter le caddie de récupération, symbole évident d’un consumérisme galopant auquel le musicien d’Aluk Todolo va jusqu’à s’enchaîner, affrontant la bête à bras le corps au gré d’un soundtrack dystopique de drones et de percussions métalliques accompagné de gerbes de fumée...
... pour finalement la terrasser, la piétiner et la laisser mourir dans un râle : l’humain a repris ses droits, et nous, passés les petits problèmes techniques du début de set, on en a pris plein les tympans dans une atmosphère irradiée des plus magnétiques.
A peine le Français a-t-il quitté la scène que l’Américaine s’attelle à la bâcher, ainsi que la table sur laquelle se trouve notamment un clavier, en lieu et place du piano dont on aurait tant aimé la voir jouer.
Qu’importe, et tant pis si le set manquait de contraste et de bruit au goût de certains, l’auteure de l’habité Caligula sorti cet été chez Profound Lore privilégiant clairement l’ambiance plombée et recueillie d’un requiem pour sa candeur bafouée...
... car à condition d’être tout devant et de pouvoir lire une heure durant sur le visage de Kristin Hayter le même désespoir, la même colère et la même frustration que les autres durent se contenter d’entendre dans sa voix, ce fut l’un des concerts les plus intenses de cette année.
Derrière son rideau de plastique ou campée sur la table branlante de l’Espace B, griffant le faux-plafond telle une bête prise au piège ou traversant le public dense qui lui fait une haie d’honneur, Lingua Ignota habite l’espace et les cœurs.
Du murmure blessé à la puissance d’un opéra de violence et de sang en passant par la rage cathartique, les pleurs, les hurlements, la gamme vocale de l’Américaine encore plus que sur disque m’aura laissé sans voix, suspendu à la sienne jusqu’à l’enchaînement Fucking Deathdealer / If The Poison Won’t Take You My Dogs Will / Butcher of the World menant tel un medley de cathédrale jusqu’au final I Am the Beast et son fameux "All i know is violence... all i want i boundless love" répété avec la solennité d’une liturgie et dont on sait qu’il clora forcément le concert, même si le faux espoir d’un rappel nous aura fait battre le palpitant quelques instants.
La soirée se prolonge au bar et sur le trottoir de la rue Barbanègre, à croire que personne n’a vraiment envie de sortir du concert pour de bon après tant de frissons. Quelques photos supplémentaires pour tenter d’en figer les maux, voués on l’espère à s’évanouir... les souvenirs, eux, devraient rester ardents :
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