Low - HEY WHAT

1. White Horses
2. I Can Wait
3. All Night
4. Disappearing
5. Hey
6. Days Like These Voir la vidéo Low - Days Like These
7. There’s a Comma After Still
8. Don’t Walk Away
9. More
10. The Price You Pay (It Must Be Wearing Off)

2021 - Sub Pop

Sortie le : 10 septembre 2021

Hey (Low,) what (the fuck ?)

Ceux qui nous lisent savent bien qu’une critique négative à IRM c’est aussi rare qu’un dahu dans les montagnes du Jura : d’une, en général ça ne sert à rien d’autre qu’à faire du clic, de deux, on n’a déjà pas le loisir de vous parler de tous les chefs-d’œuvre qui sortent chaque mois alors perdre du temps à descendre un album, non merci. Mais voilà, parfois, rarement mais ça arrive, il faut bien contrebalancer un peu le conformisme ambiant, surtout quand il s’insinue dans des musiques sincères qui gagnent paradoxalement leurs lauriers dans la presse en perdant cette sincérité, et bien châtier les artistes qu’on a choyés. Car au-delà du naturel des mélodies vocales égales à eux-mêmes, Low, depuis deux disques, ce sont des chansons pas très inspirées auxquelles une production dans l’ère du temps sert de cache-misère, celle du tâcheron mainstream BJ Burton (Taylor Swift, Bon Iver) dont il serait bien naïf de penser que le désormais duo de Duluth l’a rappelé pour une deuxième fournée sans arrière-pensée, ou parce qu’il leur aurait permis de trouver un son "personnel", non-sens absolu cher aux pigistes des magazines branchés tout fiers d’avoir l’impression de chroniquer là du "rock expérimental".

Le fait est qu’on ne s’associe pas à un tel producteur par hasard, et si Double Negative, globalement meilleur et davantage dans l’atmosphère sans être réussi pour autant, pouvait encore donner l’impression d’un groupe essayant "autre chose" - à savoir le genre de pseudo minimalisme aux contrastes emphatiques, ici saccagé aux distos clippées et à la compression sidechain, qui fait son chemin depuis une bonne dizaine d’années dans les coeurs des hipsters en leur donnant probablement l’impression d’écouter quelque chose de "fat" et singulier faute de savoir faire la différence entre grandiloquence hyper-compressée et ampleur -, la répétition de cette même formule quasi à l’identique trois ans après, une première pour le groupe, ne laisse plus vraiment d’équivoque quant à ses intentions. On ne jette pas la pierre à Low pour autant, attention : c’est humain après 25 ans d’une carrière indé impeccable n’ayant jamais vraiment déchaîné les passions au-delà d’un gros noyau de fans, de saisir lorsqu’elle se présente l’occasion de briller auprès d’un public plus large, au risque de tomber dans la recette et dans l’artificialité, et c’est toujours plus respectable de le faire de cette manière-là, en flirtant avec des choses un peu "extrêmes" même si c’est un extrême quelque part assez "racoleur" et dans l’ère du temps qu’en essayant de devenir un groupe de stade du jour au lendemain avec des tubes convenus à la Bono, comme Shearwater par exemple. Malgré tout, ça n’est pas nouveau et des tas de musiciens respectables y ont perdu en intérêt ce qu’ils ont gagné en exposition, en ventes et en papiers dithyrambiques dans les magazines putàclic, de James Blake à Tim Hecker en passant par Six Organs of Admittance dont le récent Companion Rises a emboîté le pas à Low avec davantage de mesure mais tout aussi peu de réussite.

Sans surprise donc, après une promo qui cochait toutes les cases, du clip LGBT+ slash anti-grossophobie accompagnant le single Days Like These et ses très moches saturations heurtées virant au dreamy hédoniste jusqu’aux posts vidéo de fermiers véganes sur Insta, on retrouve avec Hey What tout ce qui nous avait déplu sur l’opus précédent, et le même emballement disproportionné des néo-fans qui crient à l’album de la décennie en 2021 sans avoir jamais écouté aucun disque du groupe avant Ones and Sixes. Un son poussif donc et des structures figées (More) ou évoluant vaguement dans un gloubi-boulga de distos mp3 (All Night), des mariages de voix réussis comme à accoutumée (ni plus, ni moins) mais dont le mixage contraste bien trop artificiellement avec les suramplifications et sursaturations "in your face" d’instrus bien trop digitalement post-produits jusqu’à la nausée pour demeurer organiques ou même simplement naturels, et surtout des chansons très banales pour le groupe, qui jouées en acoustique comme récemment sur Instagram tiennent debout sans impressionner, niveau The Invisible Way on va dire, quand elles n’aguichent pas ouvertement les amateurs de pitchs FM sous leurs faux-airs singuliers (Hey, Don’t Walk Away). Comme avec le précédent, on arrive à tirer en étant indulgent une ou deux chansons potables du lot, ici I Can Wait dont les pulsations sourdes d’abord assez lourdingues s’éclaircissent joliment pour laisser de l’espace au chant, donnant enfin un peu de sens au processus, ou un Disappearing dont la sobriété se fait plus atmosphérique, presque sismique, dans un mixage enfin pleinement viscéral avec les voix.

Autant dire que ce fantasme collectif selon lequel Low aurait atteint ici le faîte d’une carrière pourtant émaillée de véritables tubes organiques et vibrants tels qu’Immune (Secret Name), That’s How You Sing Amazing Grace (Trust), Sunflower (Things We Lost in the Fire), Try to Sleep (C’mon), Monkey (The Great Destroyer) ou Lullaby (I Could Live in Hope) avec son crescendo magnifié en concert, donne autant envie de sourire que d’essuyer une larme, tant la sempiternelle illusion d’universalité qui a toujours servi d’excuse aux tendances conformistes de la presse musicale apparaît aujourd’hui nivelée par le bas : plus c’est vain, fabriqué, ostentatoire (cf. le final ultra-grandiloquent The Price You Pay) et globalement raté et plus on s’extasie, comme en témoignait déjà il y a 14 ans l’indifférence générale dont fit l’objet le très beau Drums and Guns aux expérimentations infiniment plus subtiles et personnelles.


( RabbitInYourHeadlights )



Disques - 22.06.2021 par RabbitInYourHeadlights
 


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