Jehst, que l’on a vu traîner ici et là chez Tom Caruana, Cult of the Damned, Jam Baxter, Ocean Wisdom ou encore Strange_U (tout le rap british qu’on adore en somme, entre boom bap enfumé et futurisme du caveau), est un pilier du hip-hop d’outre-Manche depuis près d’un quart de siècle, notamment par le biais de son label YNR Productions. 8e long format en 20 ans, Mork Calling Orson ne lui donnera sans doute pas davantage de visibilité chez nous mais entérine quoi qu’il en soit un talent singulier de storyteller aux références imagées et de producteur contrasté, capable de passer d’un downtempo au sampling mélancolique (Cornerstone) et aux sonorités jazzy (You, avec Lee Scott des sus-nommés Cult of the Damned, parrain de cette scène dont le succès outre-Manche s’est peu à peu imposé dans les franges d’un rap plus commercial grâce au label Blah Records de ce dernier, et bien sûr à la locomotive High Focus) à des choses plus 90s et gritty à l’Américaine (Footsteps) voire même un peu G-Funk aux entournures (Wild Herb).

Du minimalisme spacieux de Lonely World, pas si loin d’un Strangelove avec son épure presque ambient, aux nettement plus denses et tout aussi planants Doctor et Daily Planet dont les samples et synthés épousent la dynamique en flux tendu du flow de l’Anglais, l’album finit par embrayer sur un maximaliste inattendu, qu’il s’agisse de Flight To L.A. et de son lyrisme très prog-pop 70s à la Chicago ou 10cc, du bucolique Autumn Nights aux arrangements luxuriants ou du soulful One Horse Town avec son chant choral... d’autant plus surprenant que cette esthétique s’avère plutôt à rebours de celle des compères sus-mentionnés, adeptes de la plus grande économie de moyens. À la production sur 4 titres, Jehst lui-même touche un peu à tout, un appétit et un élan de liberté qui finissent par donner son charme à l’album, le liant du timbre du MC et d’une certaine qualité aérienne de l’ensemble faisant le reste. Très chouette disque.