Collection d’Arnell-Andréa - Exposition Eaux-Fortes et Méandres

Quand un des ténors de la musique sombre française revient, et pas pour rigoler...

1. Les sombres plis de l’âme
2. The monk on the shore
3. Les herbes mortes
4. Les méandres
5. The long shadow
6. I can’t see your face
7. Les catacombes
8. Into flowers
9. Crowns of golden corn
10. L’eau des Mauves
11. The island of the dead

date de sortie : 28-02-2007 Label : Prikosnovénie

La pochette grise prévient : on ne va pas rigoler. Ce n’est d’ailleurs pas vraiment qu’on s’attendait à piquer des fous-rires, non plus, parce que Collection d’Arnell-Andréa n’est pas un groupe réputé pour sa clownerie. Depuis bientôt vingt ans, ce groupe unique nous envoie régulièrement des opus sulfureux depuis les bords de la Loire. Car Collection est un groupe que 4AD n’aurait pas renié au temps des glorieux Cocteau Twins (comparaison facile s’il en est) ou des Cranes (plus évident sur leurs titres en anglais) : voix d’ange, compositions lourdes à base de cordes (violoncelles et consors), percussions martiales et métalliques, et même, depuis leur chef-d’oeuvre, l’inoubliable Villers-aux-Vents 1916 en 1993, d’adroites nappes de distorsions guitaristiques sorties tout droit d’un cauchemar noisy.

Mais justement, alors, pourquoi attendre 14 ans avant de reparler d’eux ? Non pas qu’ils aient disparu, mais on retrouve bien avec ce nouvel album tout ce qui faisait la beauté sulfureuse de leur disque-concept sur Verdun. Un thème omniprésent, une trame à suivre et surtout des compositions inoubliables.

Depuis ce fabuleux disque, les tentatives de variantes n’avaient pas manqué : rock plus dur et plus de guitares sur les Cirses des Champs de 1996, album consacré aux fleurs, dont le thème d’apparence léger contrastait avec une musique plus lourde mais paradoxalement plus monotone, on touchait à nouveau au sublime avec Tristesse des Mânes en 2002, après une longue absence, mais sur un mode qui a laissé beaucoup d’amateurs de pop music derrière eux, car il s’agissait d’un disque de musique de chambre (formation classique et acoustique) dont la forme faisait echo aux compositeurs de musique classique française du début du XXème, puis un disque noir en 2004, The Bower of Despair dont le modernisme évident et le retour à une formule electro/rock ne laissait pas oublier ses faiblesses, dont la principale était une composition en anglais, nous laissant sur notre faim quant aux magnifiques textes de Jean-Christophe d’Arnell, et aussi un manque de cohésion et de thème (en dehors du désespoir, mais c’est un peu vague) surprenant pour un groupe à l’iconographie si riche...

Sur Exposition , le groupe retrouve une construction entamée avec Villers-aux-Vents , les textes en français et en anglais se répondent, la part noisy revient avec ses grosses guitares (The Monk on the Shore) mais mélangée avec brio avec les parties de cordes (Les Herbes Mortes, sublime) et le chant de Chloé St-Liphard sublimé comme jamais (The Long Shadow). Les nappes synthétiques s’intègrent au tout avec une modernité qu’on ne leur connaissait que peu jusqu’à présent, reprenant ainsi les passages les plus réussis du précédent album, les lignes de basse obsédantes de Franz Torrès-Quévédo qui avaient fait la splendeur des plus beaux titres du groupe réouvrent le bal (Les Méandres) , les choeurs mixtes et menaçants découverts avec Tristesse des Mânes reviennent, la magie est bel et bien présente... Into flowers est d’ailleurs une réminiscence, un clin d’oeil si parfait au dique sur Verdun qu’on se dit à son écoute que tous les éléments, même plus, sont à nouveaux réunis. Quant à la pop à guitares étrangement décalée de Crowns of Golden Corn, seule son écoute saura décrire son atmosphère vénéneuse aux violons brise-coeur et à l’orchestration parfaite. Bref, vous l’aurez compris, de l’ouverture grandiose au final sombre avec L’eau des mauves et The island of the dead, le voyage est magnifique.

Alors, cette fois-ci, me direz-vous, quel est le thème ? Parce qu’il n’y a pas d’album de CDAA sans thème... On est cette fois face à une exposition. Le groupe a choisi onze tableaux pour la plupart du XIXème aux tons pâles et grisâtres pour en tirer des atmosphères musicales. Et le voyage est riche et érudit : Daubigny, Friedrich, Pissaro, Boutin, Tischbein, Hughes, Mecheriki, Millet, Breton, Millais, Bocklin, la liste de ces oeuvres est ici. On le voit, donc, le groupe reste dans les eaux troubles qui ont toujours conduit leur oeuvre : XIXème, début XXème, mélancolie et tons grisâtres.

Et le résultat est, comme toujours, émouvant et splendide. Il y a dans ce disque assez d’idées pour alimenter 200 groupes gothiques en devenir, voire pour les décourager, assez de beauté pour devenir un objet de vénération, assez d’énergie pour tourner en boucle sans déprimer. Le sticker qui orne le CD évoque un mélange inédit entre Cocteau Twins et Nine Inch Nails, même si on pense plus souvent aux premiers et plutôt aux seconds pour certaines textures sonores (I can’t see your face est diablement reznorien, tout de même, et peut donner des leçons à la plupart des groupes de jeunes corbeaux...), la comparaison est (pour une fois) assez heureuse. Autant de noirceur que dans les seconds, autant de lumière que dans les premiers...

Il est rare pour un groupe de taper plusieurs fois dans le mille à de longues années de distance, mais sur le coup, avec CDAA, on en est au troisième disque majeur en vingt ans, après Un automne à Loroy qui les avait fait découvrir de façon invraisemblablement mûre et réflechie dès le premier opus en 1989 et Villers-aux-Vents 1916 en 1993 qui restera un des disques les plus glaciaux et vénéneux et par le thème, et par la musique et par la symbiose parfaite entre les deux, cette Exposition en onze tableaux bien différents et tous réussis, pourrait bien être le troisième coup fatal porté à nos oreilles et à notre âme par le combo atypique de Gien.

Chroniques - 27.04.2007 par lloyd_cf
 


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Collection d'Arnell-Andréa

Dans un style mariant néoclassique influencé par les compositeurs du début du XXème et rock, un album sombre, mélancolique et sans concessions mariant violoncelle, claviers, guitares et la voix angélique de Chloé St Liphard.