Dans les hautes cîmes des Pays-Bas avec Parkside

"La Hollande, l’autre pays du fromage." Vous vous souvenez peut-être de cette accroche que matraquait l’industrie crémière via nos petits écrans dans les années 90 pour tenter de nous vendre gouda, maasdam et autres produits d’affinage aux couleurs étranges.

Loin de nous l’idée, à Indie Rock Mag, de vouloir vous vendre quoi que ce soit, mais ne vous étonnez pas trop de lire ici et là, dans un proche avenir, que la Hollande est l’autre pays du rock indé. En effet, après Alamo Race Track et leur petite histoire du rock américain revue et corrigée en 2006, c’est au tour de Parkside d’affoler nos senseurs depuis près de deux ans déjà avec ses allures de pop belge fiévreuse et alambiquée, de rock anglais schizophrène et d’électro allemande.

La scène belge, la schizophrénie, la création, la communication, la liberté... autant de sujets sur lesquels revient pour nous en exclusivité le songwriter, chanteur et guitariste René de Wilde, deux mois après la sortie d’un Cables (lire notre chronique) qui devrait pour le moins assurer au groupe un début de reconnaissance méritée en cette luxuriante année 2008.

Indie Rock Mag : Qui fait quoi dans Parkside ? Y a-t-il des responsabilités prédéfinies pour chacun d’entre vous ?

René de Wilde : En ce qui concerne les instruments, vous pouvez trouver ça dans les crédits du disque. Mais je pense que votre question est plus générale...

Indie Rock Mag : Oui tout à fait...

René de Wilde : Nous n’avons pas de responsabilités prédéfinies. Chacun peut faire ce qu’il veut. Mais il existe quelques différences dans la façon dont nous concevons la musique. Bram et Rob sont davantage centrés sur le son et les ambiances. Bram est plutôt intéressé par la programmation rythmique, créer ses propres sons... Je suis plus axé sur l’écriture et la construction des morceaux. Nos chansons sont une combinaison de ces éléments.

Indie Rock Mag : Dès les premières notes de The Disintegration Service en ouverture de votre nouvel album Cables, on pense à The Notwist, puis à dEUS, mais au bout de quelques secondes on est perdu, à chaque fois qu’on croit reconnaître une influence elle s’efface. Votre musique est kaléidoscopique, on a du mal à cerner toutes ses facettes. Si vous deviez vous-même nous décrire l’univers de Parkside en quelques mots, quels seraient-ils ?

René de Wilde : C’est une question très difficile. Deux mots me viennent à l’esprit : complexe et sensible. Oh, et puis l’imagination, les rêves, l’amour, la tristesse, le bonheur et le plaisir. Ha ! C’est une question difficile…

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Bram van den Oever

Indie Rock Mag : On perçoit tout de même dans vos morceaux un certain nombre d’influences très variées, que vous n’hésitez d’ailleurs pas à revendiquer (je pense notamment à Radiohead ou aux Flaming Lips), mais elles ne prennent jamais le pas sur la singularité de vos chansons. Est-ce difficile d’être un grand amateur de musique quand on en fait soi-même ? Quand on vous compare à de tels artistes, est-ce pour vous un compliment ?

René de Wilde : Lorsque nous sommes comparés à des groupes que nous apprécions, c’est sûr que ça n’est pas désagréable ! Et il n’est pas difficile du tout d’être un grand amateur de musique et de faire de la musique soi-même. Nous faisons de la musique parce que nous l’aimons !
En tant que musicien, je pense que vous êtes toujours (consciemment ou inconsciemment) influencé par tout ce que vous entendez. Mais la musique que nous faisons est la résultante de ce que nous sommes en tant qu’individus et de nos expériences personnelles. Nous ne voulons pas sonner comme tel ou tel autre groupe. Nous nous contentons de créer et de laisser les choses se passer. Pas de frontières ou de limites.

Indie Rock Mag : A l’écoute de Cables, on pense à dEUS donc, mais aussi à Zita Swoon et plus généralement la scène belge qui a suivi. Ressentez-vous des affinités avec cette scène ? Y a-t-il, de même, une véritable "scène" indépendante hollandaise, vous sentez-vous proches, dans l’esprit, d’un groupe comme Alamo Race Track par exemple ? Et si oui pensez-vous que cette scène puisse suivre le même chemin que son homologue belge et parvenir à s’imposer en Europe ?

René de Wilde : Nous aimons beaucoup la scène belge, pour la qualité de la musique qu’elle produit. Mais, personnellement, je n’ai d’affinités avec aucune scène. Il y a quelques groupes et artistes que j’aime beaucoup. Mais ils viennent de genres et de lieux totalement différents. Je ne crois pas aux « scènes ». Elles sont éphémères et je pense que c’est une notion trop réductrice. Toutefois, je pense que nous pouvons passer du bon temps avec des groupes que l’on apprécie.
En ce qui concerne une scène néerlandaise, je n’en vois pas. Mais je suis tout à fait certain que beaucoup d’autres musiciens aux Pays-Bas en voient une et qu’ils vous répondraient de façon complètement différente.

Indie Rock Mag : Bien qu’étant capables de la plus grande évidence mélodique, vos morceaux sont également complexes et tortueux. Diriez-vous de votre musique qu’elle est plutôt réfléchie ou instinctive ?

René de Wilde : Les premières idées que nous avons pour nos chansons sont toujours instinctives. Mais en les retravaillant, je pense que Cables est devenu tout aussi réfléchi qu’instinctif étant donné que nous avons passé beaucoup de temps sur cet album (environ 4 ans).
Le travail s’est surtout porté sur le son, et pas sur la complexité des mélodies ou la construction des morceaux qui sont des choses plus instinctives.
Nous travaillons actuellement sur un tas de nouvelles chansons, et nous essayons de les terminer plus rapidement, nous ne voulons pas traîner aussi longtemps qu’avant avec les mêmes morceaux. It feels good and fresh !

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René de Wilde

Indie Rock Mag : La schizophrénie semble être une constante importante aussi bien dans les paroles de vos chansons que dans la construction, particulièrement instable et changeante, de vos morceaux. De fait, si la mélancolie prédomine sur la plupart d’entre eux, des accès de rage peuvent survenir à tout moment comme sur A Million Scientists. Cela reflète-t-il votre personnalité ? Est-ce lié à votre façon de ressentir les choses autour de vous, à votre état d’esprit au moment où vous avez écrit ou enregistré Cables ?

René de Wilde : Exactement. La façon dont vous le dites est très juste, nous écrivons les choses telles que nous les ressentons à ce moment précis. Nos morceaux sont un reflet de la période où nous avons enregistré l’album, entre 2003 et 2007. Dans notre vie, il y a eu des hauts et des bas très marqués.
Instable ? Oui, tout à fait. Notre musique ne fait que nous refléter en tant que personnes. Nous ne pouvons pas chanter des choses qui ne nous sont pas proches. Je vois plusieurs changements en fait. Nous sommes un peu plus vieux maintenant et aussi bien Bram que moi-même sommes plus heureux et stables ces derniers temps (Rob a toujours été le type le plus stable, c’est sa façon d’être en tout cas). Le plaisir de créer, et la vie en général, sont de plus en plus présents dans notre musique. Lorsque nous répétons, ou que nous jouons sur scène, nous voulons avant tout nous faire plaisir.

Indie Rock Mag : René, vous avez quitté Amsterdam et plaqué votre job pour vous installer à la campagne et vivre de votre passion. La musique, est-ce votre moyen de trouver un place dans la société ou au contraire de vivre librement cette inadaptation assumée que vous chantez dans The Disintegration Service ?

René de Wilde : Je ne vois la musique ni comme un moyen de trouver une place dans la société ni comme un moyen de s’en échapper pour vivre librement. C’est seulement quelque chose que j’ai besoin et envie de faire. Pour moi, faire de la musique et tomber amoureux sont les deux plus belles choses dans la vie.
En ce qui concerne la société et l’inadaptation, il y a beaucoup de choses que je n’aime pas dans le système. D’autre part, j’en ai besoin pour vivre ma vie. Donc j’essaie juste de trouver ma place à l’intérieur de celui-ci. Créer mon propre petit monde dans lequel je suis heureux. Au cours des deux dernières années, j’ai beaucoup appris sur moi-même. Entre autres que je n’ai pas besoin de beaucoup pour être heureux. Ma musique, un ou deux bons amis et peut-être un jour une femme, c’est tout. Pas besoin de plus.

Indie Rock Mag : Pour en finir avec les comparaisons, la mélodie de guitare au milieu de Changing Colors me rappelle Tortoise pour ce côté aventureux, indomptable symptomatique de l’esprit de liberté qui caractérise l’intégralité de Cables. Cette liberté, c’est ce que vous chercher à acquérir à travers la musique ? Et d’un autre côté, aimeriez-vous que votre musique puisse contribuer à libérer les gens au quotidien ?

René de Wilde : C’est bien que vous parliez de Tortoise ! Nous pensons que c’est un grand groupe. Ouais, je suppose que faire de la musique apporte une sensation de liberté. La liberté d’exprimer vos sentiments et vos pensées. Ça peut être très libérateur.
C’est principalement quand quelque chose me trotte dans la tête, ou quand j’ai quelque chose sur le cœur, que je saisis ma guitare pour me lancer dans l’écriture de nouvelles chansons.
« Free people in every day life ». C’est une belle formule. Mais si les gens arrivent à tirer quelque chose de notre musique, c’est super ! Peu importe qu’elle rende les gens heureux, qu’elle les fasse danser ou pleurer, c’est vraiment génial si nous arrivons à toucher ne serait-ce qu’une poignée de personne grâce à notre musique.

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Rob den Otter

Indie Rock Mag : Sur album, votre musique est particulièrement hybride, il y a notamment pas mal d’électro et la production, très travaillée, donne un sentiment d’irréalité presque onirique à certaines de vos chansons. Essayez-vous de recréer tout ça sur scène, ou au contraire y abordez-vous vos morceaux d’une toute autre façon ?

René de Wilde : Nous avons essayé de rester proche du son de l’album et de ne pas jouer les morceaux d’une manière trop différente. Mais je pense que notre son en live est un peu plus brut, un peu plus rock que la façon dont notre musique sonne sur Cables.

Indie Rock Mag : Depuis le départ de Dick, votre bassiste, et de son frère Mark, le batteur, Parkside s’est recentré autour du trio des débuts. Votre façon de retranscrire vos morceaux en concert en sera-t-elle tributaire ou ferez-vous appel à des musiciens additionnels ? Pensez-vous que cela aura une incidence sur l’évolution de votre musique dans le futur ?

René de Wilde : Pour l’instant, nous ne pensons pas engager d’autres musiciens. L’une des conséquences du départ de Dirk et Mark est que notre son est plus électro. Une configuration basse-batterie-guitare vous donne automatiquement un son plus « rock ». Nous travaillons également d’une autre façon ces derniers temps. Quand il y a une nouvelle idée, nous l’emmenons en studio directement pour voir comment elle se développe. Nous sommes désormais plus concentrés sur ce que nous pourrons reproduire en concert.
Nous avons commencé l’écriture et l’enregistrement des chansons de Cables alors que Mark et Dirk étaient encore avec nous. Nous leur avons donc demandé de se joindre à nous pour commencer à jouer live. Cela nous a permis d’essayer de sonner de la même façon que sur l’album.
Maintenant, avec notre nouvelle façon de travailler, je pense que la manière dont nous sonnerons en live et sur nos prochains albums seront plus similaires. C’est donc une sorte d’évolution.

Indie Rock Mag : Cela fait maintenant un an et demi que l’on vous connaît grâce à Myspace et que l’on vous suit. Est-ce qu’internet vous a réellement permis de faire découvrir votre musique aux Pays-Bas et hors de ses frontières ? Voyez-vous ce mode de communication et de promotion comme faisant partie intégrante de l’avenir de la musique ? Ou bien est-ce toujours au niveau local et particulièrement au travers des concerts que vous réussissez le mieux à vous faire connaître ?

René de Wilde : Je pense qu’Internet et Myspace sont d’une grande aide pour faire connaître notre musique en dehors des Pays-Bas. C’est vraiment cool d’être interrogé par des Français et d’avoir des gens de plein de pays différents qui commandent Cables via notre site. On passe même à la radio en Nouvelle-Zélande, et tout ça grâce à Internet. D’autre part, lorsque vous prenez contact avec une salle de concert, on vous demande toujours un lien vers votre site Web ou votre page Myspace, alors je pense qu’Internet est devenu la principale plate-forme pour se faire connaître. Mais jouer sur scène reste très important.

Indie Rock Mag : Etes-vous déjà médiatisés aux Pays-Bas ? Plus généralement, quelle est la place accordée au rock indépendant (au sens large) dans votre pays ?

René de Wilde : La couverture médiatique ici n’est pas mal du tout, il existe quelques bons magazines et la radio comme la télévision accordent une place au rock indé. Nous ne sommes pas si connus pour le moment, mais qui sait, à l’avenir…
De manière générale, la frontière entre la musique indé et les charts a tendance à disparaître. C’est le résultat de ces 16 dernières années. Je pense que Nirvana a été l’un des premiers groupes indie a obtenir une bonne place dans les charts. Et aujourd’hui, aux Pays-Bas, vous entendez des groupes indé relativement peu connus comme GEM, Moke ou GPL dans des publicités pour des entreprises telles que Motorola et d’autres multinationales du même genre.
Donc, les relations entre la musique et les médias sont en constante évolution.

Indie Rock Mag : Envisagez-vous une tournée après le lancement du nouvel album ? Si oui, sera-t-elle limitée aux Pays-Bas ou aurons-nous la chance de vous voir jouer au moins à Paris ?

René de Wilde : Oui, bien sûr que nous voulons repartir en tournée pour jouer tous nos nouveaux morceaux ! Nous avons fait une sorte de tournée promo avant la sortie de Cables. Du coup c’est un peu l’inverse en fait, nous jouons de nouveaux morceaux sur scène que nous mettons ensuite sur album avant de nous remettre au travail sur de nouvelles idées nées de ces concerts. Sinon c’est sûr que nous aimerions jouer dans le monde entier. Paris ? Hell yeah !

Indie Rock Mag : Pour terminer, pouvez-vous nous donner quelques pistes à suivre au sujet d’espoirs hollandais que vous appréciez particulièrement et qui sont toujours inconnus à l’étranger ?

René de Wilde : Un nom me vient à l’esprit : Spinvis. Ils sont déjà bien connus en Hollande. Vous pouvez trouver un grand nombre de leurs clips et de leurs des chansons ici.


Tous nos remerciements à René De Wilde pour sa disponibilité. Merci également à Casablancas et Lloyd_cf pour les traductions.


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