The Brian Jonestown Massacre - My Bloody Underground
Chroniquer My Bloody Undergound, 12e disque du Brian Jonestown Massacre est une vraie épreuve. Le dernier né de la bande à Anton Newcombe, savant fou illuminé du rock, est un vrai chemin de croix. Un disque raté comme pas deux, sans queue ni tête. Mais pourtant et comme à chaque fois, le voyage est nécessaire. Prêt pour le grand saut ?
1. Bring Me The Head Of Paul McCartney On Heather Mill’s Wooden Peg (Dropping Bombs On The White House)
2. Infinite Wisdom Tooth / My Last Night In Bed With You
3. Who Fucking Pissed In My Well ?
4. We Are The Niggers Of The World
5. Who Cares Why
6. Yeah-Yeah
7. Golden-Frost
8. Just Like Kicking Jesus
9. Ljosmyndir
10. Automatic Faggot For The People
11. Darkwave Driver / Big Drill Car
12. Monkey Powder
13. Black Hole Symphony
Il y eut de tout temps des disques que l’on qualifia de White Light/ White Heat moderne. Aucun ne méritait réellement ce qualificatif. Jusqu’à My Bloody Underground. C’est sans nul doute le disque le plus mal enregistré de l’histoire. A peine si le Metal Music Machine de Lou Reed arrive à l’égratigner. Des instruments désaccordés. Des couplets sans aucun sens. Des larcens de guitares mal contrôlés. Tout ce bordel forme un brouhaha indescriptible. Un mur du son impénétrable que l’on ne peut que regarder. Sans comprendre. On savait déjà qu’Anton Newcombe n’était pas quelqu’un à la personnalité très équilibrée. Mais l’homme a déménagé. Exilé en Islande, terre de Björk ou Sigur Rós, dans ce pays de feu et de glace, coupé du monde, sans rien, il va encore plus mal.
Anton. Le roi du sabotage médiatique. L’homme à qui les journalistes qui sont arrivés à tirer une interview cohérente sont décorés de la légion d’honneur. Un corps présent sur Terre, mais un esprit qui a depuis bien longtemps pris la fuite. Un personnage singulier. Que seul Lester Bangs s’il était encore là aurait peut-être compris. Un homme qui peut être froid et terrifiant une seconde. Puis vous tomber dans les bras celle d’après. Un roc que même l’alcool, la drogue ou le temps n’affectent pas. Un illuminé qui a donc pondu des disques. Excellents même parfois. Puis il y a celui-ci aussi. L’apologie du bruit ou du néant. Au choix.
Une expérience. Une vraie. Ce disque est dingue. Un poison. A faire passer The Warlocks ou Joy Division pour de joyeux fêtards. Vide. Ni mélodie. Ni mixage. Ni production. La voix pleure. S’entend à peine. Rien. Une plongée dans les méandres de l’esprit du musicien le plus fou de ces 15 dernières années. Une chute libre qui n’en finit plus. Voilà maintenant prévenu l’auditeur qui voudrait s’attaquer à ce singulier opus. Car le voyage n’est pas donné à tout le monde. Il y aura deux catégories de personnes. Ceux qui iront jusqu’au bout et les autres. Pour les premiers, cet enfer aussi gigantesque qu’impénétrable sera une expérience unique. Une odyssée puant le bad-trip à plein nez. Une expédition au cœur du vide dans laquelle ils se jetteront sans cordes ni filet. Les autres, eux, quitteront le navire dès la première plage, effrayés par cette montagne qui se dresse devant eux, orageuse et noire. Comme ils ont bien fait.
Car ici rien ne transparait de cette masse difforme qui avance sans que l’on n’y puisse rien. Rien. Rien. Ou si peu. Une ballade au piano toute en fausses notes et une chanson au titre imprononçable (Ljosmyndir). Sinon le néant absolu. My Bloody Underground est sans conteste un gigantesque manqué. Il n’en est pas pour autant inerte ou sans intérêt. Il est même passionnant. On rentre dans la tête d’un génie fou à lier que l’alcool, la solitude, la folie ou peut-être même tout cela à la fois a poussé à la dérive. Ce disque est peut être un appel au secours, caché sous ses Himalayas de distorsions et ses Fosses des Mariannes du vide.
Car cet album est inquiétant. Oppressant. Il ressemble à un manoir abandonné depuis des années. On y entre sur la pointe des pieds. La peur au ventre. Mais on n’en sort pas. Trop attiré par ce naufrage. On écarte les planches de bois brisées et la crasse qui s’est empilée comme les couches d’instruments. Car ici tout n’est que poussière. Newcombe jubile. Il sent que la victoire sur l’auditeur piégé comme une fourmi dans une toile, se rapproche à chaque pas que l’on effectue. Puis, quand à la suite d’une glissade maladroite, qui traduit naïvement notre angoisse, on tombe, c’est pour ne plus jamais se relever. Blackout. Le noir nous entoure. On ne voit plus rien. La rythmique joue plus vite. Plus fort. Dans cette chute, cet oubli vers nulle part et partout ailleurs, le vide n’a jamais paru aussi dense. On est attiré dans un Trou Noir. 10 minutes de Black Hole Symphony. Tout se perd. Où sont le haut, le bas ? De l’air ! De l’air ! On suffoque.
C’est terminé. Terminé. Enfin. Calme.
Comme par miracle, nos quelques sens restant reviennent. Miracle. Comme ce disque d’outre-tombe d’un homme déjà mort depuis longtemps. Parvenue à nous alors que l’on pensait qu’il ne restait plus rien, la lumière. Enfin. On ne sait d’où elle arrive mais on court vers elle. Dans un dernier effort qui sonne comme un chant du cygne, Newcombe tente de nous accrocher la jambe. En vain. On se réveille en sueur. Haletant. Le disque est terminé. Non c’est plus que le disque. On vient de vivre la mort du Roi. Rien ne sera plus jamais comme avant.
Et quand on repose la pochette dans la discothèque pensant que tout est terminé, on entend un dernier cri. On aperçoit un sourire narquois et démoniaque. On hurle. Le noir se fait de nouveau. Et tout repart.
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