2010 dans le rétro : les trésors cachés - Part 2

Suite du passage en revue de nos trésors cachés avec une deuxième tranche alphabétique, compilée au gré des envies, des engouements ou des regrets de la rédaction d’IRM qui n’en a toujours pas terminé avec l’année 2010.

Pas de Kanye West, d’Arcade Fire ou de Warpaint ici, mais des obscurs, des laissés pour compte de la presse spécialisée. Des oubliés ou jamais découverts, des artistes reconnus et d’autres qui ne le seront sans doute jamais. Des albums dont on n’avait pas eu l’occasion de parler ailleurs que sur notre forum et d’autres repérés sur le tard, des disques qui demandent qu’on leur laisse du temps ou parfois simplement une chance. Des univers singuliers ou plus aisément abordables, mais pas assez glamour peut-être pour les feux du music business. Des coups de cœur personnels en somme, passés entre les mailles de nos filets, passions soudaines ou déjà bien consommées mais qu’on n’est pas prêt de laisser s’éteindre et que l’on aimerait partager plus amplement avec nos lecteurs avides d’horizons inexplorés.


arMuta - Sebilacotha


En attendant de savoir si l’un au moins des six albums qu’Aphex Twin annonçait récemment avoir complétés (dont un pour son possible retour chez Warp) verra ou non la lumière du jour en 2011, il est grand temps pour les amateurs d’IDM virale de se pencher sur l’œuvre naissante de son meilleur héritier actuel, le russe arMuta que nous vous présentions rapidement ici il y a de ça quelques mois. Comme chez Richard D. James, tout est question de contrastes sur Sebilacotha, entre beats épileptiques et nappes ambient, pureté céleste et noirceur délétère, puissance et impressionnisme, digressions bruitistes et méditations oniriques, arythmies insaisissables et redoutable efficacité. Autant de paradoxes dont s’accommode plus que bien la beauté malaisante de ce troisième opus, paru sur le label Raumklang Music de l’allemand Dirk Geiger qui ne devrait plus rester confidentiel bien longtemps.

(RabbitInYourHeadlights)


Evan Caminiti - West Winds


L’année a été riche en sorties pour Evan Caminiti. On aurait ainsi tout aussi bien pu vous parler du drone shamanique de Den Of The Spirits, dernier-né du duo Higuma qu’il forme avec Lisa McGee, des explorations spatiales de cet Ancestral Star commis avec son acolyte Jon Porras au sein de Barn Owl, ou encore de The Headlands, collaboration tout en cordes de ce même duo avec la compositrice Ellen Fullman et la violoncelliste Theresa Wong, mais c’est finalement son nouvel album solo qui aura la faveur de cette rétro. Sur West Winds, le guitariste californien délaisse un instant le cosmos d’ Ancestral Star pour une autre immensité, un désert bien terrestre où rôde l’esprit de Dylan Carlson et où la musique écrasée de poussière progresse lentement dans une ambiance désolée propice à la contemplation.

(FredM)


Shawn Lee’s Ping Pong Orchestra - Hooked Up Classics


Décevant pour ses dernières incursions dans la soul vintage ( Sing A Song ), le r’n’b rétro/psyché ( Sing A Song ) ou la funk asiatisante ( Into The Wind avec Bei Bei), c’est du côté de la musique classique que Shawn Lee sera parvenu à se ressourcer l’an dernier sous l’identité d’un Ping Pong Orchestra qui ne lui a jamais vraiment fait défaut en terme de groove millésimé et d’efficacité instrumentale. Après les tubes mainstream ( Hit The Hits ) ou les chansons de Noël ( A Very Ping Pong Christmas ), celui que l’on soupçonne de plus en plus fortement d’officier sous l’identité du génie hirsute de la funk lascive Clutchy Hopkins sur le même label Ubiquity s’attaque donc encore une fois à des succès populaires mais plutôt du genre intouchables ceux-là, s’agissant de Satie, Prokofiev, Wagner, Richard Strauss ou encore Tchaikovsky.

Autant de chef-d’œuvres désacralisés par la virtuosité nonchalante du dandy anglais, qui n’hésite pas à se lâcher sur des rythmiques funky à souhait pour en accentuer la dimension épique ou en prendre à contre-pied la solennité, mise à mal pour le plus grand bien de nos oreilles par une inspiration lorgnant tantôt sur la coolitude du reggae ou de la surf music, la tension des BO d’exploitation, le kitsch du disco ou la truculence cosmique du P-funk, sans parler des cuivres mariachi et du psychédélisme à l’Indienne sur un Boléro d’anthologie, ou du dub acoustique rêveur du superbe Gymnopedie No. 1. Une improbable réussite comme seul l’auteur de Miles Of Styles pouvait nous en délivrer sur un concept aussi casse-gueule.

(RabbitInYourHeadlights)


Library Tapes - Like Green Grass Against A Blue Sky


Depuis ses débuts en 2005, Library Tapes avait pris la délicieuse habitude de produire chaque année un album repoussant les limites de l’ambient post-classique. La cadence fut maintenue jusqu’en 2008 quand le chef-d’œuvre A Summer Beneath The Trees était largement approuvé par la critique. Une simple trêve, l’année suivante, dans ce rythme de création boulimique aura alors suffi pour que le groupe passe aux oubliettes...
Dommage, car Like Green Grass Against A Blue Sky est la suite logique de son prédécesseur. David Wenngren n’a en effet pas changé sa formule. Instrumentale, la musique de Library Tapes reste profondément ancrée en terre scandinave. Usant de boucles répétitives et armé de ses habituels instruments classiques, le Suédois crée des atmosphères poignantes. Si le piano reste l’instrument dominant au cours de cet album, on notera l’apparition du violoncelle de Danny Norbury qui donne une autre dimension à certains morceaux (02 notamment). L’éternelle absence de batteries fait le reste, permettant à l’auditeur, affranchi de toute notion rythmique, de s’évader à l’écoute des hymnes à la liberté composés par le Suédois...

< en écoute sur Bandcamp >

(Elnorton)


Melodium - Palimpse


Avec pas moins d’une douzaine d’album au cours de la dernière décennie, l’univers de l’Angevin Laurent Girard aurait de quoi impressionner s’il n’était pas par nature si discret. Hésitant entre comptines folk triturées au laptop, complaintes acoustiques, mélopées néo-classiques pour instruments d’un autre âge et field recordings tout aussi irréels, Palimpse commence par distiller sa douce et lumineuse mélancolie sous des intitulés qu’on jurerait d’abord trompeurs tels que Bombs ou In The Forest At Night, pour mieux nous emporter, une fois désarmés par tant de beauté délicate et dénuée d’artifice, dans un tourbillon de spleen brumeux laissant à peine entrevoir sous les drones du ténébreux The Hole en milieu d’album le gouffre qui nous attend au bout de la route.

Presque aucun beat ici contrairement au récent mini-album Petit Jama paru en début de mois et qui renoue avec ces rythmiques analogiques faites de bric et de broc ainsi qu’avec un certain lyrisme minimal marqué par l’onirisme grouillant et troublant du Geogaddi de Boards Of Canada, mais le voyage ne nous conduira pas moins aux frontières du rêve éveillé, l’album se terminant d’ailleurs sur une Insomnia de près d’une demi-heure, cet état de semi-conscience où l’espoir le dispute tant bien que mal à l’attraction des limbes.

< en écoute sur Bandcamp >

(RabbitInYourHeadlights)


NiT GriT - Heavy Machinery EP


Il était déjà passé entre les mailles en 2009 pour son premier album éponyme et voilà qu’on se laisse encore avoir avec son dernier EP sorti à Noël quand plus personne ne prête attention à un agenda généralement désert, c’était pourtant pas faute d’avoir touché un mot de sa relecture forcément dévastatrice du Building Steam With A Grain Of Salt de DJ Shadow compilée par l’auteur d’ Endtroducing sur son album de remixes l’été dernier, pas faute non plus d’avoir misé quelques billes sur les talents de beatmaker de ce jeune Californien officiant aux confins du grime instrumental, du dubstep et de l’IDM mais gageons qu’on ne nous y prendra plus. Car si la machinerie comme à l’accoutumée est lourde et bien huilée, cette nouvelle réalisation passe encore un pallier en travaillant davantage le soundscaping, orchestrant à l’arrière-plan nappes dark ambient, blips électro fugaces, chœurs éthérés et samples vénéneux qui contrastent idéalement avec ces rythmiques puissantes et frénétiques toujours zébrées de basses lazer et autres grouillements sursaturés.

< en écoute sur Bandcamp >

(RabbitInYourHeadlights)


Jari Pitkänen - Numiana

numiana-03-memetat by Jari Pitkänen


2010, année drone/ambient et pourtant pas deux chef-d’œuvres qui se ressemblent. La preuve là encore avec le premier véritable long format de ce Finlandais actif depuis 2004 sur EP mais encore largement méconnu (jugez-en donc par ses 400 amis sur myspace) qui s’inscrit dans la mouvance spirituelle d’un Jacaszek avec ces six morceaux combinant enregistrements live et passages en studio. Soit de longs instrumentaux célestes mêlant drones imposants, néo-classique austère aux chœurs élégiaque, cascades de blips cosmiques ou de percussions séraphiques et field recordings crépitants, on pourrait appeler ça de l’ambient de cathédrale, mais une cathédrale à ciel ouvert, désertée depuis longtemps et reconquise peu à peu par la nature.

< album offert à l’écoute et au téléchargement sous licence Creative Commons >

(RabbitInYourHeadlights)


Portugal. The Man - American Ghetto


Depuis le Thirteen Tales From Urban Bohemia des Dandy Warhols ou la fin de Catatonia, on aura vu peu de groupes marier aussi bien efficacité mélodique et ambition mélangeuse, subtilité de production et dimension hymnique, conscience radiophonique et singularité du son. Il y avait bien eu Louis XIV, dont le co-leader démissionnaire Brian Karscig mettait justement à disposition l’été dernier le premier opus de son nouveau projet The Nervous Wreckords en duo avec l’ex Cornershop Anthony Saffery partagé entre rock flamboyant, pop lyrique et minimalisme électrisant à la manière d’un Slick Dogs And Ponies en - légèrement - plus policé mais toujours aussi touchant derrière son maniérisme de façade.

Une réussite prometteuse mais pas encore de quoi inquiéter Portugal. The Man qui a plus que jamais la mainmise sur cet entre-deux équilibriste avec ce cinquième opus produit comme le précédent par... Anthony Saffery justement, lequel ressort même son sitar sur le morceau final. Si elles ne font pas encore beaucoup parler de ce côté-ci de l’Atlantique, les compos de ce combo originaire d’Alaska, empruntant aux guitares du heavy rock, au groove de la funk ou aux mélodies vocales du R&B comme aux rythmiques du hip-hop ou aux effets d’un certain psychédélisme à l’Anglaise avec une influence électronique plus marquée qu’à l’accoutumée, sont en effet parmi les plus à mêmes d’imposer les codes d’une indie pop aventureuse sur les ondes FM, une mission qu’on espère voir la bande à John Gourley, frontman à la voix androgyne, mener à bien chez Atlantic qui vient de signer le groupe après d’interminables négociations... l’avenir nous dira si c’était pour le pire ou le meilleur.

(RabbitInYourHeadlights)


Byron Metcalf, Dashmesh Khalsa & Steve Roach - Dream Tracker


Inventeur du tribal-ambient, précurseur de la trance et chaînon manquant entre Vangelis et les Selected Ambient Works d’Aphex Twin (si-si, c’est possible), l’Américain Steve Roach du haut de ses 55 balais dont près de 30 à composer des albums dépassant régulièrement les 70 minutes, n’aura pas vu sa productivité et son talent s’effriter au fil des années, ce serait même plutôt le contraire. Celui que l’on a souvent rapproché un peu trop facilement de la musique New Age (la faute à ses affreuses pochettes ?) vient ainsi de sortir pas moins de deux nouveaux disques rien que pour ce mois de janvier, dont un tout à fait superbe en collaboration avec le percussionniste, claviériste et joueur de didgeridoo Brian Parnham, et l’autre tenant sur deux CD de 73 minutes chacun (soit près de quatre heures de musique inédite compilées ici).

Un didgeridoo et des percussions tribales souvent présentes chez ce féru de culture musicale autralienne et que l’on retrouvait l’an dernier sur Dream Tracker, mais interprétés cette fois par deux autres Américains, le jeune Dashmesh Khalsa déjà auteur en 2008 d’un premier opus ( Fusion ) produit par Bill Laswell, et Byron Metcalf, collaborateur récurrent de Roach dans ses excursions chamaniques et autres voyages transcendantaux depuis le début des années 2000. On aurait aussi bien pu mettre en avant le dark ambient mystique de Nighbloom avec le vocaliste Mark Seelig spécialiste du chant de gorge ou les nappes méditatives de drones stratosphériques et autres claviers rêveurs d’un Sigh Of Ages tout aussi fascinant bien qu’essentiellement privé de rythmiques, mais il faut bien avouer que la veine plus contrastée de cet album collaboratif est celle qui résiste le mieux aux écoutes répétées, de l’épique titre éponyme en ouverture à l’inquiétant Realms Of The Sacred Seed final en passant par l’ésotérique From The Inside ou le plus menaçant Thunder Walk en live ci-dessus. Bien entendu, nulle vocation ici à acompagner l’éveil spirituel de l’auditeur rompu aux pratiques de développement personnel, mais simplement à faire corps à travers la musique avec la nature, l’univers physique comme métaphysique et finalement retrouver une certaine sagesse perdue.

(RabbitInYourHeadlights)


The Secret - Solve Et Coagula


Ah, l’Italie, ses jolies brunes, sa gastronomie, sa dolce vita... Seriez-vous tentés par un week-end de farniente sur la côte amalfitaine ? Eh bien laissez tomber, le trip proposé par cette formation transalpine désormais signée chez Southern Lord est tout autre et risque même de se révéler plutôt éprouvant.

Solve Et Coagula, un processus de destruction/reconstruction qui s’appliquera ici autant à la société et aux institutions italiennes - envers lesquelles la rage du groupe est dirigée - qu’à vos pauvres conduits auditifs une fois qu’ils auront eu le malheur de subir cet assaut sonique. Mélange chaotique de black metal, de grind et de crust enrobé dans une épaisse couche de noirceur, la musique de The Secret éclabousse les murs et détruit tout sur son passage.

(FredM)


Serena-Maneesh - N°2 : Abyss in B Minor


Joli coup de la part des Norvégiens de Serena-Maneesh qui mettent leur côté pop un peu en retrait sur ce deuxième album au nom, qu’on espère ironique, de N°2 : Abyss In B Minor. Si la deuxième piste I Just Want To See Your Face établit un lien avec leur ancien style plus immédiat, le morceau d’ouverture est en revanche un vrai dédale sonore qui résume assez bien l’orientation prise par ce nouvel opus fort délectable : de sombres instrumentations vaporeuses aux distortions noisy maîtrisées et aux textures abrasives.

Un mélange d’influences digérées qui permet au groupe de s’affirmer artistiquement, entre accents doom, pop à la Dandy Wharols et guitares résolument rock (le chaotique Blow Yr Brains In The Morning Rain) ou ponctuées de vagues sonores jouissives comme sur le merveilleux Reprobate ! qui justifie la comparaison un peu facile avec My Bloody Valentine. Nul besoin d’admirer ces derniers ou toute la sérénade shoegaze pour apprécier cette nouvelle livraison de Serena-Maneesh néanmoins ; il suffit de se laisser aller au gré des riches déflagrations et de ce chant mélodieux et féérique qui nous vient du nord.

< en écoute sur Deezer >

(Matt)


Serifs - Serifs EP


Ce premier EP de Serifs, duo de l’état de New York nouvellement signé sur le label Asthmatic Kitty des Sufjan Stevens, My Brightest Diamond, DM Stith ou Epstein n’a que peu à voir avec les deux premiers mais pas mal en commun avec les deux suivants, réputés pour leurs recherches en électro-acoustique denses et luxuriantes. Ainsi, traînant leurs atmosphères mélancoliques ou plus insidieuses sur 25 petites minutes d’ambient réverbérée, ces étranges rêves éthérés aux drones solaires ne sont pas pour autant statiques, tintements cristallins, beats fuyants et autres glitchs rythmiques nés d’accidents improvisés aux dires du groupe venant se mêler aux arpèges troublants ou aux nappes brumeuses pour évoquer le maelström de souvenirs diffus et ambigus d’une enfance maussade. Prometteur.

< en écoute sur Bandcamp >

(RabbitInYourHeadlights)


Stafrænn Hákon - Apron EP


On aurait pu vous vanter le virage pop de Sanitas, successeur tant attendu du beau Gummi de 2007 et sixième opus déjà de ces Islandais chassant pour l’occasion sur les terres de Coldplay période A Rush Of Blood To The Head ou de Samamidon pour le banjo et les orchestrations, en privilégiant les mélodies lyriques toujours sur le fil et un dynamisme inédit que le groupe a su marier avec talent à son inspiration atmosphérique plus éthérée, avançant avec raison le terme de "power-ambient". Mais à dire vrai et aussi attachants que puissent se révéler ces fervents hymnes post-rock partagés dans la continuité du précédent entre trois chanteurs (dont le nouveau venu Magnus Freyr Gislason), c’est bien dans la subtilité d’évocation des instrumentaux de ce long EP de plus de quarante minutes qu’Ólafur Josephsson, reprenant l’ascendant sur le batteur et vocaliste Daniel Lovegrove propulsé co-producteur de Sanitas, permet à Stafrænn Hákon de tutoyer à nouveau les cimes avec le mélange de post-rock stratosphérique aux envolées passionnées, d’acoustique cotonneuse et de beats en apesanteur qu’on lui connaît.

< en écoute sur Bandcamp >

(RabbitInYourHeadlights)


Summer Camp - Young EP


Devenue l’étiquette détestable par excellence suite à l’émergence de toute une vague de groupes aseptisés qui depuis le succès de The Pains Of Being Pure At Heart n’en finit plus de faire des petits aussitôt adoubés par Pitchfork et compagnie (de Wild Nothing à Memoryhouse), le nu gaze - ou "shoegaze expliqué aux poppeux en culottes courtes nostalgiques des années 80" - aura tout de même eu son sauveur cette année, en la personne de... Jeremy Warmsley. Car c’est bien l’auteur de The Art Of Fiction qui se cache derrière cet EP en compagnie d’une certaine Elizabeth Sankey, ancienne journaliste du NME repentie dira-t-on. Autant de raisons quoi qu’il en soit pour cacher leur identité jusqu’à la sortie de ce premier EP croisant avec une ferveur rafraîchissante romantisme adolescent (dans un esprit plus 60’s pour le coup), synthés brumeux ou beats marqués par la new wave, et donc ces fameuses guitares bourdonnantes plus discrètes qu’à l’accoutumée et laissant rapidement place une influence tropicaliste moins ostentatoire que chez Vampire Weekend ou Dinosaur Feathers que nos deux Londoniens laissent heureusement tout aussi loin derrière.

< en écoute sur Deezer >

(RabbitInYourHeadlights)


thisquietarmy - Aftermath


Mes ami(e)s ont, bizarrement, les mêmes névroses que moi, dont celle consistant à faire des classements, listes et tops de fin d’année de leurs albums, films et livres préférés. La première place du top 2010 musical de l’un d’eux était attribuée à cet Aftermath du très discret Montréalais thisquietarmy. Ceci étant, doublé d’une interview très intéressante du bonhomme dans un magazine "concurrent", je me suis décidé à y jeter une oreille. Découvert trop tard pour figurer dans mes petits papiers 2010, Aftermath et son drone/ambient post-apocalytique mérite largement quelques lignes tardives.
Sur cet album, Eric Quach s’amuse à brouiller les pistes en mêlant guitares éthérées et textures sonores expérimentales pour au final nous offrir une musique froide, ténébreuse et triste mais jamais morbide ou désespérée. Sans conteste l’un des meilleurs disques de 2010, parfait pour accompagner ma lecture de La route de Cormac McCarthy que je me suis offert, lui aussi, après tout le monde.
Il n’est jamais trop tard.

(nono)


Thou - Summit


Après d’innombrables EPs et splits en tous genres, Thou s’affirme avec Summit, son troisième album, comme l’un des tout meilleurs groupes de la scène doom/sludge. Résumée dans le monumental Another World Is Inevitable, la force de cette formation originaire de la Louisiane réside dans sa capacité à marier la lourdeur et la lenteur chères à ce style musical avec des passages plus dynamiques dûs à une rythmique n’hésitant pas à lorgner par moments sur le black metal, tout en coloriant ses morceaux de riffs mélodieux, et sans oublier de soigner l’atmosphère. Thou nous livre ici un disque ambitieux et de prime abord un peu hermétique mais qui révèlera toute sa subtilité au fil des écoutes.

(FredM)


Troum - Mare Idiophonika

Duo culte et mystérieux né des cendres des non moins mystérieux et non moins cultes Maeror Tri, Troum affiche sur son site internet son objectif : créer une musique capable d’atteindre l’inconscient, de frapper là où la rationalité et les facultés d’expression cèdent le pas devant le ressenti, l’indicible.

Version studio d’un set joué en concert par le groupe lors de sa tournée de 2007, Mare Idiophonika s’acquitte de sa mission haut la main, tant il est difficile de décrire l’expérience quasi-transcendentale que constitue l’écoute de cette unique piste de près d’une heure, lente immersion au cœur d’un songe brumeux fait de drones oppressants et de percussions hypnotiques qui après un retour à la réalité tout en douceur vous laissera le sentiment diffus d’avoir vécu quelque chose de vraiment spécial. Au-delà des mots.

(FredM)


Tzolk’in - Tonatiuh


On parlait d’expérience radicale, en voilà une autre qui n’épargnera personne et pas même les amateurs de dark ambient les plus aguerris. Inspirée des divinités aztèques donnant leurs noms aux morceaux de ce troisième opus, on la doit à la conjonction des talents de deux musiciens férus de mythologie mésoaméricaine, le français Flint Glass, en charge des compos et des rythmiques influencées par l’indus, l’IDM et les musique tribales, et le belge Empusae, qui enveloppe le tout de ses nappes occultes d’une rare puissance d’évocation, donnant bien souvent l’impression de se trouver en pleine jungle amazonienne, fuyant vainement dans la nuit la menace imminente d’un sacrifice humain. En résulte un véritable trip instrumental à la tension palpable, aussi mystique qu’épique si bien que les amateurs du label Tympanik Audio penseront sûrement à Geomatic et à son récent 64 Light Years Away, équivalent arabisant qu’on imaginerait bien en BO pour un thriller géopolitique d’anticipation à l’Américaine... si n’est qu’ici l’atmosphère est nettement plus ténébreuse et doit finalement beaucoup à l’hypnotisme chamanique de Steve Roach dont on vous parlait justement plus haut.

< en écoute sur Deezer >

(RabbitInYourHeadlights)


Vibracathedral Orchestra - Joka Baya

Croisé durant la dernière décennie sur des splits avec Low ou The Telescopes, le combo de Leeds même réduit aux deux seuls Mick Flower et Adam Davenport demeure particulièrement productif. En témoignaient l’an dernier trois vinyles limités sur le label VHF Records mais toujours disponibles, ce dont on ne s’étonnera guère d’ailleurs au regard de la musique des deux Anglais épaulés sur cette trilogie par John Godbert (Total), John Moloney (des tout aussi barrés Sunburned Hand Of The Man) et le batteur Chris Corsano. Un univers à base de longs jams opaques en flux tendu qui culmine sur le concis Joka Baya, quelque part entre drone acoustique, psychédélisme cosmique, shoegaze abtrait, free noise mystique et maximalisme atonal, à la façon d’un improbable chaînon manquant entre les Spacemen 3 et Kemialliset Ystävät, et avec cette particularité qu’ont les morceaux d’être toujours pris en cours de route, comme s’ils existaient de toute éternité. On pourra y entendre tout un tas de percussions traditionnelles, des instruments indiens ou sud-américains, voire même ailleurs des cordes japonaises et du chant tibétain ( The Secret Base ), ou simplement une grande cacophonie désaccordée pour peu d’être totalement réfractaire à ce genre de virées délicieusement chaotiques.

(RabbitInYourHeadlights)


Whitefield Brothers - Earthology

Vous qui aviez rêvé d’entendre Mulatu Astatke de plus en plus samplé du côté du hip-hop s’accoquiner avec un rappeur ou deux, vous allez être servi avec ce successeur d’ In The Raw (réédité en 2009 par Now-Again Records) que les frères Weissenfeldt (The Poets Of Rhythm) auront mis près de huit ans à délivrer. Les instrumentaux groovesques et psyché du duo allemand, épaulé pour l’occasion par le multi-instrumentiste anglais Quantic et des membres d’Antibalas, des Dap Kings ou d’El Michels Affair, ne se nourrissent pas pour autant que d’éthio-jazz, mais également d’une certaine culture blaxploitation, de divers folklores africains (afrobeat et musique égyptienne en tête) et de sonorités instrumentales variées, notamment japonaises (les cordes) et sud-américaines (les percussions polyrythmiques). Quant aux rappeurs, ils n’apparaissent que par intermittence mais quand on s’appelle Edan, Mr. Lif, Percee P ou Medaphoar (aka MED), un verset suffit bien souvent à mettre le feu pour un moment, avec l’élégance qui convient à ce jazz-funk ethnique entêtant à souhait.

< en écoute sur Deezer >

(RabbitInYourHeadlights)


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Articles - 28.01.2011 par La rédaction