lufdbf - Deux
Signe des temps, à l’heure où se multiplient sur IRM les bilans thématiques pour permettre à chacun de trouver aisément son bonheur dans l’affaire, on en oublierait presque de revenir sur ces quelques albums que les cases même les plus fourre-tout ne parviennent pas à englober. Chanson française, hip-hop, électronica, blues, ambient, noise... Deux c’est un peu tout ça et plus encore, autant dire qu’à ce train-là on n’a pas fini d’adhérer aux propositions transversales de Fred Debief et Thierry Lorée.
1. Sans cesse
2. De vous à moi
3. Neige au soleil
4. Noueux
5. Aurore
6. Echo
7. Passager
8. Tout le reste n’est que du vent
9. Aux heures contraires
10. Lunatique
11. Manège
12. Partir sans rien dire
13. La gifle
14. Dormir
15. Instables ludions
16. Demain
17. Quintette charnu
Deux, c’est donc la suite de One, mais entièrement dans la langue de Gainsbourg et en deux fois plus luxuriant. Deux comme autant de bisontins aux manettes de cet album-monde aussi facile à aimer que difficile à cerner. Deux, ou le nombre de mains sur lesquelles compter les musiciens francophones à nous avoir déjà proposé pareil labyrinthe sémantique et sonique, tant et si bien que deux écoutes auront été loin d’être suffisantes pour vous en faire partager la nébuleuse beauté onirique.
Et ça tombe plutôt bien, puisque ce nouvel opus de Fred "fdbf" Debief (chant, textes, arrangements) et Thierry "Larsen Urbain" Lorée (musique, production) ne s’est guère éloigné de la platine depuis sa sortie en octobre chez Acid Cobra. Un label coutumier des chemins de traverse en français dans le texte sous l’impulsion de son patron Amaury Cambuzat (Ulan Bator), et dont la réputation n’aura sans doute pas été étrangère au coup de projecteur enfin porté par la presse à l’univers de ce groupe qui le vaut bien.
Car lufdbf a un univers propre, profondément singulier par delà ses influences diverses, à la fois sensuel et cérébral, charnel et abstrait, érudit et instinctif, électrique et délicat... ça on le sait depuis One. Mais ce que l’on apprend avec ce deuxième opus sorti à peine quelques mois après le premier, c’est que cet univers bien qu’à la croisée de l’imaginaire et de l’inconscient s’arpentera désormais de façon raisonnée, voire "compartimentée". Le duo nous annonce ainsi pour 2012 un album en anglais intitulé Too, un EP de chansons dans les deux langues enregistrées dans la foulée de One (logiquement, ça s’appellera Two ), un album new-yorkais en collaboration avec le poète Mik Berlyn et donc lui aussi dans la langue de Bukowski (autour duquel un projet serait également sur les rails), et enfin 3/4, double album de nouveau en français déjà prêt à prendre la suite de celui qui nous occupe ici.
Autant dire que nos Bisontins ne manquent pas d’ambition et un simple coup d’oeil au dos de l’album nous le confirmera. En effet, Deux se décompose ouvertement en quatre actes de quatre titres chacun, avec la médiane Aux Heures Contraires en guise de traversée du miroir :
Cette tracklist espacée sera d’ailleurs la seule clé livrée par le duo, libre à chacun d’y voir ensuite autant d’inclinations musicales, de penchants allitératoires, d’orientations atmosphériques ou d’humeurs subtilement changeantes. Bluesy et ambivalent dans un premier mouvement romantique qui culmine sur la sensualité ambiguë et le foisonnement électronique de Noueux avant de fondre comme Neige Au Soleil :
... groovy et en perpétuel mouvement pour la quarte suivante dont la prose liquide vient se perdre au gré d’une élégie soumise au ressac morbide d’une houle électrique (Tout Le Reste N’est Que Du Vent), lancinant opéra de vie et de trépas dont on est tout au plus simple Passager :
... plus acoustique et mémoriel ensuite, nostalgique et tous sens en éveil mais non moins Lunatique, mutin, mutant même à l’image d’une douce Gifle dont on accusera bien volontiers l’impact en clair-obscur et la marque parcourue de frémissements lo-fi :
... jusqu’au spleen jazzy et feutré d’une tierce finale dont la narration semble lutter contre l’effacement du sommeil. Mais... comment ça, pas encore la moindre comparaison à ce stade de la chronique ? Plus de citations à écarter de leur contexte pour faire mouliner les billets d’humeur (massacrante) de nos confrères en mal d’inspiration pour ne pas dire en déficit d’attention ? Les errances surréalistes de lufdbf se suffiraient-elles désormais à elles-mêmes à l’image de leurs mots aux consonances troublantes ? En un seul comme en cent : oui, cent fois oui.
Quelles sont les raisons qui nous font, chaque année, lire et relire les différents tops affolant webzines et presse spécialisée ? Si ces objectifs plus (la volonté de partager de nouveaux disques) ou moins (l’illusion d’être un défricheur) avouables rendent l’exercice de plus en plus raillé, j’y vois essentiellement l’occasion d’ordonner mes découvertes (...)
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