Repassé derrière son piano après l’expérience plus électro du superbe 7fingers en duo avec la violoncelliste Anne Müller, pas question pour autant de voir Nils Frahm se reposer sur ses lauriers et renouer avec l’inspiration néo-classique qui présidait aux improvisations romantiques et aux démonstrations chargées d’émotion de l’acclamé The Bells en 2009. Bien qu’épuré à l’extrême voire parfois très proche de l’ambient, ce sont au contraire toutes les facettes de son instrument et de sa propre solitude que le Berlinois semble vouloir explorer avec Felt, en écoute sur Gogoyoko.

Qu’il emprunte à la dynamique de la musique sérielle voire du post-rock (Keep) ou à la liberté mélodique du jazz (Snippet), que ses errances se teintent de discrètes touches électroniques, de percussions cristallines et de bandonéon plaintif (Old Thought) ou se suffisent d’un dépouillement non moins dramatique (Pause), alternant méditations modales en majeur (Less), rêveries mélancoliques en mineur (Unter) et complaintes impressionnistes (Kind), la sensation de proximité qui naît du placement des micros à l’intérieur même du piano et donc à portée des respirations du musicien entre autres bruits ambiants permet à Nils Frahm de nous ouvrir véritablement son âme et son univers : si familier lorsque le spleen d’un duo piano/xylophone semble raconter l’histoire d’une vie en accéléré (Familiar) mais parfois nettement plus vertigineux quand le génie à l’état pur s’exprime sur neuf minutes d’une progression cinématique en trois actes, qui finira par nous transporter au pays des songes (More).