Le streaming du jour #362 : Raphaël Novarina - ’Loin des fous’
Un album de chanson française, et de 2011 qui plus est, dans cette rubrique privilégiant ouvertement les découvertes singulières et le suivi de l’actualité ? Qu’importe, Raphaël Novarina a du talent à revendre et balaiera bientôt vos préjugés comme il a balayé les nôtres.
Car mine de rien, le successeur de L’Unisson (2005) est un véritable petit ovni, une sorte de monstre de Frankenstein que le Parisien aurait recomposé, parfois maladroitement mais toujours avec sincérité, à partir des chairs arrachées aux cadavres de ses pairs moribonds : l’ambition narrative de Florent Marchet lorsque instrumentaux et interludes judicieusement agencés donnaient encore de l’ampleur à la geste quotidienne de ses chansons désabusées, les boîtes à rythmes gothiques et le minimalisme électro-acoustique de Laurent Barbin avant qu’il ne délaisse la musique pour les carnets de voyages, les névroses romantiques aux maux chancelants de Daniel Darc avant qu’elles ne se perdent dans le rétro d’un demi-siècle d’héritage Vieille France, les allitérations allégoriques de Luke avant qu’ils n’entrent en politique à coups de gros riffs sans finesse, la charmante maladresse de Vincent Delerm avant qu’elle ne vire à la bouffonnerie pour bobos, les intonations de Cantat aussi, parfois, avant que le désir ne vire au noir.
Sauf que bien vite, la créature acquière une vie propre et d’emblée la mélancolie d’arrangements à la densité quasi orchestrale et les trémolos d’un vocoder discret façon Sparklehorse font mouche sur un titre éponyme alternant couplets en français et rengaine an anglais. Tantôt flamboyantes ou neurasthéniques, marquées au fer rouge par des amours déchues devenues terreau d’une misanthropie morbide mais dévoilant par moments un humour étonnamment truculent (cf. Le train de tante Monique), les évocations poétiques de Raphaël Novarina explorent déjà sur ce deuxième opus de multiples chemins de traverse, de l’hypnose déliquescente de Vulguarde au spoken word onirique de Cliquetis monotones en passant par le lancinant jeu de miroirs de La lente et belle instabilité dont le spleen cotonneux s’ouvre peu à peu à des pulsations martiales à la croisée de l’IDM et de l’ambient techno, sans pour autant mettre à mal la cohérence finalement plus abstraite que littéraire qui s’en dégage. Prometteur.
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