Home - Lone
Un flow écorché, un piano, une basse et une guitare, il n’en faut pas plus à Home pour modeler dix miniatures proches du haïku. Entre chaleur et frisson, Lone marque par sa simplicité et sa sincérité.
1. From Here To Here
2. Author
3. Neelakanta
4. For Getting
5. Don Juan In Hell
6. Loki
7. atthebasiclevel
8. Mea Culpa
9. Famously Dead
10. Funeral Free
C’est vrai que l’on s’y prend un peu tard, mais après tout, Lone n’a que quelques semaines. Et puis, ça lui aura permis de grandir tranquillement, un peu à l’image de la musique qu’il développe dix titres durant. Quelque chose de prime abord assez simple, un hip-hop bucolique et alternatif qui jette des coups d’œil appuyés vers la pop et la folk, aime les instruments (piano omniprésent, basse, guitare acoustique), développe des mélodies efficaces portées par un flow nasillard déjà croisé chez les fondamentaux Papervehicle de San-Francisco, fameux collectif porté sur le rap transgressif dont Home fait bien entendu partie.
Un disque qui accompagne parfaitement cette fin de printemps humide et préfigure un été ensoleillé. Un disque pour courir nu sur la plage, le sourire aux lèvres. Un disque qui sent bon le barbecue et les bouteilles de Sancerre. Bref, un disque qui fait du bien, déleste le cerveau de ses idées noires et devrait nous accompagner encore quelques mois, au moins tant que les jours seront supérieurs aux nuits, avant de tirer sa révérence et de céder la place à des manifestes bien plus sombres et torturés. Sauf que.
Sauf qu’on se fout un peu du temps qu’il fait quand on écoute un disque et ce d’autant plus que Lone est tout à fait capable d’ajouter de la fraîcheur aux épisodes neigeux de l’hiver. C’est qu’évidemment les choses ne sont pas si simples. Sous son vernis léger et positif, la musique d’Home cache une mélancolie acerbe, certains passages sont même sacrément tristes (Loki) et son flow semble parfois s’étrangler sous le coup de l’émotion (à moins qu’il ne s’agisse d’une impression). L’ossature des morceaux est elle-même largement plus complexe qu’on ne le pensait à l’issue d’une première écoute distraite et l’on sent bien que Lone résistera à l’écran total, aux grains de sable et aux verres fumés. Les trajectoires aléatoires de Neelakanta, la sécheresse travaillée de For Getting ou le long monologue/entretien qui achève Funeral Free peuvent en témoigner. Le disque reste fidèle à l’esthétique de Decorative Stamp tout en étant aussi très américain, c’est qu’Edison est venu prêter main forte et qu’au final, ce premier effort en solitaire implique la moitié de Papervehicle. D’où quelques traits de parenté même si Home montre une personnalité tellement forte qu’on reste très loin du copier-coller.
Les raisons de se réjouir sont nombreuses, à commencer par ce superbe From Here To Here en ouverture, tout brinquebalant et déglingué mais d’une évidence et d’une efficacité telles qu’il sonne immédiatement comme un classique instantané. Plus loin Don Juan In Hell poursuit ce même chemin en toutefois plus décharné. Et puis, il y a aussi Famously Dead où Home montre qu’une simple guitare acoustique accompagnant sa voix suffit à bâtir une chouette chanson. Bref, on tient là un vrai songwriter capable de poser une ambiance même en étant à poil, sans électricité ni artifices. On pense un peu aux premiers Why ? lorsqu’il était encore capable de construire des miniatures touchantes et sans fioritures, bien avant qu’il n’intellectualise tout et se perde dans un trop-plein de matière grise un peu vain. Pourtant, il est bien évident qu’il se trame tout au long de Lone des agencements finement travaillés, qu’une architecture alambiquée soutient chacune de ces dix vignettes mais jamais au détriment de l’efficacité, de la simplicité ou de l’évidence mélodique, le disque offrant ainsi plusieurs niveaux de lecture lui permettant de ne pas s’épuiser.
Home signe donc une très belle photographie que l’on n’a pas fini de contempler, d’une part parce que le sujet nous touche mais qu’elle fait preuve d’un sens de la composition stupéfiant. Un peu à l’image de sa pochette, une pièce au papier peint jauni, une vieille étagère qui déborde de bouquins et un vieux lampadaire, chacun de ces objets comme une page d’un album intime qui n’appartiendrait qu’à soi, alors qu’au final, il est bien évident que cette prise de vue, nous n’en sommes pas à l’origine. C’est assez fort, cette capacité qu’a Home à nous envelopper, à nous impliquer dans sa musique. Avec Lone, il privilégie la voie de l’émotion et de l’artisanat avec une sincérité proprement confondante, bien loin des blockbusters urbains gonflés d’auto-tune et de chœurs putassiers. Bien sûr, d’aucuns diront qu’il ne s’agit même pas de hip-hop mais ce dont on est bien sûr, c’est que dans le même temps, il ne saurait s’agir d’autre chose et puis les étiquettes... Jouant crânement dans la cour d’un Ceschi, le Lone de Home ensoleille nos journées en même temps qu’il les assombrit.
« Entre rap, poésie et philosophie » précise le dossier de presse. Oui, c’est plutôt bien trouvé. Entre marteaux, cordes grondantes ou sèches aurait-on envie d’ajouter. Et une voix qui ose exposer ses fêlures mais avec suffisamment de retenue pour qu’on ne soit pas gêné.
Généreux et sincère, ce premier effort en solitaire est tout simplement formidable.
Fidèle au credo de Decorative Stamp, l’album est évidemment en libre écoute.
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