Darkel - Darkel
Echappé de Air, Jean-Benoît Dunckel a enfilé sa panoplie de Darkman le temps d’un album en forme de collision entre post-punk synthétique, ballades douce-amères et americana psychédélique lumineuse.
1. Be My Friend
2. At The End Of The Sky
3. TV Destroy
4. Some Men
5. My Own Sun
6. Pearl
7. Earth
8. Beautiful Woman
9. How Brave You Are
10. Bathroom Spirit
Décidément, le label Source renaît en beauté. Après avoir brillé au tournant des 90’s et de l’an 2000 avec les premiers albums de Air et de Phoenix notamment puis s’être éteint sans crier gare, il risque bien de s’imposer pour de bon aujourd’hui, comptant dans son escarcelle des musiciens comme Herman Düne ou Darkel.
Darkel ? C’est le pseudonyme qu’a choisi Jean-Benoît Dunckel, moitié de Air justement (avec Nicolas Godin), pour son échappée en solo : un album éponyme de 10 chansons, enregistré dans son propre studio à Paris. En solo pas tout à fait, puisqu’il a fait appel à un collaborateur de longue date, l’ingénieur du son (et plus si affinités) Stéphane "Alf" Briat, déjà vu aux côtés de Phoenix et Autour de Lucie ainsi que sur le Moon Safari de Air. Mais l’essentiel est là : Jean-Benoît Dunckel s’est affranchi juste ce qu’il faut. Révolutionnaire, Darkel ? Pas du tout. Plus dark ? Pas forcément beaucoup, mais surtout le versaillais y affirme son goût pour le post-punk synthétique (il cite Suicide et Joy Division parmi ses principales influences) et la musique américaine.
Et même si le résultat demeure en-deça de la splendeur d’un Talkie Walkie ou du non moins magnifique 5:55 composé pour Charlotte Gainsbourg, la comparaison ne s’impose pas forcément. Exit la richesse musicale de Air : ici, au contraire, un certain minimalisme est de rigueur.
Néanmoins, Be My Friend, parfaite chanson d’introduction, n’a pas grand chose à envier au Venus de Talkie Walkie, dont il partage pleinement l’esprit. Mais cette fois c’est un Venus joué par John Carpenter, où la voix légèrement sifflante de Dunckel, toujours aussi onirique, et un gimmick sonore rappelant Sexy Boy, ne sauraient cacher une inquiétude palpable.
Alors, plus inquiet que véritablement sombre, Darkel ?
At The End Of The Sky, single électro-pop-country-folk psyché où la candeur lumineuse de Moon Safari tente de tenir éloignée l’ombre de la fatalité, ne peut que le confirmer. Tout comme d’ailleurs sa jolie vidéo baroque réalisée par le talentueux collectif français H5, visible sur la page myspace du musicien, où l’on peut également écouter la face-B Stay et un mixage alternatif de Be My Friends.
De même TV Destroy, pur morceau post-punk synthétique un peu entre Suicide, New Order et Devo, oppose la voix douce de Jean-Benoît et une belle rupture acoustique à des montées en puissance dévastatrices agrémentées de passages noisy.
Mais c’est une chanson d’amour en forme de destin enfin accompli qui lui fait suite. "I’ve been waiting for you for so long"... Some Men fait figure de ballade à l’américaine, où la mélodie vocale est appuyée par un piano dont les arrangements, accompagnés d’instruments à vents, laissent bientôt place à des cordes synthétiques du plus bel effet : sans aucun doute le chef-d’oeuvre de l’album.
Vivre d’amour et d’eau fraîche, en toute simplicité, sans besoin d’aucune autre forme de richesse, c’est un peu le thème de My Own Sun, à la rythmique entraînante et répétitive mélangeant beats et handclapping : les Beatles et leur psychédélisme candide ne sont pas bien loin. Le piano y domine encore, tout comme sur Pearl, chanson folk sans guitare acoustique, très solennelle avec ses sons de cloche qui évoquent à nouveau le destin.
Ensuite les virages s’enchaînent. Earth, chanson psyché-écolo ("we belong to the earth, doesn’t belong to us") aux synthés estampillés Air mais où basse et rythme binaire font d’abord penser à la facette house de Gus Gus, dévie rapidement de sa trajectoire répétitive, alors que s’élèvent de vibrants choeurs synthétiques. Puis Beautiful Woman, qui allie rock 60’s et mélodie pop, fait un pas vers les Strokes, avant de laisser place à l’autre merveille de l’album : How Brave You Are, faussement simple, douce et néanmoins à pleurer, est une ballade électro-pop d’affranchissement dans laquelle un père bienveillant aide son fils à couper le cordon pour suivre son propre chemin. Chanson autobiographique ou métaphore de l’échappée belle de Dunckel ?
La suite ne nous éclairera pas. Du moins pas par des mots, puisque l’album se termine sur le long et magnifique instrumental Bathroom Spirit, sorte de Femme d’argent en plus lent avec un piano en guise de guitare et un final cosmique : un morceau plein d’espoir et de confiance en l’avenir, et la clôture idéale d’un album à l’unité sonore parfaite, mais qui n’en aura pas moins parcouru en moins de 45 minutes un spectre musical impressionnant.
Soit un cocktail frais et varié pour terminer l’été en beauté, et pour patienter en attendant le nouveau Air toujours prévu pour début 2007, qui serait paraît-il inspiré par la culture japonaise et compterait Jarvis Cocker au chant sur un morceau.
Gainsbourg, Darkel, Air... Jean-Benoît Dunckel peut effectivement avoir confiance en l’avenir : pour lui, le présent est déjà des plus radieux.
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