Alpha - Eleventh Trip

Depuis le temps que plus personne ne parle d’Alpha, on ne se gargarisera pas trop d’être les premiers à chroniquer cet Eleventh Trip, lâché en digital et en CD en fin de semaine dernière sur le site officiel du groupe en attendant une plus large distribution en fin de mois par le label Don’t Touch de l’Anglais Corin Dingley, seul aux manettes du projet depuis le départ d’Andy Jenks au début des sessions du beau The Sky Is Mine en 2007.

1. In This
2. Stay
3. Cilla
4. Sunedune
5. Covers Been Blown
6. Beyond
7. Don’t Stop It’s War
8. Scream Louder
9. Cherry Dub
10. Lisbon
11. Down
12. Home Land

date de sortie : 01-09-2012 Label : Don’t Touch

- Premier constat autour de ce 11ème opus à l’intitulé on ne peut plus sobre et fonctionnel (en comptant les albums de remixes et autres sorties instrumentales limitées puisque chez Alpha tout ou presque touche au sublime) enregistré sur 5 ans entre Bristol, le sud-ouest de l’Angleterre et les Midi-Pyrénées où vit désormais le co-auteur de l’enchanteur Come From Heaven, nos inquiétudes autour du décevant Two Phazed People (seule exception à la précédente parenthèse) ne tiendront pas 30 secondes face à la grâce retrouvée des compos de Dingley. Exit les basses dub et autres gimmicks de synthés lourdement soulignés pour offrir il y a trois ans un terrain de jeu mi-roots mi-futuriste et pour le moins coloré au rastaman Horace Andy (échappé de Massive Attack), cette fois l’instrumentation navigue de nouveau entre électronica nébuleuse et pop jazzy aux arrangements évanescents, renouant avec les métissages aériens de Stargazing sans pour autant renier l’importance grandissante du piano qu’avait révélé le sus-mentionné The Sky Is Mine avec ses chansons au spleen dépouillé plus que jamais marquées par l’héritage de Michel Legrand ou Francis Lai.

- Second constat, les nouvelles voix que s’est adjointes le beatmaker pour remplacer celles d’Helen White et de Kelvin Swaby (désormais bien occupé à répondre au petit succès de son groupe soul-rock The Heavy chez Ninja Tune) assurent avec élégance mais sans génie. C’est Hannah Collins, croisée justement sur le premier album de The Heavy (produit par Dingley), qui ouvre le bal sur le syncopé In This - sans doute le morceau le plus proche sur l’album de ce trip-hop light auquel on a longtemps rattaché Alpha par facilité - avant de passer la main à Duncan Attwood, frontman des excellents Blueneck (dont les deux premiers opus Scars Of The Midwest et The Fallen Host avaient également bénéficié de la palette impressionniste du Bristolien) pour un Stay particulièrement long en bouche, désespéré et cotonneux à souhait comme aux grandes heures du sous-estimé The Impossible Thrill.

-  Troisième constat, on n’est toujours pas sûr de savoir comment un morceau d’Alpha va se terminer avant d’en avoir vu le bout, cf. le mouvant Cilla qui démarre à la guitare et au clavier comme une simple ritournelle de chevet pour finalement se muer en envolée stratosphérique quelque part entre la blancheur filandreuse des nuages et l’immensité scintillante des cieux étoilés, ou plus loin le surprenant Don’t Stop It’s War paradoxalement confié à Hannah plutôt qu’à Duncan malgré ses accointances, au terme d’une longue intro rythmée par le monologue narratif d’une voix samplée, avec les progressions électriques particulièrement feutrées du post-rock de Blueneck. D’ailleurs, du désabusé Scream Louder à l’extatique Down, le maestro Dingley aura au contraire réservé à ce dernier les morceaux les plus électroniques et jazzy du lot, avec un instinct aussi judicieux que brillant pour le contrepied.

-  Quatrième constat en arrivant au cristallin Sunedune, ballet à la Bacharach dont le lyrisme parfaitement dosé et les pulsations décadrées flirtent avec les rondeurs discrètes de la basse et la tension fugace des balais jazz : lorsque résonne la voix de velours de Wendy Stubbs et son timbre romantique à la candeur versatile, je perds tous mes moyens au point de me mettre à chroniquer à la première personne. Omniprésente sur The Sky Is Mine qu’elle avait coécrit d’un bout à l’autre avec Corin Dingley, on ne retrouvera ici la Dionne Warwick aux gants noirs que sur Lisbon, véritable oasis de volupté aux cuivres lounge tout aussi désarmants dont le charme rétro contraste idéalement avec les distorsions cinématiques de l’instru Cherry Dub révélé par le groupe l’an dernier.

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- Cinquième constat enfin et non des moindres, seul Alpha est capable de faire sonner des cordes bontempi comme une manifestation du divin, il y en a partout et on en redemande, des crins stridents du refrain de Covers Been Blown où la soul blanche d’Hannah Collins s’épanouit dans son élément, jusqu’au Home Land final qui voit ses vocalises ferventes ourlées d’une couche de vocoder narcotique et vient clore le disque sur un océan de quiétude en apesanteur. On a la magie ou on ne l’a pas et de ce côté là Corin Dingley n’a jamais rien eu à envier aux géants du jazz modal ou des romances musicales troublées du cinéma français d’antan, pour le plus grand bonheur de nos petits coeurs fatigués.

Chroniques - 08.09.2012 par RabbitInYourHeadlights
 


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