Calva - Sacrifice

Oui, l’année n’est pas encore terminée mais d’ores et déjà, on le sait, elle aura été riche en saillies noise locales et iconoclastes balançant une multitudes de riffs tronçonneuses contre des cathédrales rythmiques et carrées sur fond de synthés déviants. Que s’est-il passé dans nos contrées cette année pour qu’elle accouche de telles poussières de fureur ? Est-ce le reflet d’une époque, indubitablement dure et violente ? Est-ce une conjonction de forces idoines convergeant toutes au même endroit et au même moment ? Est-ce le travail jusqu’au-boutiste d’une poignée de labels activistes ne s’avouant jamais vaincus ? Très probablement tout cela à la fois. On s’arrêtera aujourd’hui sur le cas de Calva qui comme son nom ne l’indique pas descend tout droit des Pyrénées pour nous balancer son Sacrifice bien trempé à la gueule.

1. Dolcetto
2. Titan
3. Swamp King
4. Trompette De La Mort
5. Rosemary
6. Rubik’s cube
7. Robocop
8. Blank Shooter
9. Macadam

date de sortie : 01-04-2012 Label : À Tant Rêver Du Roi

Un disque qui débute idéalement par un Dolcetto qui permet de bien poser le décor tout en provoquant irrémédiablement l’envie de poursuivre l’écoute, à la fois parfaitement représentatif de ce que Sacrifice réserve tout en ne constituant qu’une infime partie d’un tout que l’on aura de toute façon bien du mal à appréhender avant le dernier souffle rendu et le dernier cri expulsé. Ce que l’on aime ici, c’est le canevas de guitares à la fois cristallines et massues – un peu surf, un peu rock, tout le temps punk, majoritairement véloces et arrachées – mêlé à un synthé tournicotant qui pousse le titre à s’enrouler sur lui-même et autour de nos tympans dès sa sortie des enceintes. Un vortex très sec qui lance ce disque mouvant et en mouvement permanent le long de nombreux chemins de traverse aux multiples embranchements. Véritable puzzle géométrique, Sacrifice montre une dynamique variée et cabossée tout du long qui ne s’épuise jamais. Ce Dolcetto circulaire est ainsi suivi d’un Titan parfaitement rectiligne qui va et vient le long de son refrain rappelant de loin celui du formidable Ainsi Parlait Tintin de Maria Goretti Quartet avec qui Calva partage quelques points communs : ce goût pour les travers et les chausse-trapes en particulier et pour un punk déviant ultra-efficace aux accointances noise bien marquées (à moins que ça ne soit l’inverse) aussi.

Le visage de Calva est ainsi largement fragmenté, constitué d’une multitude de facettes et si l’on a envie dans un premier temps de s’arrêter sur chacune d’entre elles, la petite musique de Sacrifice n’a pas son pareil pour nous susurrer à l’oreille qu’il ne faudrait pas perdre de vue l’ensemble. On trouve ainsi bien peu de ressemblances entre les accents plombés et cuivrés du bien nommé Trompette De La Mort qui emprunte celle de Snævar Njáll Albertsson (de Mimas) le temps d’un instrumental synthétique et patraque et le chant mortifère (murmuré par Caroline Blanchet en provenance directe de Choochooshoeshoot) d’un Rosemary congelé et à l’agonie qui amalgame guitares maousses et orgue funèbre dans un mouvement ascendant lorgnant vers la mise en bière. Rien à voir non plus avec la syncope singulière et enlevée de Robocop qui voit le vocoder de Marvin copuler avec les cris implosifs de Fred Kourgane. Rien à voir, mais dans le même temps, tout pareil : le trio puise sa force dans sa sécheresse, dans sa volonté farouche d’envoyer au large toute envie de fioriture ou d’enjolivement pour ne laisser paraître au grand jour que ses idées, qu’il a plutôt nombreuses. Outre les boucles circulaires, la trompette et le vocoder pré-cités, on trouvera aussi un instrumental aux larsens fuyants (Rubik’s Cube) ou encore une ballade malade dynamitée après seulement quinze minuscules secondes par une foultitude de nappes synthétiques plombées et un refrain monomaniaque expulsé comme un crachat de la cage thoracique qui jusqu’ici le contenait (Macadam).

Sacrifice est donc tout à la fois sec et détaillé. Attirée par le contrepied et le contrechamp, la mixture de Calva se tient toujours exactement là où on ne l’attend pas. Sa musique cherche, se cherche parfois aussi, puis trouve et se trouve. Et nous trouve pour finir. Ce qui n’était somme toute pas si évident que ça au regard des alliages et amalgames pratiqués ici. C’est que le trio, extrêmement félin, a beau explorer les angles morts, sa belle énergie et son sens de la composition déviante l’amènent toujours à retomber sur ses pieds. Leur Cactus Costume inaugural et essentiellement instrumental de 2008 est maintenant loin derrière, le Calva de Sacrifice n’a plus rien à voir : peut-être plus ambitieux, franchement singulier, mouvant mais jamais approximatif, montrant une belle personnalité tout du long, le trio vole désormais de ses propres ailes et sa sincérité sauvage saute au visage. Alors, certes, les étiquettes n’adhèrent pas facilement sur sa carapace – sitôt déposées, sitôt disparues – mais n’est-ce pas là justement sa plus grande réussite ? Dans sa façon de se dérober en permanence et d’échapper à la moindre velléité de catégorisation, Calva finit par ne plus ressembler qu’à lui-même. Magnifiquement emballé par les soins du formidable À Tant Rêver Du Roi (dont Stéphane Sapanel, en plus de tenir les fûts monstrueusement efficaces de Calva, s’occupe aussi), le vinyle jaune de Sacrifice attend des oreilles attentives. Pour finir de convaincre les vôtres, le petit extrait ci-dessous devrait faire l’affaire :


Il ne tient qu’à vous de vous laissez entraîner par la noise pataphysique et iconoclaste de Calva, promesse d’une belle gueule de bois sans les effets néfastes qui, habituellement, l’accompagnent.

Excellent.


Si cela ne suffisait pas, ajoutons que l’album s’écoute ci-après :

Chroniques - 05.09.2012 par leoluce
 


Chroniques // 8 mai 2016
Calva

Nouvelle saillie noise locale et iconoclaste balançant une multitude de riffs tronçonneuses contre des cathédrales rythmiques et carrées en provenance d’À Tant Rêver Du Roi. Le tout sur fond de synthés déviants. C’est Siamois, le nouveau Calva et ça fait un bien fou.