Le streaming du jour #1034 : Monsieur Saï - ’Première volte digitale’ (EP)
Jeté sur sillons digitaux comme autant de bombes artisanales dans les soubassements d’un système qui réduit l’homme à un tas de viande tout juste bon pour l’abattoir, le nouvel EP de Monsieur Saï confirme un instinct musical intact dans la spontanéité du brûlot et, surtout, une plume n’ayant rien à envier au Michniak des derniers Diabologum ou des premiers Programme, une bonne dose de truculence en sus.
Insurrection digitale, écriture vitale, dystopie sociale devenue réalité, mafia politique, paresse intellectuelle et malhonnêteté culturelle, autant de thèmes qui s’entrechoquent sur cette série de morceaux suintant l’urgence et l’envie d’en découdre avec l’absurdité de notre environnement social, accumulés par Monsieur Saï entre la genèse du Meilleur des Mondes (un spectacle hip-hop inspiré d’Huxley, si vous aviez loupé l’interview et le live report du Crapaud à ce sujet) et celle d’un mini-album en collaboration avec le beatmaker Dakota dont l’EP Mandala nous avait fait une toute aussi belle impression.
Introspection ludique mais résolument névrosée sur fond de samples orientaux (Ma femme, ma came et mon arme, trois facettes de l’écriture selon Saï) ou théories du complot tournées en dérision par un fan avoué de Mulder et Scully (le générique de X-Files sur l’azimuté Illuminé MC), faux plaidoyer aussi flippant qu’hilarant pour le Parrain Dassault et détournement des dérives d’un Big Brother mondialisé (l’impressionnant Lune Bleue au trait à peine forcé, inspiré tout comme le titre du EP par le roman SF La Zone du Dehors d’Alain Damasio), cette Première Volte Digitale qui espérons-le en appelle quelques autres manie l’ironie avec autant de gourmandise que de colère mal digérée.
Comme souvent, tout ce qui cloche dans notre Hexagone qui ne tourne plus rond passe à la moulinette des rimes alambiquées et joyeusement caustiques du rappeur manceau de La Mauvaise Humeur, des rêves plombés par l’inertie des cités de béton (L’ennui des chimères) à l’hypocrisie des vendus du music business (1 pour la monnaie, et son parfait instru en équilibre entre mélancolie et ironie lascive) en passant par les stratégies déshumanisantes des élites et un laisser-faire généralisé qui vire à l’apathie du troupeau de bovins (fabuleux A bout de force), autant dire qu’en quelques écoutes le rire franc se fait jaune, amer aux entournures pour finalement laisser de l’espace à un background qui glace le sang, celui d’une société en décomposition.
A télécharger librement via Bandcamp et à diffuser autant que vous le pourrez, comme une nécessité.
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