Le streaming du jour #1516 : Ichiban Hashface - ’Wolf Vs Snake’
Avec des sorties plus minimalistes et lo-fi les unes que les autres, pas étonnant qu’Ichiban Hashface demeure bien planqué dans l’underground ricain depuis ses débuts discographiques en 2014 via l’EP du duo Rotten Doggz avec Sleep Sinatra (l’excellent Nuclear Village dont on parlait ici, tout en spleen orientalisant aux allures de RZA sous-produit et désespéré) et surtout The Swordsman en solo chez Digi Crates, label new-yorkais de l’excellent Hus Kingpin (Tha Connection).
En parlant de Digi Crates, c’est grâce à notre cratedigger maison Spoutnik que le rappeur et beatmaker du Nebraska est apparu sur nos radars début 2015 pour ne plus les quitter, c’était pour le sus-nommé The Swordsman sacré meilleur album hip-hop de l’année précédente par l’intéressé. Deux ans plus tard, on aura eu droit aux EPs hypnotiques et jazzy Raw Fish et Moonshine Dojo, et aux trois volets instru de House of Hunan au sampling tout aussi fragile et mélancolique, entre jazz, downtempo et hip-hop cinématographique mais dans une veine moins plombée et c’est tant mieux, parce que le Wolf Vs Snake dont il sera question ici, ça a beau être magnifique, on en boufferait pas tous les jours à moins d’avoir à portée de main le tantō pour se faire seppuku (ou la bonne vieille corde pour se pendre, ça marche aussi).
La pochette crépusculaire annonce en effet la couleur, sang (mêlé de larmes en l’occurrence) et patine du passé, allégorie d’un conflit intérieur "à une époque critique de ma vie" nous dit Ichiban sur Bandcamp. Comme à l’accoutumée, ces réminiscences prendront la forme d’une épopée dans le Japon des samouraïs et encore plus que d’habitude les cendres du temps et la rigueur d’un hiver sans fin s’enlacent pour engourdir le cœur de l’auditeur, entre froideur d’un beatmaking aussi désincarné que le flow exsangue d’un MC tellement malmené par la vie que plus rien ne semble l’atteindre au fond de l’abîme de tristesse duquel il adresse ses démons, blessures, tentations, regrets... et tristesse lancinante des boucles souffreteuses et déliquescentes, un peu moins lo-fi qu’aux débuts, DIY juste ce qu’il faut.
Au second plan, les textures analogiques du matériel échantillonné par cet amoureux de soundtracks obscurs (voire un peu moins, cf. High Off the Venom qui use discrètement du thème d’un vieux Roméo et Juliette italien signé Zeffirelli) gondolent et se déforment pour mieux faire ressentir cette impression que tout est périssable et prêt à s’effondrer au moindre kesa giri dans le vent, tandis que les samples de synthés vintage (Universal Law), de violons crève-cœur (le sommet Isolation ou encore Pack of Wolf), de piano tragique (War Inside the Mental, Snake Jump) ou même de bossa cafardeuse (Guard Ya Meal et surtout The Food Got Poison In It !, entre fatalité et tendresse pour les âmes brisées) vous tirent un peu plus le moral vers le bas à chaque instant sans jamais vraiment donner le coup de grâce, jusqu’à la rédemption finale et inattendue d’un Heavy Rain liquide et onirique où le flow d’Ichiban semble progressivement reprendre vie.
Grand, et surtout d’une sincérité qui ne devrait laisser personne indifférent.
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