Melt Downer - Melt Downer
On ne sait pas grand chose de Melt Downer, voire rien mais qu’importe, son premier disque parle pour lui. Au menu, des riffs carnassiers, une basse plombée et un kit de batterie qui souffre beaucoup mais pas que, la musique peut aussi se révéler très légère et sans crier gare, perdre toute sa férocité. Une chouette expérience.
1. Junkadamy
2. Rave
3. Keep Falling Off
4. Patterns In Random Data
5. The Leisure Death
6. Mutter
7. Sri Lanka
8. White Gathering
9. Science is Fiction
10. Back Down For The People Of The Past
11. Trespass
12. Dawner
Drôle de disque, se dérobant sans cesse dès que l’on pense enfin l’avoir cerné. Et puis, avec douze titres étalés sur plus d’une heure, c’est long aussi. D’autant plus qu’on ne sait à peu près rien du trio qui l’a engendré. Tout ce que l’on sait, c’est ce que l’on entend : des morceaux carbonisés, un brin harsh, menés par une guitare barbelée et une voix métamorphe qui manie également l’invective et le mégaphone au besoin. C’est plutôt bordélique et ça avance la plupart du temps pied au plancher. C’est punk mais aussi noise mais aussi rock’n’roll et puis hardcore et même dub. Et parfois, ça s’inverse et ça devient complètement psycho-paumé avec colliers de fleurs, course nue dans les champs de blé, ouverture des chakras et tutti quanti avant d’aller explorer l’espace intersidéral autant qu’intérieur. Et encore, on ne résume là que les premiers titres car par la suite, on trouvera encore beaucoup d’autres passages bruitistes et puis ce que l’on devra bien se résoudre à appeler une « chanson » eu égard à tout ce qui l’entoure (Sri Lanka, dans sa première partie tout du moins avant que le morceau ne se transforme en long trip halluciné) ainsi qu’un dernier morceau qui s’en éloigne fortement, amalgame de riffs melviniens et de bruit qui multiplie les minutes. Par-dessus ou en-dessous c’est selon, une production ultra-aiguë, pleine d’écho et de souffle qui n’arrondit jamais les angles et n’a que faire du confort de l’auditeur. Ça larsen, ça fuzz, ça racle, ça frotte et ça crisse, ça passe plus souvent qu’à son tour les tympans à la toile émeri mais ce n’est jamais non plus complètement inhospitalier. Au bout du bout du bout, le côté corrosif ne gagne jamais complètement la partie et Melt Downer reste un disque tangentiellement pop. Une pop désarticulée et déviante certes, souvent défigurée et très attirée par le bruit blanc mais qui ménage toujours des espaces pour rester attirante. Bon, c’est tout de même beaucoup plus jusqu’au-boutiste que le tout venant et surtout, à force d’amalgames et de dosages, d’emprunts et de tentatives, ça finit par ne ressembler qu’à lui-même. Enfin, l’écoute est souvent des plus jubilatoires même s’il lui arrive d’être un brin agaçante.
Melt Downer est autrichien, Melt Downer sort donc un premier album qui s’appelle fort justement Melt Downer, Melt Downer est un trio (Wolfgang Möstl, Mario Zangl et Florian Giessauf) dont chaque membre a déjà traîné ses guêtres dans d’autres formations également recommandables (pêle-mêle Mile Me Deaf, Killed by 9V Batteries ou encore Torso, la liste n’est pas exhaustive) et si de prime abord on ne sait trop quoi penser de sa musique, elle se fraie tranquille un chemin dans l’encéphale en venant se bloquer quelque part entre les Melvins et des trucs plus verts comme Girl Band par exemple ou certaines occurrences de la clique Sacred Bones Records. On l’aura compris, il y a pas mal à explorer là-dedans et le noise-rock à haute teneur psychédélique de Melt Downer touche souvent juste : du Junkademy inaugural, aussi ramassé que concis, balançant son lot de stridences pour planter immédiatement le décor à Keep Falling Off, plus typé hardcore en passant par le très psychédélique Patterns In Random Data ou encore Mutter, voire Trespass, simplement hargneux, c’est un festival de chausse-trappes et bifurcations. On dirait que le trio prend un malin plaisir à brouiller les pistes et à chaque fois qu’un morceau se termine, le suivant se trouve systématiquement ailleurs. Il suffit que la guitare montre les crocs pour que l’instant d’après, elle s’aplatisse ; la basse peut sortir une ligne à décoller le papier peint puis devenir tout à coup très discrète et la batterie demeure tout le temps plastique, s’adaptant à l’apex tracé par les deux autres. On est souvent surpris à l’écoute de cet éponyme et rarement déçu. On peut le prendre par n’importe quel bout et multiplier les écoutes, il y a toujours un truc qui prend par surprise ou que l’on n’avait jusqu’ici pas encore réellement entendu. La palme sans doute pour la presque demi-heure de Dawner qui achève le disque en refusant de choisir son camp camarade. C’est plombé mais aussi léger, métamorphe et répétitif, féroce et doux comme un agneau. On ne sait pas trop où ça va et sans doute Melt Downer ne le sait-il pas lui-même mais qu’importe, à la fin, les riffs-enclumes appuient tellement sur l’occipital qu’on ne se pose plus la moindre question.
C’est bien là la grande force du disque : on ne sait jamais à quoi s’attendre et l’écoute n’est jamais automatique. À la longue, elle peut même se montrer épuisante et pourtant, on y revient souvent car le long trip halluciné et éclectique ne laisse jamais indifférent.
Brillant.
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