Le streaming du jour #1694 : IRM presents - ’IRMxTP part IX - The Gifted and the Damned (Great Players Are Either Far or Few)’

Les élus et les damnés, les esclaves et les maîtres, la loge blanche et la loge noire, la clarté et les ténèbres, l’innocence et la perversité, le bien et le mal, les frontières sont minces surtout dans Twin Peaks. Ce neuvième opus de notre compilation hommage en 16 parties, mastérisé par l’Italienne Marie Rose aka MonoLogue (un grand merci à elle !), va vous faire naviguer à travers cette dualité qui cohabite en chacun de nous. Vous allez suivre une chute à travers 11 pistes et les anges ne vous aideront pas puisqu’ils sont tous partis. 11 pistes comme un crescendo de tension allant du rêve au cauchemar et quoi de mieux que le hip-hop pour balayer toutes cette palette d’émotions ! Car oui, The Gifted and the Damned est une compilation hip-hop, la quasi-totalité des titres y sont rappés et le résultat est renversant !

Quand nous avons contacté les rappeurs présents sur ce volume, nous n’étions pas sûr du résultat, non pas que nous doutions de leur talent ou de leur inventivité (bien au contraire), mais la sauce allait-elle prendre ? Le rap allait-il s’accoquiner avec David Lynch et sa fantasmagorie si singulière ? Hé bien oui, ça marche, chaque piste qui nous a été offerte a été une surprise et la création de The Gifted and the Damned s’est faite tout naturellement.

Ainsi quel titre aurait pu être meilleur que ce Fantasy signé par Summon pour ouvrir ce neuvième volet ? La ritournelle bancale de l’emcee d’Albuquerque habitué aux ambiances glauques comme son Anumals de 2016 (ou Scapegoat l’année d’avant) ouvre parfaitement la voie au crescendo émotionnel qui va suivre. Son flow doux et rauque presque susurré résonne avec tout le mystère qu’on demande à un premier titre et permet d’entrapercevoir le ciel sous la brume de la bourgade. Le ciel justement, il en est question avec l’histoire de la Grotte du Hibou d’Unsung. Depuis quelques années on ne tarit pas d’éloges sur le Virginien, Visual Art, Private Music et surtout Young Man sont des petites pépites et son The Secrets of Owl Cave télescopant musique ethno-new age féerique et flow alt-rap nous a emballés. Jesse Dangerously poursuit dans cette voie, son titre navigue en haut altitude. Le rappeur d’Halifax est fou, ça on le sait, et quand son flow chanté estampillé Backburner se transforme en mitraillette, on en redemande. Le final de son Against Dreaming est une petite merveille comme seuls les Canadiens savent le faire. Avec cette piste, le ton se durcit légèrement, k-the-i ??? va apporter sa pierre à cette tour de Babel qui ne va pas tarder à se casser la gueule. Pour la petite histoire, Previously Parallel a été enregistrée en une nuit quelque part entre la France et l’Allemagne pour remplacer Slim Chance (présent sur son dernier Euthanasia​.​.​. Removed From Self) ; comme nous ne voulions que des titres inédits, k-the-i ??? nous a fait ce deuxième cadeau. Très Broken Love Letter, cette piste annonce la chute et signe l’adieu aux anges, une chute illustrée par le superbe artwork de Michael Miglietta aka Parlay Droner, illustrateur du label underground rap FilthyBroke Recordings dont on retrouvait le morceau Project Sign Incident #18 cet été sur notre Volume V.

Arrive John E Cab, pensionnaire d’US Natives Records. Le beatmaker philadelphien assure un titre grandiose avec Fifteen Fifty (qu’on avait déjà pu entendre sur notre teaser Welcome to Twin Peaks EP), la piste cinématographique qui assure le pont entre les élus et les damnés, un titre en 3 parties qui ratisse dans toutes les directions et avec lequel toutes les ambiances Lynchiennes se ressentent. L’animalité fait partie des thèmes propres à David Lynch et c’est Pruven qui s’y colle, épaulé ici à la production par l’excellent Jakprogresso aka Jak Tripper. Ces deux là nous avaient proposé deux pistes : Animal Instinct et King’s Vivid Country ; le premier est sur notre The Gifted and the Damned, le second se retrouve sur l’excellent Blood From Ancestors. Les deux sont des pépites froides où le flow martial d’une incroyable maîtrise de Pruven prend une ampleur rarement atteinte. Nous avons choisi et c’est Animal Instinct qui collait le mieux à notre compilation Twin Peaks. Voici une autre piste en parfaite adéquation avec notre projet : Shutter The Sawmill de BRZOWSKI et C$Burns. Selon une étude (de merde) de la New York University, les personnes présentant les plus fortes tendances à la psychopathie écouteraient majoritairement du hip-hop, c’est faux (quoi que) mais à dire vrai, ensemble, ces deux-là font peur, Enmityville est en la preuve et le morceau qu’ils nous ont offert en est la pièce à conviction, une entité fantomatique froide alliant d’une certaine manière métal et hip-hop, une piste dont on ne ressort pas indemne et assurément l’une des réussites de cette compilation.

Maintenant, faites de la place à Boxguts dont on ne dira jamais assez que toutes ses sorties de l’année dernière ont été énormes ! Son Gas Pump avec Dr. Evazan, vous le connaissez sûrement si vous avez écouté notre Welcome to Twin Peaks EP, mais ici il prend une autre envergure en forme de sommet de tension primale, le flow rocailleux du New-Yorkais trace un chemin au bulldozer dans le labyrinthe cristallin construit par le toujours excellent Dr. Evazan à la production et ouvre la voie à Big Epoch. Lui aussi n’y va pas avec le dos de la cuillère ! La piste indus du Californien et son flow robotique nous accueillent au milieu des damnés, la chute a été belle et la folie nous guette puisque c’est au tour d’Uncommon Nasa. Entre démence, lourdeur et cauchemar, le rappeur/producteur new-yorkais est délicatement rentre-dedans, expérimental et claquesque en même temps, il se place entre La Quatrième Dimension (comme sur Mink Swimming Pools ou son dernier Written at Night) et Twin Peaks, et ouvre la voie au bouquet final signé Monsieur Saï ! En véritable point final et assurément point d’orgue de cette neuvième compilation, le manceau signe un La Loge Blanche en forme d’adoration à Twin Peaks, ça se sent et son interview le prouve ! Ici Monsieur Saï truffe sa piste de références à la série, de faux samples recréés et enregistrés à l’envers à la façon des deux premières saisons et fantasme en français un début de saison 3 alternative, son morceau pousse la tension à son paroxysme comme on n’aurait pu l’imaginer. Plus de Doppelgänger, après la chute, la loge blanche est notre seule rédemption mais "la forêt n’est pas tranquille".

Mais assez de blabla, on vous laisse découvrir tout ça, en libre téléchargement comme il se doit, avant la sortie du maintes fois repoussé volume VII dans les semaines à venir (si tout va bien) :