Zippo - Zippo contre les robots
Partageant avec Monsieur Saï (et sa Mauvaise Humeur), à défaut d’un goût pour des productions organiques et noisy, quelques influences fondamentalement pessimistes sur l’état et l’avenir de notre humanité - Guy Debord sur l’instru In girum imus nocte, et les dystopies d’Aldous Huxley (Le meilleur des monde) ou bien évidemment d’Orwell (i-monde) - et un esprit contestataire au bord de l’incitation à la révolte (Etincelle), le Niçois Zippo crache sur les instrus électro-hip-hop de ce second projet (six ans après le déjà bien acerbe Bûcheron) son dégoût de l’absurdité du monde aseptisé, désincarné et sans espoir qui devient peu à peu le nôtre, avec un talent d’écriture rare sous nos horizons, aussi caustique voire cynique que jubilatoire.
1. Noeud de cravate
2. Le meilleur des mondes
3. Google
4. L’homme à la tête creuse
5. Greenwashing
6. Charlie
7. Palme d’or
8. La mer monte
9. Hémorragie
10. Cap 3000
11. Le dernier cri
12. In girum imus nocte
13. i-monde
14. In mars we trust
15. Etincelle
Presque toujours haut en couleurs malgré quelques facilités ou exagérations (Palme d’or) inhérentes à la colère et à la frustration qui motivent forcément ce genre de pamphlets à la croisée du réalisme le plus cru (Noeud de cravate) et de la satire grinçante (l’hilarant petit tube électro-chip Google), souvent bien moins facile aussi - à entendre, comme beaucoup de vérités - mais courageux voire téméraire (Charlie et son constat sinistre d’un extrémisme des deux bords, ou encore ce passage d’i-monde qui réhabiliterait presque Unabomber), Zippo contre les robots fait feu de tout bois, de la technologie qui nous déshumanise aux indignations qui nous arrangent, de la folie reproductrice d’un monde qui s’autodétruit (La mer monte) à la course à l’exode spatiale des industriels pétés de thunes qui laissent derrière eux une planète exsangue (l’épique et presque Deltronien In mars we trust), en passant par la récupération de l’écologie et du bio qui nous lave le cerveau (Greenwashing).
Si les instrus parfois un peu trop dopés à la trap - quoique transcendés ici et là par des sonorités cinématographiques (Le meilleur des mondes) ou des chœurs élégiaques (Le dernier cri) - ne jouent pas toujours dans la même division, ils sortent parfois leur épingle du jeu comme cette très sombre Hémorragie, constat sanguinolent des culpabilités que l’on fuit sur fond d’ambiance de film d’horreur futuro-gothique à la John Carpenter (l’une des deux productions d’un nommé Corrado avec le requiem L’homme à la tête creuse et son atmosphère claire-obscure entre humanisme et ironie), ou encore Cap 3000, ode triste pour chorale de zombies et orgue bontempi à nos vies de fantômes de supermarché.
Mais le climax de spleen synthétique de ce Zippo contre les robots, également signé comme la plupart des autres tracks par un certain Le PDG (membre comme le MC du crew niçois Le Pakkt), est aussi son sommet de verve désabusée : i-monde, qui rejoint justement Monsieur Saï pour cet équilibre idéal entre truculence et désespérance quant au futur technologique, liberticide et ouvert à toutes les catastrophes écologiques imaginables qui nous attend au tournant de la prochaine décennie, dans la joie et la bonne humeur des masses. "Trop d’ultraviolets faut qu’t’achètes une clim, déjà qu’tu t’fais violer par des particules fines, mais même si t’y travailles t’as pas l’prix d’usine donc pour remplir ton panier chez Darty tu trimes" : la condition humaine en 2018 c’est pas le pied et Zippo en est assurément l’un des storytellers les plus éclairés (à la bougie, donc) et brillamment... synthétiques (dans les sens musicaux et littéraires du terme). A découvrir d’urgence avant que la planète ait cramé pour de bon :
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