Tir groupé : ils sont passés sur nos platines (3/6 - 9/6/2019)

Chaque dimanche, une sélection d’albums récents écoutés dans la semaine par un ou plusieurs membres de l’équipe, avec du son et quelques impressions à chaud. Car si l’on a jamais assez de temps ou de motivation pour chroniquer à proprement parler toutes les sorties qu’on ingurgite quotidiennement, nombre d’entre elles n’en méritent pas moins un avis succinct ou une petite mise en avant.





- Cape Willoughby Road & Blear Moon - Split (18/05/2019 - Secret Press)

Rabbit : Deux inconnus au bataillon sur cette cassette d’ambient slave : en face A, les récollections mélancoliques et granuleuses du Biélorusse Cape Willoughby Road, d’où émerge par intermittence un piano d’un autre temps ; en face B, les denses nappes stratosphériques du Russe Blear Moon, tchèque d’adoption dont la mystique claire-obscure aux boucles étouffées évoque l’excellent Astral & Shit (lequel vient finalement de faire un break après avoir sorti 650 albums (!!!) en 4 ans - autant dire qu’on avait lâché l’affaire depuis longtemps). Deux très belles découvertes donc.


- Fabio Orsi - di lumi e chiarori (24/05/2019 - autoproduction)

Rabbit : Si ce nouvel opus de l’Italien va vers les lueurs, ce sont sûrement celles de l’espace et des astres qui nous entournent plutôt que celles du petit jour. Entre kosmische musik, électronica rythmique et ambient synthétique scintillante, ce mini-album entièrement enregistré sur un ipad (on s’en fout mais c’est quand même un tour de force) est un petit bijou, aux beats tellement plus présents qu’à l’accoutumée qu’il n’aurait pas dépareillé du côté de feu Tympanik Audio.


- Lamb - The Secret Of Letting Go (5/05/2019 - Cooking Vinyl)

Rabbit : Caractérisés au pic de leur carrière trip-hop par un équilibre parfait entre lyrisme vocal et explorations électroniques, les Mancuniens Andy Barlow et Lou Rhodes ont pris un virage nettement plus pop depuis quelques albums. Passée son intro un brin grandiloquente, The Secret of Letting Go n’en est pas moins aussi intense qu’élégant, à l’image des cordes du single Armageddon Waits, alternant ballades acoustiques ou électroniques, crescendos percussifs et jazzy (l’énorme Deep Delirium), électro-pop claire-obscure au beatmaking alambiqué (Bulletproof, Illumina) et même une incursion plus syncopée mâtinée d’accents hip-hop à l’anglaise (Moonshine). Quant à la voix de Lou, toujours aussi malléable et sensuelle, elle sert donc de fil conducteur à ce bel album aux atmosphères variées.


- OneWerd - Timeless (6/05/2019 - autoproduction)

Rabbit : Tout juste rentré d’une chouette tournée française, le rappeur californien précédemment passé par les rangs de Fake Four Inc. lâche un nouvel album autoproduit. Teintés d’acoustique et d’électronique, les petits hymnes alt-rap de Timeless distillent un lyrisme plus ou moins dynamique (No Road Home) ou introspectif (I Need You), marchant dans les pas d’un Ceschi versant pop sur le single et meilleur titre du disque, Walk Into The Ocean.


- The Phonometrician - Mnemosyne (31/05/2019 - Lost Tribe Sound)

Rabbit : Sublime pochette pour ce premier album du guitariste, compositeur ciné et collectionneur de sons Carlos Morales, et comme toujours avec le label de William Ryan Fritch, Seabuckthorn et autre Alder & Ash, la musique, particulièrement sensorielle ici, n’est pas mal non plus ! Crépitante, texturée, rongée par les field recordings et enluminée d’arrangements sporadiques, la folk primale sombre et habitée du Mexicain déroule un storytelling abîmé par les défaillances de la mémoire, où les moments de flottement et d’incertitude laissent place au pics d’intensité des récollections les plus vives. Superbe.


- Funki Porcini - STUDIO 59 (3/06/2019 - autoproduction)

Rabbit : Enregistré en Gironde, ce nouvel opus de Funky Porcini renoue, après des sorties plus ambient qui avaient trusté mes tops de fin d’année, avec le downtempo mi lounge, mi-alambiqué et les charmes rétro de la grande époque de Mo’Wax ou des débuts de Ninja Tune, label dont il avait fortement contribué à forger l’esthétique au milieu des années 90. Toujours ce goût pour le sampling halluciné (Things Gettin’ Rough), la drum’n’bass volatile (Category Nine) et les sonorités plus jazzy des claviers (Mauve) ou de la batterie (Fluttery Eyed Disco) mais on trouve aussi sur ce disque des incursions inhabituellement hédonistes (Miss Whirled, I Want My Brain Reversed) amplement compensées toutefois par un morceau proprement fantastique, ce Simple aux allures de soundtrack fantasmagorique et intrigant à la Bernard Herrmann des 60s, toute harpe dehors, qui fait le lien avec le chef-d’œuvre précédent du Britannique, The Mulberry Files. Quoi que fasse James Braddell, il le fait bien et c’est irrésistible.

Elnorton : En effet, Funki Porcini revient vers ce downtempo mid-90s qui lui avait permis d’asseoir sa réputation d’expert en sampling. A l’image de Things Gettin’ Rough, Category Nine ou Fluttery Eyed Disco, les rythmiques sont à l’honneur et les beats astraux se lovent dans des (re)constructions abstraites et apaisantes. Les atmosphères plus ambiantes ne sont d’ailleurs jamais très loin, la première partie de Faster Doggycat permettant ainsi aux auditeurs de chiller avant que la machine ne s’emballe, ou plutôt que les rythmiques ne renforcent l’hypnotisme. La dynamique n’est pas si éloignée de celle qui se dégage de Well Done Snowdome Esplode A Vie avec son post-jazz au chant - en français - hanté rappelant Jay-Jay Johanson, ou d’un Mauve aux claviers étouffés façon Ray Manzarek. Studio 59 constitue donc un retour aux sources aussi inattendu que réussi.


- Odalie - s/t EP (9/04/2019 - autoproduction)

Rabbit : Il y a quelque chose de la trop rare Marielle V Jakobsons chez Odalie, dont le premier EP éponyme dévoile dans une ampleur impressionnante une mystique à mi-chemin de la Terre et des astres, la mélancolie langoureuse d’un violoncelle emplissant tout l’espace sonore qui sépare les basses profondes des synthés érodés et autres blips évanescents sur le magnifique La nécessité d’être, dans une danse des cœurs et du cosmos dont le lyrisme tout en retenue n’a d’égale que l’hypnotisme pétri de mystère et d’éternité. D’une électronica mi-stellaire, mi-primale (Solstice) à une ambient néo-classique aux textures organiques sous-tendue de quelques kicks abstraits (Parenthèse) en passant par un Baume aussi lancinant qu’apaisant où les cordes se font plus solaires et l’électronique luminescente et foisonnante, ce généreux 4-titres augure assurément du meilleur pour la suite des aventures de la Lyonnaise.


- Philippe Petit & Black Sifichi - The Bedded (10/06/2019 - m-tronic)

Rabbit : Sortie sur l’excellent label électro m-tronic, cette collaboration de 21 minutes voit Philippe Petit délaisser ses platines au profit d’un synthé modulaire Buchla Easel K, surnommé "boîte à musique électrique", dont les oscillations lancinantes à la croisée d’un noise ambient claustro et d’un minimalisme électronique semi-aléatoire à la Mego, évoquent dans un crescendo de tension la douleur physique et la confusion du personnage de Black Sifichi, narrateur spoken word qui se réveille à l’hôpital, immobilisé et blessé à la jambe, dans une atmosphère froide et dystopique qui n’est pas sans évoquer un film comme THX 1138. Pourquoi les médecins sont-ils si peu prompts à se rendre au chevet du patient ? Et finissent par mettre des gants en plastique pour toucher son membre tuméfié ? L’anticipation grise et géométrique de la pochette fait-elle écho à une société déshumanisée en proie à quelque catastrophe de santé publique ? L’histoire ne le dit pas mais distille en anglais et via la voix rauque du collaborateur récurrent de Brain Damage et 2kilos &More une angoisse magnétique à la hauteur des inquiétantes improvisations soniques qui lui servent d’écrin.


- WMD - Young Angry Love (7/06/2019 - Hush Hush Records)

Rabbit : Après beric., la nouvelle révélation du label Hush Hush cette année officie dans des sphères électronica/ambient tout aussi feutrées et encore plus métissées, entre piano post-classique, chillwave évanescente, field recordings et soupçon de post-rock éthéré aux guitares planantes. Une belle maturité se dégage de cette première sortie officielle et pour cause, l’Américain Michael Erickson aka WMD n’en est pas à son coup d’essai, avec une vingtaine d’autoproductions publiées sous le manteau à tout juste 22 ans. Une très bel album qui finit de nous envôuter au son des lointaines vocalises féminines perçant la brume du contemplatif Watching Boats Through The Fog.


- Deafeater - s/t (10/05/2019 - Epitaph)

Riton : Après l’énorme retour de La Dispute en mars dernier, c’est au tour de Defeater de faire parler la rubrique hardcore mélodique frénétique et passionné. Bien qu’il n’ait pas la même destinée que les premiers cités dans nos colonnes (à savoir une place dans le top), il n’en demeure pas moins excellent : preuve en est que quatre ans après un Abandoned bien moins prenant que ce qui précédait et malgré le départ du guitariste Jay Mass, les Bostoniens en ont encore énormément sous le coude. On reprend la fresque tragique américaine post seconde guerre mondiale débutée avec Travels (2009), cette fois à travers le prisme de la mère de famille déchirée, dans une narration de 11 morceaux suintant la tristesse, le mal-être, l’inconfort de vie où les riffs déferlent en larmes sans jamais être niais, où l’inimitable voix de Derek Archambault s’écorche au plus mal. Le récit est épique, brutal, survolté, le grand Defeater est là !

Rabbit : J’avais pour ma part laissé Defeater sur le très réussi Letters Home, qui s’était quant à lui taillé une petit place dans l’un de nos top mensuels à l’époque. On en retrouve ici l’équilibre entre intensité, vélocité et tourments emo, efficacité et noirceur, mélodicité et instrumentation viscérale et il semblerait que j’ai finalement bien fait de faire l’impasse sur le précédent, évitant la déception puisque cet éponyme est tout aussi bon que l’opus de 2013 sus-mentionné.


Articles - 09.06.2019 par
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