Top albums - été 2021
Allez en rang d’oignon et tenez-vous la pogne, la rentrée musicale a déjà sonné et on vous fait un récap en accéléré de nos coups de coeur de l’été avant de rentrer dans le vif du sujet avec la reprise imminente des chroniques et du podcast.
Nos albums de l’été (juillet-août)
1. Eddie Palmer - Somewhere In My Dreams We Are Together Again
Après les fantasmagories rétro-futuristes de Dreams About Terrors and Travels, déjà notre album du mois de janvier, où dominaient piano, synthés et arrangements cinématographiques, Eddie Palmer fait une infidélité de plus à ses projets Cloudwarmer, Fields Ohio ou Aries Death Cult avec ce deuxième solo de l’année, plus lyrique et carillonnant, ode céleste à son chat Fox disparu au printemps (cf. We’ll Meet Again) qui s’élève au-dessus de la grisaille du précédent pour vibrer dans l’éther au gré de ses VST acoustiques (Sing Me Back to Sleep) et de ses discrètes dynamiques électroniques voire ambient techno (When I Wake You Are Gone). Pour autant, loin de verser dans la facilité, Somewhere In My Dreams We Are Together Again n’est pas sans attrait pour les dissonances inquiétantes (Here Comes the Gloom) et le spleen aux harmonies plus troublantes (Almost Sunshine). Ainsi, à mesure que l’album voit son élan d’espoir initial retomber dans l’affliction, ambient et piano reprennent le dessus (I Was Never Really There, April 5 2021), de même que ces synthés d’un autre temps aux brumes mi-réconfortantes mi-dépressives (Things Absolutely Do Not Happen For a Reason) et c’est finalement sur les réminiscences du jazz cinématographique et angoissé de son projet solo Studio Noir (William Gibson Whiskey Jazz) que le disque culmine avant de terminer sa course, sur une trajectoire plus désespérée que l’introductif et tintinnabulant The Mysterious Mrs. Paine l’avait laissé imaginer, introduction logique à l’introspection tristounette du nouveau Cloudwarmer dont on vous reparlera très probablement le mois prochain.
(Rabbit)
2. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - We’re OK. But We’re Lost Anyway
"Ce qui frappe d’emblée, c’est l’arrière-plan infiniment travaillé et ciselé, le charivari percussif, les cordes élégantes, les chœurs et les cuivres qui insufflent une force incroyable aux divers morceaux. Le Puissant Marcel Duchamp compte douze membres (et quelques renforts) qui jamais ne se marchent sur les pieds : le nombre n’est pas dévolu à la puissance, il l’est à la nuance et même si l’espace qui lui est laissé est forcément restreint, le silence s’invite souvent dans l’équation, décuplant la force de chaque instrument. Le marimba tintinnabule follement, la contrebasse résonne gravement, les cordes extirpent des larmes amères, les cuivres, des sanglots, la guitare se fait discrète mais n’en reste pas moins déterminante et la voix, plus que jamais, transporte : encore une fois, un enchantement.
Ce qui frappe aussi, c’est le côté inquiet de We’re OK. But We’re Lost Anyway. qui néanmoins n’entame jamais la grande énergie du collectif. Ici, on ne s’apitoie pas, on ne se regarde pas le nombril, on n’est pas triste d’être triste et si jamais on l’est, c’est qu’on y est forcé. On peut être d’humeur maussade, légèrement interdit mais pas question de capituler. Les neuf titres défilent et nous empoignent par les tripes, colonisent l’encéphale et provoquent beaucoup. On aime passer du temps avec eux, concerné, transporté et complètement raccord avec leur beauté inquiète.
Et puis, à l’instar de la musique, les textes sont eux aussi finement travaillés et particulièrement lucides, pointant toute l’absurdité du capitalisme conquérant, le désappointement découlant d’une époque qui semble plus que jamais en sursis, les raisons d’être en colère, d’être triste, de se sentir coupable, de ne pas rendre les armes ou de rêver. Il en résulte un flux protéiforme qui emprunte toujours autant à tout un tas de choses mais qu’ils sont bien les seuls à maîtriser ainsi, insufflant force mélancolie dans le nerf, des moments de pure apesanteur dans une ossature par ailleurs foisonnante, le tout avec une incroyable fluidité qui préserve en permanence leur groove ample et ouvert aux quatre vents."
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(leoluce)
3. Thavius Beck - Cosmic Noise
Le précurseur californien du glitch-hop, pierre angulaire du hip-hop électronique moderne, délaisse le chant mais continue partiellement sur la lancée de l’excellent Technol O.G. qui phagocytait il y a 4 ans trap, transe et autres pseudo-genres bâtards du hip-hop commercial et de l’électro dansante pour leur imposer sa patte enfiévrée, urgente, virtuose et ludique, entre deux incursions drum’n’bass qu’il n’a pas tout à fait abandonnées ici (The Principle Of Rhythm). Plus mystique et stellaire comme le laissaient entendre sa pochette et son titre, Cosmic Noise flirte toutefois un peu moins avec les tendances actuelles, renouant avec l’abstract évocateur des débuts (Mr. Mercurial, Birdsong), avec des expérimentations plus radicales proches de l’IDM post-industrielle (Chaos Theory) ou de la dark techno (Dark Matter), voire avec ce son à la Brainfeeder que l’auteur de l’immense Dialogue avait contribué à inspirer (Work !, Reunited With The All), mais la fascination pour la trap recontextualisée en de vraies progressions mélodiques et lyriques demeure (Inner Space, Taking Over Me), de même que les excès d’emphase orchestrale sur le fil du bon goût de The Most Beautiful Ugly (Baby Tell Me That…), l’attrait pour les synthés 80s anachroniques (Angel Bop) ou encore une certaine grandiloquence funky qui fonctionne particulièrement bien sur le très réussi Issa Wrap. Encore un grand album malade en somme, que l’on se réjouit déjà d’explorer dans toutes ses mutations intrigantes et dans toutes ses contradictions.
(Rabbit)
3. Parallel Action - Parallel Action
La grande et belle découverte de l’été sur IRM c’est ce premier long format du musicien électronique londonien Jude Greenaway sous son nouvel alias Parallel Action, qui lui permet au passage d’inaugurer le label C7NEMA100 dédié aux soundtracks imaginaires hybrides et mélangeurs. Et autant dire d’emblée que ce LP en est un beau, revisitant l’héritage du son de Bristol dès l’inaugural Waiting On You marchant sur les traces du Massive Attack d’Unfinished Sympathy, le crescendo d’intensité et l’affliction du chant aidant. De l’abstract hip-hop équilibriste de Rawk au rap féminin urbain et ténébreux de Connect The Dots, du future jazz virtuose et texturé d’un Colours & Chords lorgnant sur l’inimitable Funki Porcini au trip-hop orchestré d’Always Future en passant par le dubstep évocateur et insidieux de 10/10, le hip-hop irradié aux drums organiques de The Racket ou la tension lourde de Blazing, le musicien épaulé de plusieurs rappeurs et vocalistes réinsuffle de la vibration instrumentale et des atmosphère intrigantes dans un genre aujourd’hui trop délaissé ou devenu à tort synonyme d’easy listening pour bobos, privilégiant les instrumentaux pour inventer le chaînon manquant entre DJ Shadow, Monk & Canatella ou Red Snapper et les productions capiteuses des Heliocentrics ou du Hidden Orchestra. Merveilleux.
(Rabbit)
5. G. Lolli - Il reste la douleur
"Les BO de Geoffrey Lolli n’en sont pas vraiment. Qu’il s’agisse des ses albums précédents sous l’alias G. Lolli - les merveilleux Capire Il Mistero, Chiaroscuro ou In Movimento - ou Dr Geo - les très chouettes Lo-Fi Studies - il se dégage une vraie patte.
Ce qui l’intéresse au fond, c’est l’illustration sonore et quel instrument sera le plus à même de coller aux thématiques qu’il s’impose ou qui s’imposent à lui. Ce qu’il couche sur le sillon, ce n’est que lui. Il ne s’agit pas d’en mettre plein la vue, il s’agit juste d’évoquer, de provoquer peut-être, de faire entendre ce qu’il ressent.
Ce n’est pas en écoutant Il Reste La Douleur que vous en saurez plus ou que vous découvrirez qui est l’assassin. Ce n’est pas une chronique judiciaire. Le disque a plus à voir avec la restauration minutieuse d’un vieux polaroïd poussiéreux qui remonte régulièrement à la surface, un truc qui touche à l’enfance mais qui en dit aussi beaucoup sur notre époque actuelle, sur ce qu’on est devenu. Mais là où beaucoup pensent en mots, Lolli lui pense en musique et c’est bien cette tension entre ce qui sort de ses doigts et pourquoi ça en sort qui rend le tout si personnel, si élégant et universel.
On les ressent bien, La Douleur D’Une Mère, Les Tourments D’Un Juge, on est partagé entre rire et consternation devant Mon Beau-Frère, L’Est Innocent, en lui en voulant à elle comme on s’en veut à soi ou qu’on en veut aux journalistes, on reste interdit devant Le Corbeau et ainsi de suite, complètement au diapason de la musique qui touche autant à Morricone qu’à Carpenter ou Vannier (ce qui permet en passant de situer le niveau)."
(leoluce)
6. Orchestra of Constant Distress - Concerns
"Ce quatrième album d’Orchestra Of Constant Distress n’est pas une rupture et préserve le paradigme abrasif pratiqué jusqu’ici. Enfin, ça n’est pas tout à fait ça parce que tout le paradigme est une rupture en fait et fatalement, chaque album se démarque du précédent via d’infimes variations. Ce groupe est un laboratoire.
C’est du noise-rock mais ça n’en est carrément pas. C’est psychédélique aussi mais c’est très loin de l’être. C’est très organisé tout en générant une entropie digne d’une chambre d’ado. Toujours drastiquement muette, la musique continue à filer son coton infiniment glauque et affligé. Sans se presser, la batterie (Anders Bryngelsson) martèle mollement, la guitare (Joachim Nordwall) photocopie ses riffs (ou s’en passe simplement, leur préférant de vicieux larsens), la basse (Henrik Andersson) balance ses enclumes et les nappes parasites (Henrik Rylander) monopolisent l’espace laissé vacant et/ou s’agrippent à tout ce qui sort des trois autres pour en pervertir le rendu. On ressent des trucs mais on ne sait pas ce que c’est, la musique d’Orchestra Of Constant Distress étant particulièrement imperméable à toute forme d’analyse."
(leoluce)
6. Ed Scissor + Lamplighter - Joysville
Sans atteindre tout à fait les mêmes sommets que leur Tell Them It’s Winter d’il y a 5 ans dont l’épure acoustique voire presque ambient se doublait d’une belle densité dans les compos et arrangements comme dans les atmosphères, cette nouvelle production de la paire magique du label hip-hop britannique High Focus enfonce le clou dans le minimalisme hypnotique et la sombre mélancolie, avec un rap un peu plus en avant et des incursions chantées du côté d’Ed Scissor qui en menacent par moments le fragile équilibre, de même que les programmations électroniques et synthés parfois plus ostentatoires de Lamplighter mais on pinaille, le rap en apesanteur des Anglais reste une fascinante anomalie dans le paysage actuel, les pieds dans la grisaille et la tête dans la stratosphère avec un paquet de petits classiques instantanés et de jolis faux-airs de Boards of Canada.
(Rabbit)
8. Zahn - Zahn
Zahn c’est un trio berlinois noise/metal qui tape fort et bien, avec deux Heads. et un renfort live d’Einstürzende Neubauten, ce qui donne déjà une petite idée de la chose sans pour autant la dévoiler entièrement tant ce premier disque homonyme étonne par la richesse de son univers-somme qui condense en à peine 8 titres ce que les musiques extrêmes versant guitare/basse/batterie ont de plus transverse et atmosphérique. Quelque part entre noise forcenée mêlant rythmiques hypnotiques et guitares au lyrisme dissonant (Zerrung), breaks sludge aux accents fuzzy et psyché (Pavian, Schranck), post-punk dardant ses radiations de lumière noire (Tseudo) et incursions presque no wave à la croisée du jazz, du drone et de la musique industrielle (Gyhum), l’album évoque par moments un Jesus Lizard instrumental (Aykroyd) et culmine sur un final étonnamment épuré où le background piano/ambient finit par prendre le dessus. Un groupe déjà maître de son sujet ou maître dans l’art de ne pas en avoir, à découvrir et à suivre de près.
(Rabbit)
Les tops des rédacteurs
Elnorton :
1. Parallel Action - Parallel Action
2. Eddie Palmer - Somewhere In My Dreams We Are Together Again
3. Bruno Bavota - For Apartments : Songs & Loops
4. Konejo - Jaune Car Panthère
5. Thavius Beck - Cosmic Noise
Le Crapaud :
1. Kuu ! - Artifical Sheep
2. Boldy James - Bo Jackson
3. Tropical Fuck Storm - Deep States
4. Villagers - Fever Dreams
5. Eddie Palmer - Somewhere In My Dreams We Are Together Again
6. Tommaso Cappellato - Pioneered
7. Skrim - The Crooked Path
8. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - We’re OK. But We’re Lost Anyway.
9. Yann Tiersen - Kerber
10. Orchestra of Constant Distress - Concerns
leoluce :
1. Luggage - Happiness
2. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - We’re OK. But We’re Lost Anyway.
3. Orchestra of Constant Distress - Concerns
4. Règlement - Règlement
5. G. Lolli - Il reste la douleur
6. Zahn - Zahn
7. Thavius Beck - Cosmic Noise
Rabbit :
++. The Fucked Up Beat - Mammoth [2021 version]
+. Chris Weeks - con·sol·i·data [compilation]
1. Eddie Palmer - Somewhere In My Dreams We Are Together Again
2. Jeremiah Cymerman - Citadels & Sanctuaries
3. Parallel Action - Parallel Action
4. Lucy Railton & Kit Downes - Subaerial
5. G. Lolli - Il reste la douleur
6. Anteraks - The Harbour of Thoughts
7. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - We’re OK. But We’re Lost Anyway.
8. Kevin Richard Martin - Melting Point
9. Thavius Beck - Cosmic Noise
10. Ed Scissor + Lamplighter - Joysville
Riton :
1. Fawn Limbs - Darwin Falls
2. Parallel Action - Parallel Action
3. Ed Scissor + Lamplighter - Joysville
4. Eddie Palmer - Somewhere In My Dreams We Are Together Again
5. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - We’re OK. But We’re Lost Anyway.
6. Thavius Beck - Cosmic Noise
7. Lee Scott & Hyroglifics - [gate clicks shut]
8. Zahn - Zahn
9. Fluisteraars - Gegrepen Door De Geest Der Zielsontluiking
10. The Bug - Fire
Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp sur IRM
Eddie Palmer sur IRM
Thavius Beck sur IRM - Site Officiel
Parallel Action sur IRM
Geoffrey Lolli sur IRM
Zahn sur IRM
Ed Scissor sur IRM
Lamplighter sur IRM
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