Top albums - septembre 2021

Notre podcast spécial rentrée musicale avait un peu débroussaillé le chemin, mais on vous a gardé quelques surprises pour ce top septembre à la traîne avec une grosse prédominance instrumentale et surtout des albums singuliers qui, en dépit de notre passion inconditionnelle pour leurs auteurs, n’ont pas manqué de nous surprendre tant par leurs qualités que par leurs changements de directions inattendus.


Nos albums de septembre



1. Cloudwarmer - Does The Weather Isolate You ?

Toujours du côté de l’introspection éthérée, dans la continuité de son dernier album solo en date choisi par IRM comme disque de l’été, Eddie Palmer retrouve Brett Zehner mais toujours pas les beats coutumiers du projet Cloudwarmer, privilégiant piano, arpeggiators de synthés vaporeux, choeurs élégiaques et nappes craquelantes sur fond de commentaires météorologiques qui à n’en pas douter annoncent un ciel de traine permanent sur ce Does The Weather Isolate You ?, dernières traces persistantes d’une période pluvieuse sur la vie du New-Yorkais qui semble retrouver un peu d’espoir ici, en témoignent ces notes de piano délicatement réconfortantes et autres samples cristallins venus éclairer avec parcimonie la grisaille spleenétique du merveilleux Dreams About Terrors and Travels, une lumière fragile avec ses moments d’inquiétude toutefois, à l’image du cafardeux Gainesville, Georgia/ April 6 1936. Mine de rien, après les deux disques sus-mentionnés et le précédent opus du duo, The Covidians Sharpen Their Teeth, Eddie Palmer se retrouve pour la quatrième fois en un an sur la plus haute marche de notre "album du mois" (sans compter deux autres sorties placées en juin pour Aries Death Cult et Fields Ohio), un record assurément qui devrait a priori rester imprenable... à moins qu’il ne fasse encore mieux l’an prochain ?

(Rabbit)


2. Blockhead - Space Werewolves Will Be The End Of Us All

James Anthony Simon souffle le chaud et le froid et, après une décennie passée à alterner les très bons albums (Funeral Balloons) et les sorties plus anecdotiques, le voilà qui renoue, quelques semaines avant de partager auprès d’Aesop Rock un Garbology qu’il nous tarde de découvrir, avec ses fulgurances de ce début de siècle. Space Werewolves Will Be the End of Us All est probablement la plus grande réussite de l’artiste depuis le sommet The Music Scene en 2009, et l’on se délecte de ce foisonnement de samples lumineux, rythmés, allusifs et remplis de vie tout simplement, qui confortent Blockhead dans un statut de figure majeure de l’abstract hip-hop, dans un registre finalement proche de celui de RJD2 mais avec un ton plus décalé et parfois quasi-autoparodique mais suffisamment de sérieux et de finesse pour que l’élégance et l’envoûtement finissent toujours par l’emporter.

(Elnorton)


3. VARIÁT - I Can See Everything From Here

On connaissait l’Ukrainien Dmytro Fedorenko pour l’électro-indus forcené et le glitch déstructuré de son projet Kotra, pour les expérimentations synthétiques en tous genres du label Kvitnu désactivé il y a peu, ou plus récemment pour les soundtracks techno post-apocalyptique et vaporeux du duo Cluster Lizard qu’il forme avec sa compagne et graphiste Zavoloka chez Prostir, successeur de Kvitnu, et dont le nouvel opus Star Corsair vient justement de sortir. Autant dire que la surprise fut conséquente en découvrant ce premier album de VARIÁT, ovni du mois qui le voit tenir en plus des synthés des instruments tels que guitare, basse et batterie pour accoucher d’un inclassable titan instrumental aux saturations imposantes, à la croisée d’un metal expérimental présentant quelques atomes crochus avec le doom liquéfié des sorties récentes de Nadja, et d’une ambient dystopique et noisy, presque harsh par moments, qui semble s’élever des ruines de la musique industrielle pour inventer son propre langage cinématographique, celui d’une menace mythologique en apparence décrépie mais bien résolue à en découdre dans un dernier élan d’énergie noire et viciée.

(Rabbit)


4. Amon Tobin - How Do You Live

Avec ce nouvel opus du Brésilien, on est clairement plus dans la lignée dISAM que dans celle de l’onirisme ligne claire de Long Stories. Au programme, gros contrastes saturés, éclats de beats cinématographiques et lyrisme mutant, avec toujours, comme sur un Fear in a Handful of Dust idéalement à la croisée des chemins il y a deux ans, ces étranges affleurements de voix susurrées et subtilement déformées (parfois désormais avec du chant à proprement parler comme sur Sweet Inertia avec un certain Figueroa au micro) qui contribuent non seulement à contrebalancer l’emphase de cette electronica presque "prog" à sa manière (cf. les roulements de batterie et autres contrepieds constants) mais surtout à faire de ce How Do You Live une nouvelle bulle fantasmée d’électro amniotique jouée comme de la musique acoustique sur laquelle le temps et l’espace n’ont plus la moindre prise, une autre de ces anomalies dont Amon Tobin a le secret, ni ouvertement pop, ni complètement atmosphérique ni véritablement dansante mais un peu tout ça à la fois.

(Rabbit)


5. ECID - Zen Repair

Quatre ans après HowToFakeYourOwnDeath qui s’est imposé depuis en mètre-étalon de songwriting indie rap introspectif lorgnant sur la pop et l’electronica, ECID lui offre enfin un digne successeur, qui n’enchaîne peut-être pas avec autant d’aplomb les classiques instantanés mais sonne plus singulier que jamais dans un monde où Anticon et sa période magique de beatmaking atmosphérique et mélangeur ne sont plus qu’un lointain souvenir. Marchant toujours sur les traces de feu Restiform Bodies, quelque part entre synth-pop ludique et hip-hop baroque aux saturations plus crépusculaires, Zen Repair est à la mesure des névroses de Jason Mckenzie mais aussi de son ironie, mâtinant d’élans rêveurs sa schizophrénie électro-rap et compensant des mélodies parfois moins immédiatement accrocheuses par une production particulièrement immersive et travaillée, de beats cliquetants en nappes distordues qui semblent respirer au rythme du flow de l’Américain.

(Rabbit)


5. Tenshun - Concréte Mechanics

Avec ou sans les fidèles Bonzo - compagnon récurrent de ces split albums défendus par le label I Had An Accident et dont on vous relaie régulièrement les joutes cauchemardées - ou Psychopop (un nouveau Skrapez au groove assassin sorti ce mois-ci est d’ailleurs passé tout près du classement), l’Américain Tenshun, du côté cette fois de l’écurie autrichienne Muziakh, impressionne par cette capacité à à badigeonner son drumming hypertendu et noisy d’atmosphères étrangement menaçantes, les frottant sur ce Concréte Mechanics à des sonorités presque IDM (en effet, pas de drums ici à proprement parler mais des field recordings passés à la moulinette d’un synthé modulaire puis découpés et manipulés) pour un résultat moins abrasif qu’à ses débuts mais non moins radical, dont les 4 mouvements évoluent chacun sur 10 à 13 minutes avec une fluidité inversement proportionnelle à la raideur mortifère de leurs beats secs et saturés.

(Rabbit)


7. Phoenecia - MD​.​SLVG

Pas évident de passer, 10 ans après qui plus est, après l’inépuisable Demissions, tout simplement mon album des années 2010. Échappés de leur label Schematic au profit de la structure berlinoise Blue Response, Romulo Del Castillo et Josh Kay trouvent la réponse justement en ne faisant rien comme sur les deux précédents opus : exit les atmosphères fantasmagoriques et fuligineuses influencées par l’ambient expérimentale et la musique contemporaine, MD​.​SLVG se recentre sur la déstructuration électronique sur trois morceaux-fleuves mutants et mouvants à l’image de l’artwork de ce 4e album en 20 ans, aux circonvolutions particulièrement ardues et radicales. Sur 65 minutes oscillant entre IDM distordue, kosmische musik acide et post-techno, la mixture peut parfois s’avérer fatigante faute de branches évidentes auxquelles se raccrocher, mais à condition d’être sensible au psychédélisme électronique malaisant des deux têtes chercheuses floridiennes, on finit forcément par y trouver son compte.

(Rabbit)


Les bonus des membres de l’équipe


- Le choix de leoluce : Elastic Heads - s/t

"Pochette rouge sang, vinyle rouge sang (translucide), huit morceaux seulement mais il n’en faut pas beaucoup plus à Elastic Heads pour faire son trou dans la boite crânienne. Dès l’entame, on est déjà pris par ce « garage-death-punk » extrêmement classe et joliment racé agrafant un Crocodiles à quelques Horsebites. Ne ressemblant ni vraiment à l’un et encore moins aux autres en étant strictement médian, ce sang sans titre est une belle tranche de rock’n’roll ombrageux nimbé de punk contrit.
Ça commence très fort via Showers qui, en plus d’ouvrir le disque, pose les bases de tous les morceaux à venir : chant classieux et métamorphe, guitare urgente, basse psychotique et batterie épileptique dessinent les contours d’un disque hyper carré et très accaparant. La suite est du même acabit, que le chanteur se prenne pour une goule comme les Damned (Pigs), que le groupe appuie sur le côté heavy (Mohair) ou plus psycho-pop (Pass Over), tente un instrumental death-surf fragmenté et irradié (Dream Escape), coure le 100 mètres (Pariah) ou agrafe des accents post à son punk originel (Fatal) avant de rejoindre classiquement le soleil couchant au galop (Get Off), tout tient systématiquement debout alors que les changements d’azimut sont nombreux. Aucun temps mort, aucune baisse de régime et on se cale dans la trajectoire calcinée des morceaux les yeux fermés."

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- Le choix du Crapaud : Pays P. - ça v aller

Il y a d’abord ce nom énigmatique : Pays P. Comme tronqué. Pays P. ? Il manque quelque chose, non ? Puis le titre de l’album : ça v aller . Non, mais ça va pas du tout en fait ! Il manque vraiment un truc. Le graphiste était bourré ? Il faut écouter…
C’est par un gros larsen que ça s’ouvre, comme tout bon disque de noise rock. Ça part sur un groove sec à la Shellac. L’arpège gras d’une guitare saturée. La batterie est lourde, confine au stoner. Quand arrive la voix d’une femme désabusée, une voix caverneuse et désincarnée. Les premiers mots sont balancés, déclamés et d’emblée ils interpellent. C’est un verbe à tiroirs aux double-fonds troués. Labyrinthiques, sibyllins, aventureux, les 7 titres de ce deuxième album du trio parisien font retentir la voix d’une Brigitte Fontaine du XXIeme siècle, ou d’un Léo Ferré sans barbe. Cet album, si mystérieux d’aspect, chez moi, tourne en boucle et offre à chaque écoute un peu plus de profondeur torturée. A dévorer sans attendre !



- Le choix de Rabbit : Stalsk - Utopia

Quelques mois après leur sortie post-apocalyptique aux paysages sombres et abstraits sur notre netlabel IRM, Arnaud Chatelard (Innocent But Guilty, Psychotic Kingdom) et Philippe Neau (ex Nobodisoundz) remettent le couvert avec un nouveau long format de Stalsk sur le label du premier, Foolish Records, un Utopia plus aérien et lumineux mais peut-être encore plus imposant et vertigineux que son prédécesseur. D’emblée, les contrastes entre bourdonnements sourds et nappes éthérées, field recordings craquelants et samples irréels, nous font basculer dans un Ailleurs qui évoque autant Tim Hecker à la grande époque que le versant expérimental de la kosmische musik, les atmosphères des neuf parties qui composent ce nouvel opus semblant naturellement découler les unes des autres avec une cohérence sans faille, sans jamais ronronner pour autant, des visions baroques de PART II aux rêveries ascensionnelles de PART VIII en passant par le no man’s land crépitant de PART IV ou les grondements tempétueux du saisissant PART VII. L’un des plus beaux crus drone/ambient de cette année 2021.




Les tops des rédacteurs


- Elnorton :

1. Blockhead - Space Werewolves Will Be The End Of Us All
2. Martina Topley-Bird - Forever I Wait
3. Cloudwarmer - Does The Weather Isolate You ?
4. Sufjan Stevens & Angelo De Augustine - A Beginner’s Mind
5. The OST - Scraps and Archives
6. Dntel - Away
7. Pasquale - Chadiohead

- Le Crapaud :

1. Pays P. - Ça v aller
2. Stranded Horse - Grand Rodeo
3. L’Orange - The World Is Still Chaos, But I Feel Better
4. José González - Local Valley
5. Nout - Gigantonium
6. Suuns - The Witness
7. Têtes Raides - Bing Bang Boum
8. Westside Gunn - Hitler Wears Hermes 8 : Side B
9. Thomas De Pourquery & Supersonic - Back To The Moon
10. Chafouin - Toufoulcan

- Rabbit :

1. VARIÁT - I Can See Everything From Here
2. Cloudwarmer - Does The Weather Isolate You ?
3. Stalsk - Utopia
4. Amon Tobin - How Do You Live
5. Tenshun - Concréte Mechanics
6. Blockhead - Space Werewolves Will Be The End Of Us All
7. ECID - Zen Repair
8. Phoenecia - MD​.​SLVG
9. Ben Lukas Boysen - Siren Songs (Original Score for an Abandoned Video Game)
10. Skrapez - Witchcraft 2

- Riton :

1. Diploid - I am Yours. And I am Here Again.
2. VARIÁT - I Can See Everything From Here
3. ECID - Zen Repair
4. Cloudwarmer - Does The Weather Isolate You ?
5. Blockhead - Space Werewolves Will Be The End Of Us All
6. Amon Tobin - How Do You Live
7. Phoenecia - MD​.​SLVG
8. Tenshun - Concréte Mechanics
9. Solemn Brigham - South Sinner Street
10. Skrapez - Witchcraft 2


Articles - 25.10.2021 par La rédaction