Fields, interview chic et charme

Nick Peill, chanteur du quintet islando-britannique Fields, pose son portable sur la table du pub où nous nous trouvons pour l’interview. “Alors, on est chronométré, c’est ça ?!” lui dis-je avec un sourire. Mattie Derham le bassiste et Henry Spenner le batteur se joignent à nos éclats de rire. Nous ne sommes pas dans des circonstances normales de promo avec chambre d’hôtel et 5 minutes chrono pour poser un maximum de questions. J’ai rendez-vous avec le groupe dans un pub du très chic quartier Shoreditch, histoire de leur poser quelques questions sur l’origine du groupe et leur album Everything Last Winter, sorti en Grande-Bretagne début avril et prévu dans les bacs français cet automne.

Comment le groupe s’est-il formé ?
Nick Peill : En fait, je connais Jamie, notre guitariste, depuis environ 12 ans. On était amis à la fac de Birmingham. On voulait monter un groupe ensemble. J’étais ami à l’époque avec Simon, notre manager [ndlr : Simon White faisait partie du line-up numéro 2 de Menswear à la fin des années 90].
Tu n’as jamais fait partie de Menswear ?
NP : Non, en fait je n’ai même pas eu d’audition !!
Disons que c’est plutôt une bénédiction.
NP : Ouais, je crois aussi ! A cette époque, il a déménagé à Londres et il vivait alors avec Thorunn [ndlr : la blonde Islandaise qui opère aux claviers et au chant dans Fields, absente de l’interview] et il était ami avec Henry. Donc c’est grâce à lui que j’ai rencontré ces deux-là, un soir au Hoxton Bar & Grill.
Henry Spenner : On s’était donné rendez-vous au Hoxton Bar & Grill. Mais on a mis un après-midi pour se rendre compte qu’on connaissait tous Thorunn.
NP : La première fois que j’ai rencontré Mattie c’était lors de notre première répèt’.
Mattie Derham : Moi je connaissais Henry à travers un autre groupe, The Rifles. Henry y jouait de la batterie et aussi dans un groupe près de chez moi et on parlait de monter un groupe ensemble.
NP : [à Mattie] Je t’avais rencontré 5 minutes avant notre première répèt’ quand t’étais coiffeur et je t’avais filé un CD. Et tu te ramènes a la répèt’ avec une basse toute neuve !
HS : De la même couleur que ça [en visant ma kriek].
NP : C’était fin septembre 2005. Ç’a pris deux mois entre le moment où on s’est rencontré et notre premier concert ensemble.

En ce qui concerne Thorunn, comment la rencontre s’est-elle déroulée ? Est-ce que Simon a un jour déclaré “je connais cette fille qui a une voix extra, elle pourrait être intéressée par ce que tu fais ?”
NP : J’étais sorti avec lui et Thorunn et on s’est mis à discuter, je lui ai proposé de chanter sur des démos acoustiques et on a fait ça ensuite plusieurs fois. En fait le plus difficile dans l’histoire c’était pour Jamie [ndlr : le guitariste du groupe] car on connaissait tous Thorunn mais Jamie ne connaissait ni Henry, ni Thorunn, ni Mattie avant notre première répèt’ parce qu’il vivait encore dans les Midlands.
HS : Ouais, il était plutôt vexé d’ailleurs parce qu’on répétait sans lui. Nick ne lui avait pas expliqué.
NP : On a répété plusieurs fois sans lui ?
HS : Oui, deux-trois fois !
Une cloche sonne à la cantine.
MD : Ding dong !
HS : On se retrouvait pendant la semaine et on répétait sans Jamie.

Et d’où vient le nom Fields ?
NP : Je l’avais sur une liste de noms potentiels mais il avait disparu pendant un moment et puis un jour, après avoir écrit Song For The Fields, c’est devenu évident. Et puis il plaisait à tout le monde.
MD : Oui, personne ne s’est encore exclamé “ah j’aime pas ce nom !”. C’est simple, c’est facile de s’y identifier, c’est pas prétentieux etc.
Et puis ça va bien avec l’image du groupe...
NP : En fait ce que j’aimais par rapport au nom, c’était qu’on pouvait l’utiliser dans divers contextes : chants magnétiques, électriques etc.

Dommage que Thorunn ne soit pas avec nous. Pouvez-vous nous parler un peu de son parcours ?
NP : En fait elle est arrivée en Grande-Bretagne à 18 ans. Elle avait sorti un album en Islande mais elle se sentait un peu claustrophobe là-bas. Elle vivait à Oxford à l’époque et travaillait avec d’autres groupes.

A propos de votre album, vous n’avez pas inclus Brittlestick. Pourquoi ?
MD : Ouais…
NP : En fait je commence à me demander pourquoi. Je crois qu’à l’époque ça reflétait où on en était musicalement et ça sonnait trop différent du reste de l’album. C’était un peu trop poli et plus électronique. Et puis on voulait que l’album reflète notre son live. On avait déjà sorti Brittlesticks et on avait plein d’autres chansons. Mais maintenant j’apprécie vraiment quand on la joue en live. En fait c’est un de mes morceaux préférés live.
MD : De toute façon, maintenant, c’est trop tard pour l’album !
Ouais faudra acheter 4 From The Village [ndlr : le premier EP de Fields].
MD : Ou aller sur Ebay !

Je trouve que le son de l’album est beaucoup plus lourd que sur scène.
NP : Ah bon ?... Ouais en fait c’est plus dense.
Matty et Henry acquiescent.
NP : En fait on a passé deux mois bouclés en studio, sans lumière naturelle et avec tous ces boutons. C’était tentant. En plus on commençait tous à perdre les pédales.
Donc ça n’a rien à voir avec votre producteur, Michael Glenhorne ?
NP : Non, en fait c’est nous qui l’avons poussé à durcir un peu le son.
Pourtant il a produit des groupes plutôt heavy, comme Slayer...
NP : Ouais en fait on voulait s’éloigner des critiques qu’on avait lues un peu partout et qui nous traitaient de gnangnan, un peu niais.
MD : On nous comparait souvent aux Magic Numbers. On a rien contre eux mais on ne sonne vraiment pas comme eux. On en a eu un peu marre. On voulait s’éloigner de ça autant que possible
NP : J’aime bien certaines de leurs chansons mais c’est vraiment différent de ce qu’on fait. Franchement, on n’y croyait pas. On nous disait que notre musique était bien gentille alors qu’on avait l’impression de jouer des murs de son.

Non, franchement votre musique est loin de ça. Au contraire, c’est plutôt sombre, surtout au niveau des paroles. D’ou vous vient l’inspiration pour les paroles ? De votre déception de l’industrie musicale ?
NP : En fait je suis naturellement attiré par ce qui est sombre en terme de films, ou d’art. J’aime bien écrire des musiques optimistes mais c’est vrai que les paroles en-dessous finissent par être plutôt tristes ou pessimistes.
Un peu comme Elliott Smith ?
NP : Oui, mais je n’ai pas l’intention de finir avec un couteau à steak dans le coeur.
MD : Tu me rassures !?!?

Comment marche votre processus créatif ?
NP : J’ai écrit pas mal de choses mais maintenant on fonctionne pas mal en collectif. On a dû écrire 9 morceaux en 3 jours quand on était en studio et du coup, tout le monde s’y est mis. On ne pouvait pas se permettre de perdre trop de temps autour de ça. Et le résultat a été plutôt pas mal.

Pour en revenir à l’industrie des médias, quelle est votre opinion ?
NP : Il faut jouer le jeu. On n’a pas le choix. J’ai des sentiments assez mitigés vis-à-vis d’elle. On essaye de ne pas prêter trop attention à tout ce qui est écrit dans les journaux mais si on commence à trop se focaliser dessus, on a cette pression et c’est facile d’y succomber. Finalement, on travaille vers le même but. On veut que notre musique soit entendue par un maximum de gens, même si les maisons de disque ont un but légèrement plus…lucratif. Et puis, que ce soit un petit label ou une major, ils sont tous connectés. On a signé avec Atlantic parce qu’on aimait les gens chez eux. On a même fait baisser notre avance. Et puis les petits labels sont plus ou moins tous contrôlés par les majors. Atlantic nous laisse beaucoup de liberté dans notre création. Je pense qu’on a de la chance. Je crois que le pire élément de l’industrie c’est plutôt la presse. Si tu ne rentres pas dans le moule, t’es fini avec eux.

Le NME notamment a ce monopole sur la presse internationale, c’est terrible et pas très alléchant. Bref, revenons à vous : vous avez tourné pour le moment principalement en Grande-Bretagne mais aussi aux Etats-Unis et un peu en France. Avez-vous des plans pour l’international ?
NP : Nous sommes allés au Japon l’an dernier. C’est difficile parce qu’on veut atteindre un certain résultat territoire par territoire. L’album sort territoire par territoire : il y est sorti 6 semaines après sa sortie anglaise, quand on se trouvait là-bas. C’était vraiment promotionnel. L’album sort a l’automne en France et on a aussi une sortie prévue en Australie. On va retourner aux Etats-Unis parce que c’est tellement un grand pays qu’il faut y passer une période donnée assez conséquente pour y faire son trou. A moins d’avoir un hit en radio nationale.
MD : Ils veulent tout, de nouvelles vidéos, une nouvelle couverture pour l’album etc. Ça prend du temps. On n’a pas encore refait de vidéo par contre.

Comment en êtes-vous arrivés à jouer lors de la Fête de la Musique à Paris ?
NP : En fait, notre label en France, PIAS, voulait qu’on fasse de la promo avant la sortie de l’album et qu’on joue plusieurs shows et c’est comme ça que ça s’est produit. C’était une coïncidence. Mais on y retourne en septembre pour la sortie de l’album. Je ne suis jamais allé au Carnaval de Notting Hill mais j’imagine que c’est le même style. C’était la folie.

Qu’en avez-vous pensé ? Vous savez que ça se fait à Londres aussi maintenant ?
MD : Ah oui ?
NP : Oui, c’est vraiment une bonne idée.
MD : Tous les tickets avaient été vendus. Ouais, vous voyez ce que je veux dire.
HS : Il y avait deux autres groupes avec nous : Good Books et Simple Kid.
NP : On avait dû partir pour notre dîner donc on n’a pas vu Simple Kid. Et c’est ça qu’on aime avec la France, ils s’occupent vraiment bien de nous.
MD : On avait un tas de bouteilles et de nourriture. D’habitude, quand on joue en Angleterre, on n’a rien.
NP : On peut s’estimer heureux si on a un paquet de chips.
MD : Le truc c’est que même après deux groupes et nous, le frigo était encore plein. C’était merveilleux.

Une question subsidiaire pour finir. Si vous deviez enseigner à des Aliens la bonne musique terrienne, quels trois albums leur joueriez-vous ?
NP : Certainement pas The Aliens ! Je l’ai beaucoup aimé au début et puis après, j’en ai décroché énormément. Ça va sonner cliché, mais je pense qu’on devrait leur jouer les Beatles en guise d’écriture pop classique.
HS : Il faudrait que ce soit Revolver ou Sergent Pepper . On ne voudrait pas voir des Aliens rentrer dans un pub et ne pas connaître les Beatles.
NP : Guns’N’Roses, Appetite For Destruction .
MD : Quoi ???!!!
HS : Et pourquoi pas Meat Loaf, Bat Out Of Hell pendant que t’y es !!
MD : Non, Bon JoviSonic Youth, Dirty .
NP : J’adore cet album.
MD : Et puis quelque chose de poppy. Motown ou Stevie Wonder.
NP : Moi j’ai été déçu par Stevie Wonder.
MD : Hein ??? Innervisions  ? T’es sérieux ?
NP : Ouais, complètement. Je respecte son oeuvre mais c’est pas mon truc.
MD : Jackson Five ?
NP : Moi je recommanderais pas ça à un ami qui n’aurait jamais entendu de musique.
HS : Moi non plus. Pourquoi pas Jim O’Rourke ?
MD : Burt Bacharach !
Radiohead ?
MD : Mais oui Radiohead ! The Bends  !
NP : Aphex Twin !
MD : Non allez, Burt Bacharach, Radiohead...
NP : On a besoin de quelque chose d’un peu plus dancey. On a besoin de musique pour la tête et de musique pour le corps.
MD : Allez Bacharach, il couvre plusieurs sphères. B.I.G ? Allez il faut du rap.
HS : Jurassic 5 ? Gangstarr ?
MD : Plus commercial.
NP : On a besoin d’un songwriter classique, de musique intellectuelle et de quelque chose qui les fasse danser.
MD : Beastie Boys, Ill Communication . Y a des guitares et du rythme. Burt Bacharach, Beastie Boys, _ Radiohead, OK Computer .
Et du classique ?
Tous : Ah merde !!!!
NP : Non, ils n’y comprendraient plus rien. Bacharach a des influences classiques, Radiohead est un peu plus psychédélique. Allez, on récapitule : Beastie Boys, Burt Bacharach et Radiohead.

Notre interview se termine dans des éclats de rire et je laisse les Fields s’échapper. Encore merci pour ces 40 minutes de bonheur.

Pour découvrir la musique du groupe, rendez-vous sur myspace : http://www.myspace.com/fieldsband
Everything Last Winter sera distribué en France par Pias à compter du 27 août prochain.

Propos recueillis par Babydoll.


Interviews - 08.08.2007 par babydoll, RabbitInYourHeadlights


News // 27 mars 2008
Fields : démos et mascotte

A-t-on suffisamment parlé de Fields, groupe anglo-islandais déjà auteur entre autres d’un très réussi premier album Everything Last Winter et d’une interview pour le compte d’indierockmag ? Sûrement pas, puisqu’approche déjà en douce leur second album. C’est à New York et en compagnie de Godzuki (la mascotte) et d’un piano appartenant à Philip Glass que (...)