Neil Young - Trans

Souvenez-vous. De cette époque déjà lointaine. Le temps du dépoussiérage du vocodeur. Des expérimentations par ordinateur. Détrompez-vous. Je ne veux pas vous parler de la French Touch. De Moon Safari ou de Discovery . Ni même de la vague techno de la fin des années 1980. Mais aujourd’hui je compte bel et bien vous parler de...Neil Young ! Je vous vois déjà arriver avec votre air surpris : "C’est quoi ce machin ? Arrête de raconter n’importe quoi !" Et pourtant. Trans-portez vous en 1983....


1. Little Thing Called Love
2. Computer Age
3. We R in Control
4. Transformer Man
5. Computer Cowboy (AKA Syscrusher)
6. Hold on to Your Love
7. Sample and Hold
8. Mr. Soul
9. Like an Inca

date de sortie : 30-11-1982 Label : Geffen Records

Date où sort ce disque. Remarquez au passage la conjoncture historique magnifiquement défavorable. Un album détruit par une critique qui n’avait une nouvelle fois rien compris. Trans est pourtant un album passionnant. D’un point de vue musical et historique. Mais il faut bien le dire. En 1983 l’ami Neil ne va pas fort. Il y a de quoi. Sa femme découvre une tumeur. Il apprend que son deuxième fils est atteint d’une maladie mentale encore plus grave que celle du premier. Mais on le sait. Neil Young a un cœur d’or. Il va mettre au point ce disque. Un projet un peu fou. Afin de contrer la solitude. Et même, dit-on, pour tenter de communiquer avec ses fils. Au départ Neil Young a une idée bien tranchée. Chaque chanson doit être accompagnée d’un clip afin de former une trame narrative.

Je le dit dès maintenant. Trans est un des meilleurs albums du loner. J’aime ce disque. David Geffen manifestement pas. Ce dernier lui avait pourtant donné une liberté totale. Après Island in the sun , il refuse Trans . Il part. Il accuse le canadien de saboter sa carrière. Il avait tort. Comme tout ceux qui ont massacré Trans . Car Young a une nouvelle fois 10 ans d’avance. Les nostalgiques des ballades de On the Beach ou de Tonight’s the Night peuvent sortir. La suite se fera à coups d’ordinateur, de vocodeurs et de synthés. En ce début de décennie, Neil Young sonne comme Kraftwerk, préfigure Daft Punk et Chemical Brothers. Mais ce projet n’intéresse personne. Neil Young se retrouve en position d’incompris. Le signe des grands disques. Lou Reed, qui en connait un rayon sur le sujet, en est la preuve vivante (Bon, ok à moitié vivante). Geffen accorde le strict minimum à Young d’un point de vue financier. Le canadien doit se résoudre à abandonner l’idée des clips. Son entourage veut donc le décourager. Qu’importe. Le loner est décidé a faire cet album. Mais le public va également l’abandonner. Trainé dans la boue. Neil Young se retrouve seul. Encore un peu plus. D’un point de vue commercial Geffen avait raison. Il est vrai que Trans est un album difficile. A comprendre. A cerner.

Il y pourtant ce titre "normal" en piste 1. Little Things called Love. Le seul où la voix du loner n’est pas vocodée. Pourtant. Le titre est le moins intéressant. Pas foncièrement mauvais. Mais un peu poussif. Son refrain en chœur est banal. Young le reproduira sur un album entier sur l’affreux Everybody’s Rockin’ . Sorti la même année il été censé faire oublier la déception engendrée par Trans . Il n’en fut rien. Les 8 titres suivants ne ressembleront pas à cette pâle copie des gloires passées. Le titre suivant Computer Age change de registre. On croirait à une piste de Discovery. L’intro de One More Time sort de là. Un titre fabuleux à vrai dire. Défendu par des montagnes d’électronique, Neil Young prépare sa réponse aux détracteurs. Chevauchant ses machines comme des chevaux. A l’assaut. Sèche et froide. Tel sera une nouvelle fois la réponse. Le public n’aimera donc pas Trans.

Aujourd’hui encore. L’heure de la réhabilitation n’a toujours pas sonné. Neil Young s’en fiche pas mal. Il persiste même à dire que Trans fait partie des albums préférés de sa discographie. Le monde pense encore que Trans n’est que cet album bizarroïde et franchement barré, certes mais sans charme. Cela aurait pu l’être. A part une poignée de curieux ou d’irréductibles fans, personne n’a ne serait-ce que cherché a comprendre. Combien dans ceux qui ont détruit cet album l’ont réellement écouté ? Car cet album est une pépite. Encore plus si on le replace dans son contexte.

Même caché derrière des montagnes de technologie, le loner n’a jamais paru aussi dénudé. Aussi seul. A part peut-être sur Tonight’s the Night quelques années plus tôt. Deux grandes périodes de solitude qui donnent lieu à des albums splendides. Parmi les tout meilleurs de Neil Young. Qui est capable de ne pas sombrer à l’écoute des superbes Transfromer Man ou Hold on to Your Love ? Même amputé, Trans sonne comme une cathédrale sonore sublime ou l’on serait les premiers à pénétrer. Ça sonne encore neuf. Grandiose. Si on laisse nos a priori à l’entrée, s’impose un constat. Neil Young a composé l’album le plus novateur des années 80. Ces morceaux qui frisent souvent les 10 minutes ne sont jamais, au grand jamais, lourds ou indigestes.

Trans est à l’image de son auteur. Visionnaire, sincère et intelligent. L’ensemble aurait pu sonner affreusement daté. Comme un bon nombre de films de S-F de cette époque qui se voulait alors moderne (2001 : L’odyssée de l’espace ? Quelqu’un ?). Il n’en est rien. Il sonne aujourd’hui toujours aussi moderne. Il aurait pu sortir hier et n’aurait pas à pâlir de la comparaison avec ses contemporains. Qu’est-ce qu’on a besoin de Justice quand on a des albums comme ça ? Personne n’ose l’avouer. Mais combien sont-ils à avoir une dette envers Trans  ?

C’est une certitude. L’album sera à coup sûr réhabilité. Dans 3 jours ou 10 ans. Peut importe. C’est de toute façon un disque qui se savoure sur la durée. La légende ne dit pas si Neil Young est réellement arrivé à communiquer avec ses fils. Sinon ? On a trouvé la plus belle pochette de tous les temps. Voilà une seule chose qui n’a pas besoin du temps pour s’apprécier. On en est là.

Chroniques - 01.04.2008 par Casablancas
 


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