Radius System - Architects Of Yesterday

Aussi fervente puisse être l’envie de chroniquer un disque, il arrive parfois que survienne un blocage, aux causes potentiellement multiples. On peut manquer de vocabulaire, pour peu de s’attaquer à un univers dont les clés ne nous sont pas encore tout à fait familières. Ou tout simplement manquer d’inspiration, la fameuse crise de la page blanche qui par bonheur dure rarement bien longtemps avec ce genre d’exercice finalement bourré de codes auxquels se raccrocher.

1. Autopilot
2. Curators
3. Feed Feed Connect
4. Siberian Winter
5. Air Leaks
6. Vacant Before
7. Parallel Notebooks
8. Architects Of Yesterday
9. Funeral
10. Picture Goodbye

date de sortie : 02-02-2011 Label : Autoproduction

Mais s’il m’aura fallu un bon mois pour me sentir capable de me frotter à cet Architects Of Yesterday distribué depuis début février via Bandcamp (où l’on peut aussi découvrir l’album dans son intégralité), la musique de Radius System en est finalement seule "fautive" : jamais un disque noise rock, français qui plus est, ne m’était apparu aussi nébuleux. Un terme généralement associé à des univers électroniques plus déconstruits, et l’on ne s’étonnera guère dès lors de retrouver Gregory Hoepffner (Dawnshape, Time To Burn) - tête pensante des très abstraits Painting By Numbers et maître d’oeuvre en solo du projet Template dont on vous disait il y a peu le plus grand bien du premier EP Third Hindsight également disponible en libre écoute - pratiquement seul aux manettes de ce successeur de l’épique Escape / Restart de 2008. Un premier opus qui n’était pas sans rappeler Godflesh ou le Pale Sketches de Jesu et où subsistaient des traces de cette inspiration plus électronique, de même que sur les remixes de l’EP Almost Nothing qui s’attaquait notamment dans la foulée et dans une veine déjà superbement éthérée au Reckoner de Radiohead, rien que ça.

Nébuleux donc... Un terme qui par ailleurs sous-entend le plus souvent une prédominance des textures sur les mélodies et une certaine minimalisation du chant et des rythmiques, avec en point de mire le jusqu’au-boutisme d’un drone ambient aux instrumentaux erratiques ou pour le moins méditatifs dont l’influence se ressent ici le temps des majestueuses 51 secondes de l’interlude Funeral. Or nul résidu d’électronique sur Architects Of Yesterday, les mélodies vocales bien qu’en retrait et volontairement embrumées président à la construction de chacun des autres titres de l’album, les guitares vont d’arpèges délicats en riffs vrombissants et le martèlement des fûts d’abord lent et pesant ne se fait oublier que pour mieux déferler l’instant d’après dans une frénésie à peine contrôlée. Il arrive même que les accords réverbérés d’un piano discret mais omniprésent ou d’une guitare acoustique préparée ouvrent la voie à l’instrumentation électrique dominant - à l’exception peut-être du mélancolique Siberian Winter dont on peut entendre un extrait dans le trailer ci-dessous - ces architectures vaporeuses que n’aurait pas renié Justin K. Broadrick, encore lui, s’il avait sur accommoder l’ampleur impressionniste de son récent projet Pale Sketcher et la puissance sourde du premier Jesu.


Car ces morceaux, qui auraient pu sonner comme un parfait compromis entre post-hardcore et post-rock avec leurs bulles de tension toujours au bord de l’éclatement, leurs progressions dramatiques à la narration abstraite et leurs déflagrations finalement plus désespérées que vindicatives (Vacant Before ; Architects Of Yesterday), trouvent une toute autre dimension dans la production floue, immatérielle, presque spectrale de Gregory Hoepffner, évocatrice pourquoi pas d’un futur imaginé il y a quarante ans et qui n’existerait plus que dans la virtualité d’une dimension parallèle à la nôtre, interférant avec notre perception de la réalité le temps d’un disque qui aurait su capter cet infini de possibilités évanouies dans le temps et rendues inaccessibles aux oreilles du commun des mortels.

Un décodeur en somme, ouvert sur un espace-temps à l’existence toute relative et qui nous permettra au fil des écoutes de percer le voile d’anxiété (Autopilot ; Airs Leaks aux arpèges troublants et battements math-rock réminiscents de Slint), de frustration (Curators ; Feed Feed Connect), de nostalgie (Parallel Notebooks) et finalement de désillusion (Picture Goodbye) de ces épopées fantomatiques pour effleurer l’intangible, l’essence même d’un rêve évanoui trop vite.

Chroniques - 07.03.2011 par RabbitInYourHeadlights
 


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