Le streaming du jour #167 : Larme Superficielle - ’So Nude EP’
Larme Superficielle, c’est le projet du Lyonnais Rodolphe Bradatchova, à poil dans sa chambre et la larme à l’œil. Ou plutôt avec pour tout Linge le label du même nom dont on vous avait déjà recommandé quelques-uns des univers artisanaux et décalés, du shoegaze incongru de Claude Biscuit à la noisy-pop déconstructiviste de Cyrod en passant par l’indus synthétique et décadente de Stolearm : toute une bande de fervents profanateurs du rock d’ici avec lesquels notre bonhomme partage un goût certain pour le post-punk et la cold wave, l’affiche de quelques festivals et l’expectative d’une tournée commune.
Après une dizaine d’années à multiplier les formations guitare au poing, des Deadly Toys à Rosamer en passant par Made In Ball, Magic Bus ou Pilote, Rodolphe allait en effet découvrir coup sur coup les joies du laptop et de la drum machine, la poésie sibylline de Bashung et le psychédélisme hypnotique et déclamatoire des Legendary Pink Dots, rejoignant logiquement en début d’année les rangs du label qui lave plus sale que blanc pour y verser enfin cette Larme Superficielle qui lui pendait à l’œil : une goutte d’eau salée aux allures de coulée de lave emportant tout sur son passage, les subtils rouleaux-compresseurs des Young Gods (Pure Marry) ou les friches industrielles d’Einstürzende Neubauten (Savoir Faire, qui se termine sur un emprunt à la fameuse piste cachée du Without You I’m Nothing de Placebo riche en sous-entendus de romantisme tourmenté) comme les mausolées de Gérard Manset (Champs d’Honneur) ou même la détresse pudique d’un Fernandel pagnolesque samplé sur le mélancolique Evening Will Flow aux échos de Diabologum.
Un magma qui cristallise à mesure de sa progression sur la surface froide du bitume mais n’en continue pas moins d’avancer, faisant éclater sa propre coque de rigidité glacée pour en repousser sans cesse les limites. Dispersant ici et là les cendres de Joy Division sur les fondations d’un post-rock synthétique en cinémascope et en noir et blanc, sans pour autant interrompre son mouvement vers l’Autre, avec l’énergie du désespoir. Mais cet Autre a tendance à fuir par peur de se brûler et c’est là tout le paradoxe de cette musique, qui voudrait tant réchauffer les cœurs mais qu’on imagine pourtant avoir erré tant et tant dans la solitude de la nuit à ruminer sa frustration avant de trouver un refuge à la mesure de son spleen singulier... et bientôt, qui sait, une poignée d’âmes-sœurs ?
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