Pord - Wild

Les nerfs à vif, belliqueux, Pord poursuit sa trajectoire affolée et offre avec Wild l’une de ses plus belles pages. Grand album.

1. Staring Into Space Voir la vidéo Pord - Staring Into Space
2. I’m Swimming Home
3. My Bloody Galantine
4. Laguiole’s Bull’s Balls
5. What Are Tuesdays For ?
6. Pools’n’Chicks
7. On The Couch

date de sortie : 08-09-2014 Label : Solar Flare

Une basse se balade sur des lignes de crête du genre abyssales et fournit une ossature plastique et dense sur laquelle les zébrures contondantes de la guitare peuvent bien faire ce qu’elles veulent, elles n’entament jamais le bloc monolithique ainsi mis sur pieds. Alors tant qu’à faire, autant balancer du riff massue au kilomètre. Enfin, non, c’est quand même beaucoup plus varié que cela. Certes massives, ces six cordes-là n’en possèdent pas moins un vocabulaire bigarré : attaques pleines et frontales, giclées vicieuses et corrosives, petits pains administrés par derrière, elles explorent consciencieusement l’ensemble du spectre de l’agressivité. Dans son coin, la batterie concasse le temps, égrène les secondes en heures et tabasse le moindre bout d’espace laissé vacant. Une voix écorchée accompagne le tout, se fondant parfois dans la masse, coiffant l’apex des morceaux à d’autres moments. Depuis le fin fond de la Lozère, Pord balance un rock lourd, puissant et implacable influencé par des grands noms comme Keelhaul, Breach ou Dazzling Killmen. Un savant mélange de noisecore furieux aux rythmiques épileptiques et aux vocalises torturées. Un beau bordel qui se joue à trois, de préférence les potards dans le rouge, la rage irradiant au creux des tripes et la bile au bord des lèvres. Est-ce à dire que le trio est condamné à faire du surplace, répéter indéfiniment la même formule - irruption soudaine, tabassage impitoyable et fuite en avant - et convoquer les mêmes sentiments (en gros, la colère, la colère et la colère) ? Loin de là. Si Wild conserve la rage typique et jusqu’au-boutiste de Pord, l’album offre aussi - aujourd’hui plus que par le passé - des moments où la furie hardcore laisse place à des enclaves de tension et de violence contenues. Des moments qui ne sont pas sans rappeler Unsane ou Pigs (I’m Swimming Home, My Bloody Galantine ou On The Couch par exemple). On reste certes dans le spectre de la rugosité rageuse mais en jouant ainsi finement avec les nuances et les matités, Pord élargit son envergure et l’impact de sa musique s’en trouve décuplé. Petit bréviaire belliqueux, Wild impressionne par son exhaustivité. D’ailleurs, la sortie de ce nouvel album chez Solar Flare Records (Sofy Major, Pigs, The Great Sabatini...), parfaitement enregistré chez Serge Morattel au Rec Studio à Genève ( Knut, Tantrum, Ventura, Basement...) et illustré d’un superbe artwork du talentueux Rica, devrait suffire à convaincre de la valeur de l’objet.




S’étalant d’une à onze minutes, les morceaux s’emboîtent parfaitement les uns dans les autres et l’on passe sans vraiment s’en rendre compte d’un long canevas répétitif et accidenté à la scansion arrachée (My Bloody Galantine) à quelque chose de plus court et fuyant, sans réels contours (Laguiole Bull’s Balls) avant de bifurquer vers un titre plus prototypique et énervé (What Are Tuesdays For ?) sans qu’à aucun moment la dynamique d’ensemble ou la cohérence n’en soient altérées. En parfaite possession de leurs moyens, les trois Pord impressionnent aussi par leur technicité. Pas de ratés ou d’à-coups, lancée à pleine puissance, la machine rutilante écrase tout sur son passage. Petit Attila des temps modernes, Pord n’a pas son pareil pour traduire en musique la violence et le sang. On sort de ces sept morceaux littéralement essoré et on repart immédiatement dans le disque pour tenter de les cartographier. Comme son nom l’indique Wild est sauvage, et comme l’artwork le suggère Pord a les crocs. À l’image d’On The Couch, le plus long du lot, où le groupe semble avoir voulu faire tenir en onze minutes tous ses visages et toutes ses intentions : tour à tour répétitif et flou, haché et monolithique, méchant et apaisé, il montre un relief varié qui rétrécit inexorablement le temps. On ne pouvait rêver plus belle conclusion à un tel bloc de bruit, massif et implacable. Un album en tout point réussi, semblable à un sociopathe à sang froid, une créature primitive et affamée, un reptile qui vous chope à la tête et vous entraîne vers les abîmes en décrivant ce que les scientifiques (qui ne sont pas les derniers pour la déconne) appellent une vrille de la mort. On aura rarement entendu plus définitif cette année et en réchapper vous laissera un arrière-goût de vase au fond de la gorge.

Incontournable.

Chroniques - 27.08.2014 par leoluce, nono
 

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Articles // 31 janvier 2015
Le meilleur de 2014 par l'équipe IRM

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