Le meilleur de 2014 par l’équipe IRM

Peu de consensus et c’est tant mieux mais finalement pas mal de coups de cœur partagés au sein de cette sélection collégiale, qui part joyeusement (ou pas d’ailleurs) dans toutes les directions. Avec près de 500 propositions pour 10 votants, ce mois de janvier n’aura pas été de trop pour en dépouiller les suffrages jusqu’à la substantifique moelle de ces 20 disques et quelques à-côtés, et comme il n’est jamais trop tard pour découvrir les classiques de demain, on s’est dit qu’aujourd’hui c’était tout aussi bien qu’hier.


Meilleurs albums :






1. Death Blues - Ensemble


- Rabbit : En confiant au multi-instrumentiste californien William Ryan Fritch (Vieo Abiungo, Skyrider) les rênes de Death Blues, Jon Mueller ne s’est pas seulement adjoint les services de l’un des arrangeurs les plus évocateurs et inventifs de cette dernière décennie. Ensemble offre en effet à l’auteur de Thunder May Have Ruined The Moment un nouveau terreau d’émotions à transcender par son approche unique de la dynamique orchestrale, plus que jamais marquée par le folklore ethnique comme par les élégies de la musique classique contemporaine. Loin de l’aridité bluesy et tourmentée des débuts du projet, le foisonnement lyrique mais brut de Fritch arrondit les angles sans trop les polir à force de vents enivrants, de chœurs célestes et de clappements embrasés, arabesques violoneuses et autres cordes orientales esquissant la bande-son d’un road-movie dans les plaines d’Afrique ou les steppes d’Asie. Résolument multi-dimensionnel, ce quatrième opus empile les lignes mélodiques et les enluminures baroques comme on engrange souvenirs et sentiments qui nous aident à continuer d’avancer contre vents et marées.


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2. Carla Bozulich - Boy


- Le Crapaud : Si l’Américaine présente le troisième album qu’elle produit sous son propre nom comme un "album pop", il faut l’entendre au sens d’une artiste expérimentale, c’est-à-dire constitué de chansons avec des couplets, des refrains, des ponts, des choses qui sortent de l’ordinaire de son point de vue. Car en bouleversant les structures et les instrumentations conventionnelles du rock, Carla Bozulich a mis au monde une nouvelle entité indescriptible, teintée de la noirceur punk propre à son âme désenchantée. Chaque morceau s’avance avec lenteur, s’insinuant par des voies obscures, rampe jusqu’en nos âmes difficiles et les fait vibrer d’une façon inouïe. L’épure, le blues, l’étrange, la rage, voilà donnés d’emblée les éléments essentiels de ce disque somptueux qui de bout en bout manifeste la maîtrise d’une artiste au sommet de son art.


- Rabbit : Ce nouvel opus pour Constellation de la prophétesse art-noise californienne donne dans la mise à nu. Exit le pseudo Evangelista et ses errances déstructurées flirtant avec le dark ambient et place au storytelling habité d’un rock minimaliste dont l’intensité semble en effet ramper plus qu’elle n’éclate, soutenue par la batterie décadrée juste ce qu’il faut d’Andrea Belfi, la tension sourde et feutrée de la basse, des riffs barbelés joliment clairsemés et les incursions de claviers baroques du compère John Eichenseer. Carla a bouffé Michael Gira, Nick Cave et Bonnie ’Prince’ Billy au petit déjeuner et loin de peser sur l’estomac la digestion s’est plutôt bien passée, spleen tourmenté et visions enfiévrées se disputant la part du lion sur ces 10 morceaux de bravoure.


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3. Lawrence English - Wilderness Of Mirrors


- Rabbit : Marqué par le poème de TS Eliot Gerontion qui donne son titre à l’œuvre et les récentes performances live d’artistes coutumiers de l’impact physique des décibels tels que Earth, Swans et MBV, c’est cette adéquation entre spiritualité et résonance viscérale que l’Australien Lawrence English aura mis deux ans à coucher sur sillons, partant pour chaque morceau d’une pièce reflétée encore et encore sur elle même pour servir de fondations à ces denses architectures emboîtées. Élégies abyssales pour une humanité engloutie par la régression de ses progrès sociaux, ces 8 titres aux drones magnétiques agités d’infimes pulsations sismiques alternent crescendos vibrants et respirations lancinantes, et sonnent comme autant d’appels à la raison condamnés à ne trouver d’écho que dans les masses de nuages lourds qui les amplifient et les renvoient jusqu’à la stratosphère où leurs harmonies finissent par se dissoudre sans avoir trouvé récepteur.


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4. The Notwist - Close To The Glass


- Elnorton : Faisons notre deuil : les Notwist ne reproduiront plus jamais un album du calibre de Neon Golden. Tout simplement car les conditions permettant d’accoucher d’un tel chef-d’œuvre sont celles d’un instant et ne peuvent être reproduites sur commande. Au lieu de se retourner sur ce boulet doré, les Allemands poursuivent, après The Devil, You + Me, leur quête d’un univers où se bousculent richesse, beauté et ambition sur fond d’une poptronica qui brasse évidemment très large. Close To The Glass est pourtant un album cohérent, où Markus Acher et sa bande prennent un malin plaisir à poursuivre leurs expérimentations sonores n’ayant pour seule limite que le maintien d’une trame mélodique minimale. Et surtout, figurent sur ce disque quelques bijoux, à l’instar de Run Run Run ou Casino qui viennent rejoindre Consequence ou Gloomy Planets au panthéon des productions de la formation bavaroise.





5. Damon Albarn - Everyday Robots


- Rabbit : Introspectif et ouvert sur le monde, humble et ambitieux, épuré mais foisonnant d’arrangements inventifs et de détails de production, Everyday Robots est le chef-d’œuvre d’un globe-trotter au talent et au cœur bien trop grands pour tenir dans la panoplie du parfait petit brit-poppeux efficace et inoffensif que les fans du Blur des 90s auraient voulu ne jamais le voir quitter. A l’instar de la voix d’Albarn plus radiante que jamais de sagesse et d’espoir (cf. The Selfish Giant avec Bat For Lashes aux harmonies), ces chansons-là troublent, ensorcèlent ou transpercent de leur insondable mélancolie. Renouant avec l’élégance mélangeuse des grandes heures du trip-hop, on n’a définitivement pas entendu plus beau cette année qu’un You & Me partagé entre grâce rétro-futuriste, easy-listening tourmenté et tristesse infinie de l’automne d’une relation. Et que dire du gospel moderne de Heavy Seas Of Love emballé par les chœurs du Leytonstone City Mission Choir et le chant de dandy d’un Brian Eno dont la seule présence incarne cette identité de passeur entre la pop et l’avant-garde que l’auteur de Think Tank endosse pleinement désormais sans avoir l’air d’y toucher ?


- Elnorton : Non content d’avoir accouché de sommets ultimes tels que Think Tank (Blur) ou Demon Days (Gorillaz), Damon Albarn nous gratifie d’un nouveau chef-d’œuvre sous une troisième entité. Refrains accrocheurs (Lonely Press Play), constructions labyrinthiques (You & Me), envolées somptueuses de cordes et cohérence d’ensemble laissent place à une diversité d’une richesse incroyable, allant d’un Mr Tembo très pop et immédiat aux convulsions d’Everyday Robots en passant par les chœurs entêtants de Heavy Seas Of Love. Une œuvre véritablement majeure appelée à faire date, et pas seulement dans l’histoire musicale de cette décennie.


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6. Black To Comm - Black To Comm


- Rabbit : Encore un projet par trop méconnu que celui de Marc Richter, patron du très bon label Dekorder passé par les rangs de Digitalis avant d’atterrir chez Type, auquel le Hambourgeois reste fidèle pour ce neuvième opus d’ambient paranoïaque flirtant avec le cut-up psychédélique, une kosmische musik fantasmagorique et un drone transcendantal aux ascendants ethniques. Un disque unique dont les spirales atmosphériques démesurées (parfois sur près de 20 minutes) vous emportent ailleurs, aux confins de l’imaginaire angoissé d’un junkie du surréalisme en perte de repères. À découvrir !





7. Mac DeMarco - Salad Days


- Elnorton : Si Mac DeMarco tente par tous les moyens de ne pas être pris au sérieux - en témoignent ses diverses excentricités, que ce soit sur scène ou sur la toile - sa sincérité prend largement le dessus dans des compositions de haute volée. A l’écoute de ses petits hymnes mélancoliques ou ironiques, il paraît évident que l’étiquette de jeune prétentieux dont la presse a eu tôt fait de l’affubler ne constitue qu’un moyen de défense face à un succès qui, déjà, le dépasse. Le désespoir en moins, on pourrait oser la comparaison avec Sparklehorse ou Daniel Johnston. Par ailleurs, son imparable sens mélodique ne l’éloigne finalement pas tellement du génial Elliott Smith (Treat Her Better). A 24 ans seulement, le Canadien, rejeton de la scène lo-fi, s’inscrit déjà parmi les songwriters les plus doués de sa génération.





8. Matthew Collings - Silence Is A Rhythm Too


- Rabbit : Le silence moteur d’intensité, voici ce que vise ce second long format de celui dont on avait pu mesurer le talent sur EP au côté de Talvihorros puis de Dag Rosenqvist (Jasper TX, From the Mouth of The Sun). Cette harmonie aussi fragile qu’incandescente, l’Écossais en capte justement les vacillements ambivalents tout au long de ce bien-nommé Silence Is A Rhythm Too, dont le magnétisme tantôt mélancolique ou menaçant flirte sans complexe avec les plus belles réussites d’un Ben Frost pour cette capacité à doter le moindre craquement d’un impact viscéral démultiplié par la pesanteur du vide qui l’entoure, la dynamique naissant des respirations même de l’instrumentation.


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9. Fire ! Orchestra - Enter !


- Le Crapaud : Construites sur un groove imparable dont la progression répétitive peu à peu hypnotise, les deux longues plages de cet Enter ! voient s’amonceler cuivres puissants qui barrissent tous azimuts, voix de femmes au timbre suave pour un gospel inspiré, voix d’homme plus éraillée pour une déclamation habitée, guitares distordues et crépitements électroniques dans un ventre noisy et foutrement free, non pas mou mais vallonné, sinueux, escarpé... Enregistré live d’une seule traite, ce nouveau coup de maître du trio suédois - entouré d’une trentaine de musiciens, la fine pointe du jazz scandinave, pour produire une musique orchestrale fortement influencée par les big bands des années 60, par l’efflorescence rock et expérimentale des années 70, mais aussi par la veine noise de la production musicale récente - constitue l’envers de l’album Exit !, qui nous invitait l’année précédente à sortir du capharnaüm réel, pour mieux nous introduire à présent dans l’univers palpitant du feu !


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10. Ghostface Killah - 36 Seasons


- Spoutnik : Après avoir dézingué du mafioso à la tonne sur l’excellent Twelve Reasons To Die, Tony Starks aka Ghostface Killah revient et prolonge l’aventure sur ce grand 36 Seasons, sorte de second volet d’un diptyque (ou triptyque, une suite étant annoncée pour 2015) commencé avec Adrian Younge. Cette fois-ci, la production est confiée à The Revelations, quatuor de Brooklyn tendance Stax, maître en cuivres et en ambiances soul 60’s. Mission accomplie avec mention pour eux ! Niveau flow, Ghostface Killah, un gros cran au-dessus de Twelve Reasons To Die, rallume la flamme du Wu-Tang Clan qu’un A Better Tomorrow avait pitoyablement éteinte.





11. Teebs - E S T A R A


- Rabbit : Croisant le fer (ou plutôt le coton) avec ses homologues et compères Prefuse 73 (dans la foulée d’un EP dont on vous disait grand bien l’année précédente) et Jonti, le magicien du label Brainfeeder saupoudre de scintillements acoustiques, de field recordings impressionnistes et de percus célestes ses rêveries embrumées élevant le glitch-hop au rang d’art sacré. Bien qu’on puisse regretter les nébuleuses abstraites d’un premier opus dont les morceaux télescopaient leurs textures séraphiques en un véritable vortex organique de micro-symphonies rythmiques, la mixture extatique de beats alanguis et d’effluves psyché concoctée par Mtendre Mandowa sur cette suite plus cadrée s’avère tout aussi enivrante et n’en réserve pas moins de jolis moments d’abandon à l’image de SOTM, Piano Months ou Gratitude.


- Spoutnik : De Teebs je ne connaissais rien, c’est vierge que j’ai abordé E S T A R A et j’ai été carrément conquis ! Chose rare, la construction de l’album est impeccable, l’affaire est d’une quasi-symétrie dans la rêverie avec un vrai début et une vraie fin. L’invitation au voyage cérébral commence dès l’oxymore Endless, puis tout y passe avec la finesse et la justesse qui font les grands albums, le féerique (Shoouss Lullaby et Piano Days), le bucolique (Holyday et Mondaze), l’alambiqué, domaine dans lequel Teebs excelle (SOTM, Hi Hat et NY Part.2) et puis il y a Waxxes, un morceau qui rejoue toute la progression de l’album en 5 minutes. Du grand art !


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12. Pord - Wild


- nono : Pord balance un rock lourd, puissant et implacable influencé par des grands noms comme Keelhaul, Breach ou Dazzling Killmen. Un savant mélange de noisecore furieux aux rythmiques épileptiques et aux vocalises torturées. Un beau bordel qui se joue à trois, de préférence les potards dans le rouge, la rage irradiant au creux des tripes et la bile au bord des lèvres. Comme son nom l’indique Wild est sauvage, et comme l’artwork (du talentueux Rica) le suggère Pord a les crocs. Un album en tout point réussi, semblable à un sociopathe à sang froid, une créature primitive et affamée, un reptile qui vous chope à la tête et vous entraîne vers les abîmes en décrivant ce que les scientifiques (qui ne sont pas les derniers pour la déconne) appellent une vrille de la mort. On aura rarement entendu plus définitif cette année et en réchapper vous laissera un arrière-goût de vase au fond de la gorge.


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13. Swans - To Be Kind


- Rabbit : Deux heures bon poids, double galette, deux ou trois références bibliques dans les titres, ça vous rappelle des choses ? Eh bien ne cherchez pas plus loin : là où The Seer était ouvert (aux montées de tension/explosions, aux ruptures impromptues et autres accalmies acoustiques, aux quatre vents et même à quelques invités étonnamment mis en avant), To Be Kind prend le contrepied de sa propre thématique de retour à la vie au gré de morceaux majoritairement massifs, oppressants, hypnotiques sur lesquels viennent se greffer les incantations hallucinées de l’Américain Michael Gira, privilégiant aux progressions épiques quoique déjà pas mal plombées de l’opus précédent une plongée dans les abysses drone voire krautrock qui sous-tendent depuis longtemps la musique de Swans.


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14. L’Effondras -


- leoluce : Triangle imperméable et en permanence concentré, L’Effondras a tôt fait de nous enfermer dans ses cercles concentriques et sa petite musique se montre salement hypnotique si bien qu’à un moment donné, on a vraiment l’impression d’écouter le même morceau depuis des heures sans pour autant ressentir la moindre once d’ennui. Beaucoup de détails et d’idées nouvelles se succèdent, le calme plat renferme son lot d’accidents (le silence pesant de L’Aure Des Comètes) et les pics intenses se chargent de bifurcations incessantes (les gouttes de piano de La Fille Aux Yeux Oranges), nous envoyant valdinguer à l’autre bout du spectre alors que le groupe tourne imperturbablement autour du même pot sec et austère. Beaucoup de spontanéité mais aussi beaucoup de réflexion donc : un peu la combinaison idéale.


- Rabbit : Ce premier opus du trio post-rock de Bourg-en-Bresse est impressionnant de jusqu’au-boutisme dans sa formule instrumentale minimaliste, de tension palpable et d’intensité forcenée dans ses épopées en montagnes russes dopées tantôt aux mélodies de guitare claire, aux riffs doomesques ou au blues post-apocalyptique de Slint, entre deux crescendos qui n’explosent jamais vraiment. Ardent et habité, l’un des rares grands disques du genre cette année.


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15. Chicago Underground Duo - Locus


- Rabbit : Il y a deux ans, le cornettiste Rob Mazurek et le batteur Chad Taylor reprenaient goût aux rondeurs rythmiques et aux synthés analogiques avec The Age of Energy. Un retour vers l’abstraction dont Locus, seconde sortie chez Northern Spy, continue de creuser les jams hybrides aussi jouissifs qu’alambiqués, lorgnant dès l’entame sur le mètre-étalon de ces métissages entre jazz, post-rock et électronique, le fameux Standards des compères Tortoise que Mazurek côtoya il y a quelques années au sein d’Isotope 217. De rêveries martiennes (The Human Economy, House Of The Axe) en réminiscences afrobeat (Yaa Yaa Kole) entre deux détours par les errements discordants de l’étrange Borrow And Burry ou la transe cuivrée de Blink Out, le duo ne se contente pas pour autant de parfaire ce qu’il fait de mieux (de l’impeccable Boss à l’épique Dante) et gageons que d’ici une décade ou deux, Locus sera devenu lui aussi l’un de ces modèles que les explorateurs du jazz tenteront de digérer faute de pouvoir le copier.


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16. Jacob Faurholt - Corners


- Rabbit : Moins abrasif que ses sorties en tant que Crystal Shipsss mais finalement tout aussi névrosé sous ses refrains désarmants de simplicité, ce nouvel opus de Jacob Faurholt confirme le talent de cet héritier de Daniel Johnston ou Mark Linkous pour un songwriting touchant de nudité. Ainsi, il n’est jamais question d’autre chose que d’amour déchues et de mal-être existentiel chez l’auteur du schizophrénique Dirty Dancer de l’année précédente, à la différence que la voix d’écorché de notre Berlinois d’adoption se met ici au service de petits hymnes lo-fi électrisants (Oh My Love, Rock n Roll) ou parfois à demi débranchés (Girls, SH) qu’on jurerait tout droit revenus des glorieuses 90.


- Elnorton : Essayer d’être le trait d’union entre Sparklehorse et Eels nécessite de l’ambition. Pour y parvenir aussi élégamment, il faut une bonne dose de talent. Ça tombe bien, le Danois en regorge.


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17. Flying Lotus - You’re Dead !


- Spoutnik : Après une année 2012 remplie dUntil the Quiet Comes et Duality (que je considère comme étant un des meilleurs albums de rap de tous les temps), Flying Lotus rempile dans le magnifique avec un You’re Dead ! aussi jouissif que mystique et invente par la même le jazz du futur entre grandiloquence et introspection.


- Elnorton : Non sans s’accorder quelques incursions récréatives vers un hip-hop plus convenu (on croise d’ailleurs Snoop Dogg ou Kendrick Lamar), Flying Lotus propose un opus plus jazzy que jamais sur lequel on se surprend à voir apparaître le spectre de Tortoise pour un résultat forcément passionnant.


- Rabbit : L’album le plus ouvertement jazz du petit-neveu d’Alice Coltrane convoque l’héritage classieux autant qu’aventureux du John Coltrane free et méditatif des dernières années, du bebop cosmique des meilleurs Sun Ra (Tesla, avec Herbie Hancock aux claviers, rien que ça) ou du visionnaire Tortoise de Standards. Un rétro-futurisme qui atteint ses limites lorsque la basse vintage de l’omniprésent Thundercat confond circonvolutions libertaires et emphase datée (Fkn Dead) mais qui en général fait mouche, quelque part entre les cieux et l’arrière-boutique enfumée d’un club jazz 70s de film blaxploitation.


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18. Les Marquises - Pensée Magique


- leoluce : Lost Lost Lost avait déjà fortement intrigué il y a quelques années. Encore une fois, Les Marquises commettent un petit bout de plastique qui pèse bien plus lourd qu’il n’y paraît. C’est à la fois très mélodique et très déstructuré, accueillant et torturé, élégant et grossier, inoffensif et féroce. Disque funambule, Pensée Magique empile nombre de strates épaisses tout en montrant beaucoup de légèreté et d’élégance.


- Elnorton : Il n’est pas aisé de parvenir, comme le fait habilement Jean-Sébastien Nouveau, à satisfaire à la fois les mélomanes les plus exigeants et ceux qui recherchent en priorité un plaisir immédiat. Ici, la multiplication des couches sonores, si elle apporte un aspect parfois chamanique, ne nuit jamais à l’aspect mélodique des compositions. Du violon à la trompette, en passant par le saxophone, les percussions et les larsens, les musiciens sont nombreux et l’électronique ne s’invite que ponctuellement. De ce dosage réside probablement l’une des dimensions – le travail, le talent et la maîtrise technique en sont d’autres – rendant ce disque de pop tribale si humain, riche et abouti.


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19. Blueprint - Respect The Architect


- Spoutnik : Les années avançant, les sorties de Blueprint passent de plus en plus inaperçues, et pourtant, le rappeur de l’Ohio est une légende de l’underground ! Avec ce Respect The Architect, de la production au micro, Blueprint nous livre un album solide (quoiqu’un peu court, dommage pour nous). Avec des prods soul teintées 90s à la Primo, un choix de samples pertinents, des potes et surtout un artisanat, un goût de la belle rime, un goût du beau geste qu’on ressent sur chaque piste.



- Rabbit : Trois ans après le décevant Adventures In Counter-Culture, dernier opus paru chez Rhymesayers, bien m’en a pris de suivre les conseils de Spoutnik et renouer avec Blueprint pour cette deuxième sortie sur son propre label. L’Américain au flow toujours aussi confiant se fait en effet une nouvelle jeunesse à coups de samples soul aux boucles addictives - quelque part entre DJ Premier et J Dilla - sur ce disque très personnel aux accents de ferveur désarmants. Le morceau-titre est fabuleux.


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20. Be My Weapon - ¡¡GREASY !!


- Rabbit : Passé sous les radars depuis l’abandon de son pseudo Swell, David Freel n’a pourtant rien perdu du panache et de l’audace des plus grandes heures de sa glorieuse formation psyché/lo-fi des 90s. Déglingué et larsenisant, pétri d’ironie et de névroses à fleur de peau, ¡¡GREASY !! évoque ainsi dans sa première partie la flamboyance baroque d’un Menomena voire même d’un TV On The Radio, dans la continuité des passages les plus weird et habités de For All The Beautiful People, avant de calmer le jeu mais pas l’intensité sur les fabuleux Please Pardon Me et From Sea To Shining Sea. Mais... une pirouette délicatement bruitiste (The Reason We Got Named) et voilà que l’album se met à tirer sur l’atonalité, à coups d’électronique et de synthés discordants puis dans une veine plus ouvertement expérimentale à l’entame du drogué We Know You Know We Know dont les nappes rétro-futuristes ouvrent pourtant sur une ballade comme on n’en fait plus, capable de coller des frissons au plus blasé des nostalgiques de Gastr Del Sol comme de Grandaddy.


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Meilleurs EPs :






1. The One Burned Ma - Gris Amer


S’éloignant un peu plus à chaque sortie du rock expérimental cradingue et forcené (qui prévalait encore sur le non moins fameux Froid dans le Dos) pour tendre vers quelque chose d’à la fois plus abstrait, bruitiste et travaillé, The One Burned Ma passe un pallier avec ce (généreux) format court à la croisée du harsh noise et du dark ambient. Toutefois, réduire le disque à ses pics de violence cathartique où s’affrontent déferlantes de grouillis abrasifs et batterie free serait loin de lui faire justice. C’est en effet dans sa seconde moitié, exactement au bout du vortex de bruit blanc d’un morceau-titre en parfait équilibre entre le crescendo des trois précédents et le décrescrendo des trois suivants, que Gris Amer révèle tout le talent du musicien pour l’esquisse de dédales soniques plus insidieux (La Part d’Ombre et ses palpitations électro hypnotiques aux échos déstabilisants) et finalement tout aussi menaçants (le doom larvé du parfait Les Heures Sombrent).


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2. Monsieur Saï - Première Volte Digitale


- Rabbit : Insurrection digitale, écriture vitale, dystopie sociale devenue réalité, mafia politique, paresse intellectuelle et malhonnêteté culturelle, autant de thèmes qui s’entrechoquent sur cette série de morceaux suintant l’urgence et l’envie d’en découdre avec l’absurdité de notre environnement social, jetés sur sillons digitaux comme autant de bombes artisanales dans les soubassements d’un système qui réduit l’homme à un tas de viande tout juste bon pour l’abattoir. Décidément, la plume de Monsieur Saï n’a rien à envier au Michniak des derniers Diabologum ou des premiers Programme, une bonne dose de truculence en sus.


- Spoutnik : En 2014, en plus de l’excellent Libertés Nomades, Monsieur Saï nous aura gratifiés d’une magistrale Première Volte Digitale dans la gueule. Mon cœur balance pour cet EP plus spontané, plus rentre-dedans, plus direct, plus cru aussi. Un vrai brûlot social entre diss rap anar et activisme hip-hop urgent et c’est là que le Manceau excelle !


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Meilleure pochette :






Lawrence English - Wilderness Of Mirrors


Meilleure bande originale de film :






Trent Reznor & Atticus Ross - Gone Girl


- Elnorton : Après The Social Network et The Girl With The Dragon Tattoo, David Fincher fait de nouveau confiance à Trent Reznor et Atticus Ross pour signer la bande originale de Gone Girl. Une nouvelle fois, le réalisateur américain peut s’appuyer sur des compositions de haute volée. Entre ambient vaporeuse et sonorités industrielles, la tête pensante de Nine Inch Nails puise dans les deux extrémités de sa discographie : le piano hanté de Still ou Ghosts I-IV et les névroses de The Downward Spiral.


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Meilleur label : I Had An Accident






Passer de meilleur label expérimental à meilleur label expérimental ET hip-hop en l’espace d’un an, c’est le petit exploit accompli en 2014 par IHAA dont certaines des dernieres sorties signées John E Cab, Seez Mics, Loop Minded Individuals ou DREDi, en écoute intégrale comme à l’accoutumée sur la page Bandcamp de l’écurie d’Annapolis, terminent juste aux portes du bilan. Ajoutez à cela quelques sommets d’abstract cinématographique, de free rock psychédélique, de dark ambient mystique, de folk fantomatique et de hip-hop alternatif encore, et encore, et encore et vous tenez là le choix le plus évident de ce classement.


Déception de l’année :




Le split de The Mars Volta.